Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/417

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rois, Saxons, Anglois, Frisons, Lombards, & des capitulaires de nos rois.

Nous voyons en effet que la plûpart des matieres qui entrent dans notre droit coûtumier, ont été tirées de ces anciennes lois ou coûtumes, telles que la communauté de biens qui nous vient des Gaulois, le doüaire qui nous vient des Germains, les fiefs qui nous viennent aussi des Germains & des Lombards, & les propres dont l’usage vient des Francs.

La révolution qui arriva en France au commencement de la troisieme race ayant fait tomber toutes les lois dans l’oubli, on ne suivit plus qu’un droit incertain, fondé seulement sur l’usage ; les ducs, les comtes, & autres officiers royaux, s’étant attribué la propriété des villes & provinces dont ils n’avoient que l’administration, & les plus puissans d’entr’eux s’étant même érigés en souverains, entreprirent chacun de donner des lois à leurs sujets ; c’est de-là que les coûtumes se sont tant multipliées dans le royaume.

Les nations voisines de la France avoient aussi dès-lors leurs coûtumes particulieres, qui furent rédigées par écrit, telles que celle de Barcelonne en 1060, celle d’Angleterre en 1080, celle de Béarn en 1088, le livre des fiefs en 1150, le miroir du droit de Saxe en 1120.

Les assises de Jérusalem qui y furent rédigées par écrit en 1099, contiennent un précis du droit coûtumier qui s’observoit alors en France, mais qui n’y étoit point encore rédigé par écrit.

Auparavant la rédaction des coûtumes par écrit, rien n’étoit plus incertain que le droit coûtumier ; dans toutes les contestations, chacun alléguoit pour soi la coûtume ; les juges ordonnoient des enquêtes par turbes, qui souvent induisoient en erreur, & quelquefois laissoient le juge dans l’incertitude, parce qu’il arrivoit souvent que moitié des témoins alléguoit la coûtume d’une façon, & que l’autre moitié attestoit une coûtume toute contraire ; ce qui dépendoit beaucoup de la bonne ou mauvaise foi des témoins, qui étoient souvent gagnés pour attester une coûtume contraire à la véritable. Ces inconvéniens firent sentir la nécessité de rédiger les coûtumes par écrit.

On avoit déjà fait une premiere ébauche de cette rédaction, dans les chartes que Louis VII. & Philippe Auguste accorderent à plusieurs villes & bourgs dans les xj. & xij. siecles, pour y établir une commune ou chartes par lesquelles ils confirmerent celles qui avoient déjà été établies par quelques seigneurs. Ces chartes de commune confirment plusieurs usages qui étoient propres à chaque ville.

Mais du tems de S. Louis on commença à rédiger par écrit les coûtumes des provinces entieres : celles de Paris, d’Anjou, & d’Orléans, furent recueillies & confirmées dans les établissemens ou ordonnances que ce prince fit en 1270, avant de partir pour l’Afrique.

On tient communément que Charles VII. fut le premier qui ordonna que les coûtumes seroient rédigées par écrit : il est néanmoins certain que Philippe IV. avoit ordonné dès 1302, que dans chaque bailliage ou sénéchaussée on assembleroit plusieurs personnes capables pour informer des anciennes coûtumes du royaume, & de quelle maniere on en usoit du tems de S. Louis ; voulant que si depuis ce tems, outre les bonnes coûtumes qui avoient été approuvées, on en avoit introduit qui eussent déjà été abolies ou qui fussent injustes, elles seroient révoquées & réduites à leur ancien état, & que pour mémoire des bonnes coûtumes elles seroient registrées. Il ordonna aussi dans un autre article, que les juges garderoient soigneusement les usages des lieux & les coûtumes approuvées. Il y avoit par conséquent dès-lors des

coûtumes, & l’on pensoit que pour avoir force de loi elles devoient être approuvées.

On trouve en effet quelques coûtumes qui furent rédigées par écrit à-peu-près vers ce tems, comme celle de Toulouse en 1285, celle de Provence & de Forcalquier en 1366, celle de Bragerac en 1368 ; & plusieurs autres qui ont depuis été réformées, comme les anciennes coûtumes de Champagne, de Bourgogne, de Normandie, d’Amiens ; la plûpart de ces anciennes rédactions sont en latin, telles que les coûtumes de Toulouse, de Provence, & de Forcalquier. On tient communément que l’ancienne coûtume de Normandie est la premiere qui fut rédigée en langue vulgaire.

Outre les textes des anciennes coûtumes, il y a encore quelques ouvrages composés par différens particuliers qui ont recueilli soigneusement le droit coûtumier, tel qu’il s’observoit de leur tems. De ce nombre sont le Conseil de Pierre de Fontaines ; le Livre à la reine Blanche, que l’on dit être du même auteur ; les Coûtumes de Beauvaisis, composées par Philippe de Beaumanoir en 1285 ; la Somme rurale de Bouteiller ; le grand Coûtumier, composé sous le regne de Charles VII. les Décisions de Jean des Mares ; & les Coûtumes notoires du châtelet, qui sont la plûpart des résultats d’enquêtes par turbes faites depuis l’an 1300 jusqu’en 1387.

L’autorité des coûtumes devint si grande, que Charles IV. fit défenses d’alléguer les lois romaines contre la coûtume ; un ancien arrêt dont Bodin fait mention liv. 1. ch. viij. le défendit aussi en ces termes : Les avocats ne soient si hardis de mettre droit écrit contre la coûtume.

Charles VII. après avoir chassé les Anglois du royaume, donna en 1453 une ordonnance, par laquelle il renouvella le projet qui avoit déjà été formé avant lui, de faire rédiger par écrit toutes les coûtumes ; ce qui n’avoit été exécuté que pour un très-petit nombre. Il ordonna donc que toutes les coûtumes seroient écrites & accordées par les praticiens de chaque pays, puis examinées & autorisées par le grand-conseil & par le parlement ; & que les coûtumes ainsi rédigées & approuvées seroient observées comme lois, sans qu’on en pût alléguer d’autres.

Il n’y eut cependant aucune coûtume rédigée sous Charles VII. & la premiere qui fut rédigée en exécution de son ordonnance, fut celle de Ponthieu en 1495, sous Charles VIII.

Le travail de la rédaction des coûtumes avança peu jusqu’au tems de Louis XII. sous lequel on rédigea les coûtumes d’Anjou, du Maine, de Chartres & de Dreux ; celles de Meaux, de Vitry, de Chaumont en Bassigny, de Troyes, d’Auvergne, d’Acqs, Saint-Sever, la Bourt, Bayonne, la Rochelle & Angoumois.

Les autres coûtumes ont été rédigées sous François I. & sous ses successeurs, depuis 1518 jusqu’en 1609.

Quelques unes, après avoir été rédigées par écrit, ont été dans la suite réformées, comme celles de Paris, d’Orléans, de Normandie, de Bretagne, d’Artois & plusieurs autres.

Les seules qui ayent été réformées de nos jours, sont les coûtumes locales d’Artois & les coutumes locales de Saint-Omer.

Toutes les coûtumes du royaume ont été rédigées ou réformées en vertu de lettres patentes du Roi, suivant lesquelles on assemble les trois états de la province. On ordonne dans une premiere assemblée à tous les juges royaux, greffiers, maires & échevins, d’envoyer leurs mémoires sur les coûtumes, usages & styles qu’ils ont vû pratiquer d’ancienneté. Les états choisissent ensuite un petit nombre de notables, auxquels on remet ces mémoires pour les