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l’endroit d’une tache brune qui est sur chaque anneau. En général les cousins ont le corps allongé, cylindrique, & composé de huit anneaux ; le corcelet est court & gros, il porte les six jambes, les deux ailes, & les deux balanciers ou maillets de cet insecte. On y voit aussi quatre stigmates. Dans l’état de repos les ailes se croisent l’une sur l’autre ; elles sont très-minces & transparentes ; on y apperçoit au microscope quelques écailles semblables à celles des ailes de papillon ; ces écailles sont placées pour l’ordinaire le long des nervures de l’aile, ce qui ressemble en quelque sorte à des feuilles posées le long de la tige d’une plante ; il y a aussi des écailles sur le corcelet & sur tous les anneaux du corps, & on y découvre des poils longs & extrèmement fins : les antennes sont faites en forme de panache, celles des mâles sont plus grosses que celles des femelles. Ces insectes ont des yeux à réseau qui entourent presque toute la tête ; il y en a qui sont d’un beau verd, changeant à certains aspects où ils paroissent rouges. Dans quelques especes il y a deux corps oblongs, arrondis, & placés près de la trompe comme les barbes des papillons. Les cousins piquent par le moyen d’une trompe ; c’est une sorte d’instrument composé de plusieurs pieces renfermées dans un fourreau, qui paroît cylindrique dans la plus grande partie de sa longueur, & qui est couvert d’écailles ; il est terminé par un bouton pointu, dont l’extrémité est percée : on apperçoit quelquefois une pointe qui sort par cette ouverture ; mais lorsqu’on presse l’insecte entre deux doigts par le corcelet près de la tête, on voit le fourreau de la trompe s’entrouvrir dans sa partie supérieure, & quelquefois d’un bout à l’autre, jusqu’au bouton qui est à l’extrémité. Il sort alors de l’ouverture du fourreau une espece de fil rougeâtre & luisant, qui se courbe dans toute sa longueur ; ce fil est composé de plusieurs filets que l’on peut séparer les uns d’avec les autres, & qui se séparent quelquefois d’eux-mêmes. Lorsque l’insecte pique, on voit la pointe qui sort de l’ouverture du bouton placé à l’extrémité de la trompe : il fait d’abord quelque tentative, & semble chercher l’endroit où il enfoncera la pointe ; alors si on l’observe, par exemple, sur la main avec une loupe, on voit qu’à mesure que l’aiguillon pénetre dans la chair, il glisse à travers le bouton qui remonte du côté de la tête de l’insecte : le fourreau n’étant pas fait de façon à se raccourcir en se plissant, il se plie par le milieu, l’aiguillon en sort par la fente dont il a déjà été fait mention, & le bouton du fourreau en se rapprochant de la tête de l’insecte met le fourreau en double. Cette organisation est particuliere à la trompe du cousin : c’est par ce moyen qu’un aiguillon qui n’a qu’une ligne de longueur, peut entrer dans la peau à trois quarts de ligne & plus de profondeur sans s’allonger d’autant, sans que le fourreau se plisse & sans que le bouton entre dans l’ouverture que fait l’aiguillon. Il y a quelques différences entre les trompes des diverses especes de cousins : on voit quelquefois deux antennes qui se séparent de la trompe ; dans d’autres l’aiguillon a un double fourreau ; l’extérieur est composé de deux pieces latérales, qui se séparent du second, & s’élevent jusqu’à la tête de l’insecte avant que le second fourreau se plie lorsque l’aiguillon fait une piquûre. Il y a de ces insectes dont l’aiguillon est plus fort que celui des especes les plus communes ; l’extrémité de l’étui s’éloigne de celle de l’aiguillon, qui par conséquent ne passe plus par le bouton de l’étui lorsqu’il sort au-dehors ; l’insecte s’appuie alors sur l’extrémité de l’étui de la trompe, comme sur une jambe qui pose à une ou deux lignes de l’endroit où se fait la piquûre de l’aiguillon.

