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Il paroît que les généraux des aides à Paris commencerent dès lors à être ordinaires. On voit des lettres du 29 Septembre 1361, adressées à nos amés & féaux les géneraux thrésoriers à Paris sur le fait des aides, n’aguere ordonnées pour notre délivrance, ainsi que plusieurs autres lettres des années subséquentes. Et Charles V. à son avenement à la couronne, voulant confirmer, comme il étoit d’usage, les officiers de son royaume, adresse son ordonnance du 17 Avril 1364, à nos amés & féaux les présidens & autres gens de notre parlement & enquêtes, gens de nos comptes, les généraux thrésoriers sur le fait de la délivrance de Mons., & de la défense du royaume, & thrésoriers à Paris, & les confirme dans leurs offices.

Avant que l’aide établie pour la délivrance du roi Jean fût finie, il y eut encore d’autres aides établies pour la guerre : une ordonnance du 19 Juillet 1367 parle des aides ordonnées, tant pour la rédemption de feu notre très-cher seigneur & pere, de laquelle le payement n’est pas encore parfait, comme pour celles ordonnées pour la défense de notre royaume. Les mêmes généraux étoient établis pour ces deux aides, suivant cette ordonnance, dont l’adresse est à nos amés & féaux conseillers les généraux & élus, tant sur l’un fait comme sur l’autre.

Dans une autre du lendemain 20 Juillet 1367, adressée aux mêmes généraux, le roi, en parlant des aides accordées en 1356, 1357, & 1358, remet tout ce qui pouvoit en être dû du passé ; ce qui montre que ces généraux avoient encore en même tems l’administration de ces anciennes aides.

Ces aides pour la guerre subsisterent jusqu’au décès de Charles V. arrivé le 16 Septembre 1380. Ce prince en mourant pria les ducs de Berri, de Bourgogne & de Bourbon, de pourvoir à l’abolition des impositions dont le peuple étoit surchargé, & que les dépenses d’une longue guerre l’avoient forcé de lever : & pour commencer à soulager en partie son peuple, il donna le jour même de sa mort des lettres patentes adressées aux généraux conseillers sur les aides de la guerre, par lesquelles il abolit les foüages, c’est-à-dire les impositions par feux, & remit tout ce qui en étoit dû du passé. Mais le duc d’Anjou déclaré régent après la mort de Charles V. ne se fit pas un devoir d’executer ces dernieres volontés : bien loin d’abolir les impôts, il les augmenta, & on les leva avec une rigueur qui mit le peuple au desespoir, & excita dans plusieurs villes du royaume, & principalement à Paris, plusieurs révoltes pendant les premieres années du regne de Charles VI. Pour les appaiser, le roi se vit forcé de donner une ordonnance le 13 Novembre 1380, par laquelle il abolit tous aides & subsides quelconques, qui pour le fait des guerres ont été imposés depuis le roi Philippe-le-Bel. Il en donna de pareilles aux mois de Janvier & de Mars suivans.

Les troubles ayant été appaisés, le roi Charles VI. rentré dans Paris le 10 Janvier 1382, fit publier le rétablissement de tous les impôts qui avoient eu cours sous Charles V. & par ordonnance du 26 du même mois il établit, pour les régir & gouverner, des généraux conseillers à Paris, dont il regla les fonctions : elles sont les mêmes que celles qui avoient été données par l’ordonnance du 28 Décembre 1355 aux généraux superintendans nommés par les états. L’instruction du 21 du même mois faite sur cette nouvelle aide ordonnée pour la guerre, marque qu’elle devoit commencer le premier Février suivant, & qu’elle consistoit en douze deniers pour livre sur toutes les marchandises vendues ou échangées, la huitieme partie de la vente du vin en détail, & vingt francs d’or par muid de sel.

Il y eut dans la suite quelques changemens ou augmentations faits dans ces aides ou subsides ; mais comme elles ont toûjours subsisté depuis, la fonc-

tion, tant des élûs distribués dans les provinces, que

des généraux conseillers à Paris, s’est aussi perpétuée depuis ce tems.

On a vû que dans les commencemens, les généraux députés sur le fait des aides étoient nommés & établis par les trois états : mais bientôt le roi se réserva de nommer à ces offices ; ce qui a toûjours duré depuis. On voit cependant dans une ordonnance du 26 Février 1413, que dans le cas de vacance d’un office, les autres généraux élisoient un sujet auquel le roi donnoit des provisions.

Ils eurent d’abord la qualité de généraux superintendans, généraux députés. Toutes les lettres du roi Jean leur sont adressées sous le nom de généraux thrésoriers. Celles de Charles V. son successeur les nomment généraux conseillers, & c’est sous ce nom qu’ils ont toûjours été connus depuis. Ils avoient tous indistinctement cette qualité de généraux conseillers, jusqu’en 1398 que Gérard d’Athies archevêque de Besançon fut le premier décoré du titre de président en la chambre de la justice des aides ; qualité à laquelle étoit toûjours jointe celle de général conseiller.

Leur origine qu’ils tiroient de l’assemblée des états généraux du royaume, fit qu’il y eut pendant très-long-tems parmi eux les personnes les plus distinguées, soit dans l’état ecclésiastique, soit dans la noblesse ; on trouve même à leur tête des princes du sang. Charles d’Albret connétable de France, cousin-germain du roi Charles VI. fut commis par lettres du 8 Octobre 1401, pour présider outre & par-dessus les généraux conseillers. Louis duc d’Orléans frere du roi obtint pareilles lettres le 18 Avril 1402. Philippe de France duc de Bourgogne, oncle du roi, en eut de semblables le 24 Juin 1402 ; & pareillement Jean duc de Berri, aussi oncle du roi : & il paroît par un mandement du 6 Mars 1402, donné par ces trois derniers princes, qu’ils exerçoient cette fonction conjointement.

Aussi les rois ont-ils donné aux officiers de cette compagnie les marques de la plus grande considération : ils prêtoient serment entre les mains du roi : ils assistoient quelquefois au conseil du roi, ainsi qu’on le voit par plusieurs ordonnances données par le roi en son conseil, où étoient les généraux conseillers sur le fait de la guerre. Un grand nombre d’autres sont rendues par le roi, à la relation du conseil étant en la chambre des aides ordonnées pour la guerre. Charles V. par son ordonnance du mois d’Octobre 1374, en nommant les conseils des tuteurs de ses enfans, y place entr’autres un général conseiller sur le fait des aides. Ils avoient pouvoir, en appellant avec eux des gens du grand & étroit conseil, d’augmenter, diminuer, interpréter les instructions & ordonnances faites sur les aides. Une ordonnance du 6 Décembre 1373, leur donne pouvoir d’envoyer des réformateurs dans les diocèses, quant au fait des aides ; & effectivement on voit que plusieurs d’entre eux ont eu cette fonction.

Ces généraux conseillers, outre l’administration de la justice, avoient encore la direction de la finance, qu’ils ont conservée pendant long-tems ; c’est-à-dire qu’ils avoient seuls droit d’ordonner la distribution des deniers provenans des aides. Aucune dépense ne pouvoit être passée dans les comptes des receveurs des aides, qu’en vertu des lettres signées par les généraux. Ils avoient le pouvoir d’établir les élus, receveurs, grenetiers, contrôleurs, commissaires, sergens, & autres officiers ; de les substituer & renouveller, de les corriger & punir ; & la connoissance de toutes ces matieres étoit interdite au parlement, à la chambre des comptes, & autres juges & officiers.

Leur nombre n’étoit pas fixe : il y en eut neuf