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Cependant la valeur premiere des denrées sera on raison de l’inégalité réciproque de la masse des signes.

Malgré les inconvéniens d’une banque, si l’état se trouve dans ces momens terribles, & qui ne doivent jamais être oubliés, d’une crise qui ne lui permet aucune action ; il paroît évident que cet établissement est la ressource la plus promte & la plus efficace, si on lui prescrit des bornes. Leur mesure sera la portion d’activité nécessaire à l’état pour rétablir la confiance publique par degrés : & il semble que des caisses d’escompte rendroient les mêmes services d’une maniere irréprochable. Une banque peut encore être utile dans de petits pays, qui ont plus de besoins que de superflu, ou qui possedent des denrées uniques.

Nous n’avons parlé jusqu’à présent que des banques solides, c’est-à-dire dont toutes les obligations sont balancées par un gage mercantil. Les états qui les ont regardées comme une facilité de dépenser, n’ont joüi de leur prospérité que jusqu’au moment où leur crédit a été attaqué dans son principe. Dans tous les tems & dans tous les pays, la ruine d’un pareil crédit entraînera pour long tems celle du corps politique : mais avant que le jour en soit arrivé, il en aura toûjours résulté un ravage intérieur, comme nous l’avons expliqué plus haut en parlant des dettes publiques. Art. de M. D. V. F. Voyez les Elemens du Commerce du même auteur.

* Crédit, (Morale.) La définition du crédit, que M. Duclos a donnée dans ses considérations sur les mœurs, étant générale, l’auteur de l’article précédent n’a eu besoin que de la restraindre pour l’appliquer au commerce. Le crédit d’un homme auprès d’un autre, ajoûte M. Duclos, marque quelqu’infériorité dans le premier. On ne dit point le crédit d’un souverain, à moins qu’on ne le considere relativement à d’autres souverains, dont la réunion forme à son égard de la supériorité. Un prince aura d’autant moins de crédit parmi les autres, qu’il sera plus puissant & moins équitable ; mais l’équité peut contrebalancer la puissance, & je ne suis pas éloigné de croire que cette vertu ne soit par conséquent aussi essentielle à un souverain, sur-tout s’il est puissant parmi les autres souverains, qu’à un commerçant dans la société. Rien ne feroit plus d’honneur à un grand, que le crédit qu’il accorderoit à un honnête-homme, parce que le crédit étant une relation fondée ou sur l’estime ou sur l’inclination, ces sentimens marqueroient de la conformité soit dans l’esprit soit dans le cœur. Voyez le chapitre du crédit dans l’ouvrage que nous citons ; si vous êtes un grand, vous y apprendrez à bien choisir ceux à qui vous pourrez accorder du crédit ; si vous êtes un subalterne en faveur, vous y apprendrez à faire un usage convenable du crédit que vous avez.

Crédit, (Jurisprud.) signifie en général tout ce qui est confié à autrui.

Faire crédit, vendre à crédit, c’est donner quelque chose & accorder terme pour le payement, soit que ce terme soit fixé ou indéfini.

En matiere de Commerce, le terme de crédit est opposé à celui de débit ; le crédit est ce qui est dû au marchand, le débit est ce qu’il doit de sa part ; il distingue l’un & l’autre sur le grand livre de raison, qui contient autant de comptes particuliers que le marchand a de débiteurs. On fait un article pour chacun ; le crédit du marchand est marqué au verso d’un feuillet du grand livre, & le débit de ce même marchand, à l’égard de son créancier, est marqué sur le recto du feuillet suivant, desorte que l’on peut voir d’un coup d’œil le crédit marqué à gauche & le débit à droite.

Donner crédit sur soi, c’est se reconnoître débiteur envers quelqu’un. Quand le Roi crée des rentes sur ses revenus il donne crédit aux prevôt des marchands

& échevins de Paris sur lui, pour aliéner de ces rentes au profit des acquéreurs jusqu’à concurrence d’une certaine somme. Le clergé & les états des provinces accordent aussi quelquefois crédit sur eux au Roi, comme on voit dans l’arrêt du conseil & lettres patentes du 15 Décembre 1746, qui autorisent le traité fait entre les commissaires du Roi & ceux des états de Languedoc, le 1 Décembre 1746, au sujet du crédit que cette province avoit accordé sur soi à S. M. pour six millions.

Prêter son crédit, signifie prêter son nom & fournir son obligation pour emprunter des deniers qui doivent tourner au profit d’une autre personne ; on en voit un exemple dans un arrêt du conseil du 25 Août 1733, concernant un emprunt de deux millions, pour lequel la province de Languedoc avoit prêté son crédit à S. M.

Lettre de crédit, est une lettre missive qu’un marchand négociant ou banquier adresse à un de ses correspondans établi dans une autre ville, & par laquelle il lui mande de fournir à un tiers porteur de cette lettre une certaine somme d’argent, ou bien indéfiniment tout ce dont il aura besoin.

Ceux qui ont reçu de l’argent en vertu de ces sortes de lettres, sont contraignables au payement de même que si c’étoient des lettres de change.

Il est facile d’abuser de ces lettres, quand l’ordre de fournir de l’argent est indéfini, ou quand il est au porteur ; car la lettre peut être volée : on doit donc prendre des précautions pour limiter le crédit que l’on donne, & pour que le correspondant paye sûrement en lui désignant la personne de façon qu’il ne puisse être trompé.

Crédit, (droit de) La plûpart des seigneurs avoient ce droit dans leurs terres, qui consistoit en ce qu’ils pouvoient prendre chez eux des vivres & autres denrées à crédit, c’est-à-dire sans être obligés de les payer sur le champ, mais seulement après un certain tems marqué : ils étoient quelquefois obligés de donner des gages pour la sûreté du payement.

Il est parlé de ce droit de crédit dans plusieurs anciennes chartres, entr’autres dans celle que Philippe Auguste accorda en 1209 pour l’établissement de la commune de Compiegne. Il ordonne que les habitans seront crédit à l’abbé pendant trois mois, de pain, chair & poisson ; que s’il ne paye pas au bout de ce terme, on ne sera pas obligé de lui rien donner qu’il n’ait payé.

Robert comte de Dreux & de Montfort, seigneur de Saint-Valery, ordonna par des lettres de l’an 1219, que toutes les fois qu’il séjourneroit à Dieppe, on seroit tenu de lui faire crédit pendant quinze jours, de 10 liv de monnoie usuelle.

A Boiscommun & dans plusieurs autres endroits, le Roi avoit crédit pendant quinze jours pour les vivres qu’il achetoit des habitans ; & celui auquel il avoit donné des gages pour sa sûreté, & en général quiconque avoit reçu des gages de quelqu’un, pouvoit, en cas qu’il ne fût pas payé, les vendre huit jours après l’échéance du payement, comme il paroît par des lettres du roi Jean, du mois d’Avril 1351.

Plusieurs seigneurs particuliers avoient droit de crédit pendant le même tems, tels que le comte d’Anjou, le seigneur de Mailli-le-château & sa femme, & le seigneur d’Ervy.

Ce qui est de singulier, c’est que dans quelques endroits de simples seigneurs avoient pour leur crédit un terme plus long que le Roi ne l’avoit à Boiscommun & autres lieux du même usage.

Par exemple, à Beauvoir le Dauphin avoit crédit pendant un mois pour les denrées qu’il achetoit pour la provision de son hôtel ; mais il étoit obligé de donner au vendeur un gage qui valût un tiers plus que la chose vendue.