Cet aiguillon est dans tous les cousins composé de plusieurs pieces, mais si fines, que les observateurs

ne sont pas d’accord ni sur leur nombre ni sur leur figure ; mais il n’est pas douteux que ces insectes ne sucent le sang des animaux & de l’homme par le moyen de leur trompe ; ils s’en remplissent l’estomac & tous les intestins. Le ventre qui est plat, flasque, & gris, lorsqu’il est vuide, devient arrondi, tendu, & rougeâtre, après qu’il a été rempli de sang ; & pour qu’il en contienne une plus grande quantité, on prétend que l’insecte rend les excrémens qui y étoient restés ; mais cette quantité est si petite, qu’elle seroit très-indifférente si nous ne ressentions pas une petite douleur dans l’instant de la piquûre, & sur-tout si elle n’étoit pas suivie d’une démangeaison assez forte, & d’une enflûre assez considérable. Sur les bords de la mer & dans les lieux marécageux, où il se trouve un plus grand nombre de ces insectes qu’ailleurs, il arrive que leurs piquûres sont si fréquentes, que des gens en ont eu les bras & les jambes enflés & affectes au point, qu’il étoit à craindre qu’on ne fût obligé de les couper. Pour l’ordinaire les piquûres de ces insectes ne sont pas si dangereuses, mais on en est assez incommodé pour en rechercher la cause & le remede.

L’aiguillon qui fait cette piquûre est si délié, qu’on a peine à l’appercevoir, & qu’on ne sait comment il est capable de causer de la douleur & des tumeurs dans la peau : on a cru que ces symptomes venoient de ce que l’aiguillon avoit une figure particuliere ; mais il y a là-dessus une autre opinion, c’est qu’il sort de la trompe une liqueur qui peut irriter la petite plaie. On a vû dans diverses circonstances de petites gouttes d’une liqueur claire au bout de la trompe, &c. cette eau sert peut-être à délayer le sang, & à le rendre assez fluide pour qu’il puisse entrer dans la trompe. On a comparé cette liqueur à la salive qui prépare les alimens à la digestion. Quoi qu’il en soit, il vaudroit encore mieux avoir un bon remede contre les piquûres du cousin, que de connoître la cause des accidens qu’elles font éprouver. On conseille de délayer avec de l’eau la liqueur que l’insecte a laissée dans la plaie, c’est-à-dire de laver la plaie aussi-tôt qu’on a été piqué, & même de la gratter pour l’aggrandir afin que l’eau y pénetre mieux. Pour l’ordinaire on ne la grate que trop, & l’enflûre n’en est que plus grande ; mais je ne doute pas que l’eau, ou tout autre topique émollient & rafraîchissant, ne puisse non-seulement adoucir la demangeaison & prévenir l’enflûre, mais même faire disparoître la tumeur lorsqu’elle est déjà formée ; & je crois qu’on ne doit pas négliger de traiter méthodiquement les piquûres de ces insectes, lorsqu’il y en a plusieurs sur une même partie. Il est à croire que le sang des animaux n’est pas un aliment nécessaire pour les insectes dont il s’agit, & que la plûpart vivent du suc des plantes, sans jamais sucer de sang.

Les cousins naissent dans les eaux croupissantes. On les trouve sous la forme de vers aquatiques dans les mares, depuis le mois de Mai jusqu’au commencement de l’hyver. Dans les années pluvieuses leur nombre est prodigieux : mais il est toûjours aisé d’en avoir ; il suffit de laisser un baquet plein d’eau à l’air, au bout de quelques semaines il y a des vers de cousins. Ceux des différentes especes peuvent varier en quelque chose dans leur figure ; mais ils se ressemblent tous pour les parties essentielles. Ces vers n’ont ni jambes ni dents ; le corps est allongé ; la tête bien détachée du premier anneau auquel elle tient par une espece de cou. Les anneaux sont au nombre de neuf ; le premier est beaucoup plus gros & plus long que les autres ; ils diminuent successivement de grosseur jusqu’au dernier, qui est le plus petit de tous : il y a une sorte de tuyau qui tient au dernier anneau, & qui pour l’ordinaire est dirigé obliquement en arriere & à côté : sa longueur est plus grande que celle