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me celui du grillon, & qu’il reste sous terre comme la taupe. Il est de la longueur & de la grosseur du petit doigt, & il ressemble en quelque façon à une sauterelle ; il a auprès de l’anus deux filets garnis de poils ; le corps est formé par huit anneaux écailleux, un peu velus, & de couleur de châtaigne ; le ventre est mou, & moins foncé en couleur ; le dos est recouvert par deux ailes terminées en pointe, le long desquelles il y a une ligne noirâtre ; ces ailes sont plissées, & deux autres ailes déployées & marquetées par des stries noires, s’étendent jusqu’à la moitié des premieres : mais celles-ci se prolongent jusqu’à la moitié de la longueur de la queue. Cet insecte a quatre jambes, les deux dernieres sont les plus longues ; elles sont attachées au premier anneau du corps, & composées de quatre parties jointes par des articulations. La premiere partie est une sorte de fémur ; la seconde, un tibia dentelé ; la troisieme correspond au tarse ; & la quatrieme est terminée par un filet fourchu, au lieu de doigts. Les autres jambes ressemblent à celles-ci, quoique plus petites. La poitrine est revêtue d’un corcelet fort & velu, de couleur noirâtre en-dessus, & moins foncé en-dessous. Il y a de chaque côté de la tête, au lieu de bras, deux prolongemens durs comme les serres des crustacées : chacun est composé de quatre pieces ; la premiere forme, pour ainsi dire, l’aisselle ; la seconde est plus longue, plus large, & appliquée contre la poitrine. Cette partie a une sorte d’appendice, dans laquelle s’engage la troisieme, que l’on peut comparer à une main ; elle a cinq pointes noirâtres qui tiennent la place des doigts, & deux autres au lieu de pouces : cette sorte de main se fléchit en-dehors, comme celle de la taupe. La tête est enfoncée en partie dans le corcelet ; elle est velue ; elle a deux antennes placées, comme celles des écrévisses, derriere le nez & au-dessous des yeux : il y a aussi des papilles blanchâtres, & une sorte de barbe. La queue de cet insecte est fourchue ; les yeux sont durs, brillans & noirâtres. Ce qu’il y a de plus singulier dans les parties de l’intérieur, c’est qu’il s’y trouve plusieurs estomacs, comme dans les animaux ruminans. Descript. anat. grillotalp. D. J. de Muralto eph. nat. cur. dec. 2. ann. 1 & 2.

La courtiliere creuse en terre, comme la taupe, avec les deux sortes de mains dont il a été fait mention ; elle se soûtient sur les jambes de devant, & saute à l’aide de celles de derriere ; elle marche fort lentement, & son vol ne differe guere d’un saut. Cet insecte se loge dans la terre humide ; mais il en sort pendant la nuit, & même au coucher du soleil : le bruit qu’il fait est assez fort pour être entendu de loin. La courtiliere ramasse des grains de froment, d’orge & d’avoine ; elle les porte dans ses soûterreins ; elle coupe la racine des plantes, & porte beaucoup de dommage aux jardins. Aldrovande lui donne le nom de vermis cucurbitarius, parce qu’on la trouve souvent en Italie sur une sorte de courge ou citrouille. On dit qu’elle enferme ses œufs dans une petite motte de terre, jusqu’au nombre de cent cinquante, & qu’elle approche ce groupe de la surface du terrein lorsque l’air est doux, & que dans le froid elle descend jusqu’au-dessous de la profondeur à laquelle pénetre la gelée. Mouff. theat. ins. Aldr. de ins. Voyez Insecte. (I)

COURTINE, s. f. (Art milit. Fortificat.) est la partie de la muraille ou du rempart, comprise entre deux bastions, dont elle joint les flancs, comme EF, Pl. I. de Fortificat. fig. 1. Voyez Rempart & Bastion.

