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mettre en ordre, & en composer un seul cahier qu’on lit dans l’assemblée des états, & où l’on examine si les coûtumes sont telles qu’on les présente dans le cahier. A chaque article, chacun des députés des trois états a la liberté de faire ses observations ; & enfin les articles sont adoptés, rejettés ou modifiés, suivant ce qui est arrêté dans l’assemblée : & les coûtumes ainsi rédigées, sont apportées au parlement pour y être registrées, si faire se doit.

On voit dans l’histoire de Lorraine, que quand le duc de Lorraine eut fait rédiger la coûtume de Bar, le procureur général du Roi au parlement de Paris interjetta appel de sa rédaction ; que le duc de Lorraine fut partie sur l’appel, en qualité d’intimé ; & qu’après que son avocat eut été entendu, il intervint arrêt le 4 Décembre 1581, qui ordonna la publication de cette coûtume.

La coûtume de Ponthieu fut rédigée par les officiers des lieux, seuls. La plûpart des autres l’ont été par des commissaires nommés par le Roi, & tirés ordinairement du corps du parlement, lesquels ont présidé à l’assemblée des états, & arrêté les articles en la forme où ils sont ; mais n’ayant pas eu le tems de composer eux-mêmes les cahiers des coûtumes, ni de les corriger à loisir, ce sont les officiers du pays qui ont eu le plus de part à la rédaction ; c’est pourquoi le style de la plûpart de ces coûtumes est si grossier, & il s’y trouve si peu d’ordre & de méthode ; ce qui n’empêche pas que les commissaires qui y ont présidé, ne fussent des gens de mérite.

Plusieurs de ces commissaires ont beaucoup imprimé de leur génie dans la coûtume qu’ils ont fait rédiger : par exemple, le premier président Lizet, qui assista à la rédaction de celle de Berry en 1539, la rendit, autant qu’il put, conforme au droit romain, quoique cette province fût purement coûtumiere. M. le Maistre, au contraire, qui fut depuis premier président, ne souffrit pas que les principes du droit romain fussent insérés dans les coûtumes à la rédaction desquelles il assista.

On compte environ soixante coûtumes générales dans le royaume, c’est-à-dire qui sont observées dans une province entiere ; & environ trois cents coûtumes locales qui ne sont observées que dans une seule ville, bourg ou village.

Il n’y a point de province où il y ait tant de bigarrure à cet égard, que dans la province d’Auvergne ; les coûtumes locales y sont en très-grand nombre, chaque ville, bourg ou village y a sa coûtume particuliere. D’autres sont régies par le droit écrit ; & les lieux régis par le droit coûtumier, sont entremêlés avec ceux qui suivent le droit écrit.

Louis XI. avoit, dit-on, dessein de réduire toutes les coûtumes du royaume en une seule, & que l’on usât partout du même poids & de la même mesure. Ce loüable dessein est demeuré jusqu’à présent sans exécution. Quelques-uns ont crû qu’il avoit été renouvellé par M. le premier président de Lamoignon ; que c’étoit dans cette vûe qu’il avoit fait composer ces arrêtés célebres, auxquels il ne manque que d’être revêtus de l’autorité publique : mais M. Auzanet qui y avoit eu beaucoup de part, assûre que l’objet de M. de Lamoignon étoit seulement de fixer la jurisprudence dans le ressort du parlement de Paris. Il convient que l’on a proposé plusieurs fois d’établir une loi, un poids & une mesure qui fussent communs pour toute la France : que cela ne seroit pas difficile à exécuter pour les poids & mesures ; mais de faire une loi générale pour tous les pays de coûtume & de droit écrit, c’est à quoi il prétend que l’on ne peut pas parvenir : il en allegue pour raison que plusieurs provinces se sont données à la France, à la charge de les maintenir dans l’usage de leurs lois & coûtumes ;

que les habitans de chaque pays croyent que leurs lois sont les meilleures ; & enfin que si on changeoit les coûtumes, cela causeroit beaucoup de trouble dans les familles, par rapport aux conventions & dispositions qui ont été faites suivant ces coûtumes.

Ces considérations ne paroissent cependant pas capables de balancer l’avantage commun que l’on retireroit de n’avoir qu’une seule loi. N’est-il pas étrange de voir dans un même royaume tant de coûtumes différentes ; & que dans une même province où il se trouve plusieurs coûtumes locales dont le ressort n’est séparé que par une riviere ou par un chemin, ce qui est réputé juste d’un côté, soit réputé injuste de l’autre ? La prévention des peuples pour leurs anciens usages, n’est pas ce que l’on doit consulter, mais le bien public. En rendant toutes les coûtumes uniformes pour l’avenir, on ne changeroit rien à ce qui auroit été fait par le passé ; ainsi il n’y auroit nul inconvénient, & il ne seroit pas plus difficile de réduire tout à une même coûtume, que de réduire tout à un poids & à une mesure.

Les différentes coûtumes du royaume ont été rassemblées en plusieurs volumes, ce que l’on appelle le coûtumier général ; & les coûtumes générales & particulieres de certaines provinces ont été pareillement rassemblées avec leurs commentateurs, ce qui a formé plusieurs coûtumiers particuliers, que l’on a distingués chacun par le nom de la province dont ils contiennent les coûtumes, tels que les coûtumiers de Picardie, de Vermandois, de Poitou, &c. Voyez Coutumier.

Quelque soin que l’on ait pris pour la rédaction ou réformation des coûtumes, il s’en faut beaucoup que ces coûtumes ayent prévû toutes les matieres & toutes les questions qui se présentent ; les dispositions même qu’elles contiennent, ont besoin d’interprétation : c’est ce qui a fait naître les commentaires, observations, conférences & autres ouvrages sur le texte des coûtumes.

Je ne sai où M. Caterinot a pris que la coûtume de Berry est la premiere qui ait été commentée par Boërius ; car ce commentaire est moins ancien que celui de Dumolin sur la coûtume de Paris, & il y en a encore de plus anciens sur d’autres coûtumes. Je crois qu’un des premiers est un volume in-12. sur la coûtume de Bretagne, par Dalier & autres, qui fut imprimé en gothique à Rennes en 1484.

Il n’y a guere de coûtume qui n’ait eu quelque commentateur. Celle de Paris en a eu environ vingt-cinq plus ou moins considérables, dont le premier & le plus recommandable est Me. Charles Dumolin, qui a aussi fait des notes sommaires sur les autres coûtumes.

La plûpart des autres commentateurs n’ont travaillé que sur la coûtume de leur pays ; & il est en effet difficile de bien commenter une coûtume & d’en bien posséder l’esprit, & de connoître tous les usages d’un lieu, sans y être né, ou du moins sans y être établi depuis long-tems.

Quelques auteurs, au lieu de commentaires, ont fait des conférences des coûtumes : Guenois, par exemple, a fait une conférence générale de toutes les coûtumes du royaume, qu’il a arrangé par matieres ; ce qui est fort utile pour comparer les coûtumes les unes aux autres, voir quel est le droit commun sur une matiere, & ce que chaque coûtume a de singulier.

D’autres ont fait des conférences particulieres pour une seule coûtume ; c’est-à-dire que pour l’éclaircir, ils ont rapporté sous chaque article les dispositions des autres coûtumes qui ont rapport au même objet.

M. Berroyer a fait la bibliotheque des coûtumes,