Ducange dérive ce mot du latin cortina, quasi minor cortis, petite cour entourée de murailles : il dit que c’est à leur imitation que l’on donnoit ce nom aux remparts & aux parapets qui enferment les villes

comme une cour : il ajoute que les rideaux des lits tirent leur nom de la même origine ; que cortis étoit le nom de la tente du général ou du prince, & que ceux qui en avoient la garde étoient appellés cortinarii & curtisarii. Dictionn. étimol. & de Trév.

La courtine est ordinairement bordée d’un parapet de 6 ou 7 piés de haut comme le reste de l’enceinte, qui sert à couvrir les soldats qui défendent le fossé & le chemin couvert. Voyez Parapet & Contrescarpe.

Les assiégeans s’avisent rarement d’attacher le mineur à la courtine, parce qu’elle est la partie de la place la mieux flanquée. Voyez Flanc. (Q)

COURTISAN, (Morale.) que nous prenons ici adjectivement, & qu’il ne faut pas toûjours confondre avec homme de la cour ; c’est l’épithete que l’on donne à cette espece de gens que le malheur des rois & des peuples a placés entre les rois & la vérité, pour l’empêcher de parvenir jusqu’à eux, même lorsqu’ils sont expressement chargés de la leur faire connoître : le tyran imbécille écoute & aime ces sortes de gens ; le tyran habile s’en sert & les méprise ; le roi qui sait l’être, les chasse & les punit, & la vérité se montre alors ; car elle n’est jamais cachée que pour ceux qui ne la cherchent pas sincerement. J’ai dit qu’il ne falloit pas toûjours confondre courtisan avec homme de la cour, sur-tout lorsque courtisan est adjectif ; car je ne prétens point, dans cet article, faire la satyre de ceux que le devoir ou la nécessité appellent auprès de la personne du prince : il seroit donc à souhaiter qu’on distinguât toûjours ces deux mots ; cependant l’usage est peut-être excusable de les confondre quelquefois, parce que souvent la nature les confond ; mais quelques exemples prouvent qu’on peut à la rigueur être homme de la cour sans être courtisan ; témoin M. de Montausier, qui desiroit si fort de ressembler au misantrope de Moliere, & qui en effet lui ressembloit assez. Au reste, il est encore plus aisé d’être misantrope à la cour, quand on n’y est pas courtisan, que d’y être simplement spectateur & philosophe ; la misantropie est même quelquefois un moyen d’y réussir, mais la philosophie y est presque toûjours déplacée & mal à son aise. Aristote finit par être mécontent d’Alexandre. Platon, à la cour de Denis, se reprochoit d’avoir été essuyer dans sa vieillesse les caprices d’un jeune tyran, & Diogene reprochoit à Aristippe de porter l’habit de courtisan sous le manteau de philosophe. En vain ce même Aristippe, qui se prosternoit aux piés de Denis, parce qu’il avoit, disoit-il, les oreilles aux piés, cherchoit à s’excuser d’habiter la cour, en disant que les philosophes doivent y aller plus qu’ailleurs, comme les medecins vont principalement chez les malades : on auroit pû lui répondre que quand les maladies sont incurables & contagieuses, le medecin qui entreprend de les guérir ne fait que s’exposer à les gagner lui-même. Néanmoins (car nous ne voulons rien outrer) il faut peut-être qu’il y ait à la cour des philosophes, comme il faut qu’il y ait dans la république des lettres des professeurs en Arabe, pour y enseigner une langue que presque personne n’étudie, & qu’ils sont eux-mêmes en danger d’oublier, s’ils ne se la rappellent sans cesse par un fréquent exercice. (O)

COURTISANE, s. f. (Morale.) on appelle ainsi une femme livrée à la débauche publique, sur-tout lorsqu’elle exerce ce métier honteux avec une sorte d’agrément & de décence, & qu’elle sait donner au libertinage l’attrait que la prostitution lui ôte presque toûjours. Les courtisanes semblent avoir été plus en honneur chez les Romains que parmi nous, & chez les Grecs que chez les Romains. Tout le monde connoît les deux Aspasies, dont l’une donnoit des lecons de politique & d’éloquence à Socrate même ;