Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

largeur, elles doivent avoir au moins 4 piés ; il les faut rondes, d’un demi-pouce de diametre, d’un bois blanc qui ne communique au coton aucune couleur, lorsqu’elles sont mouillées ; légeres comme le saule, égales en grosseur d’un bout à l’autre ; unies,

légerement cirées, & sur-tout sans aucun éclat qui puisse accrocher les fils de coton.

La chaîne passée sur les baguettes, ayez un grand équarri de bois, tel qu’il vous plaira, comme vous

le voyez en 1, 2, 3, 4.

Les pieces de cet équarri doivent être en angle en-dessus, c’est-à-dire que la coupe en doit être de cette figure ☗, afin que les baguettes qui portent sur l’angle supérieur, éprouvent peu de frottement, & obéissent facilement aux contrepoids ooooo, ooooo, qui sont aux deux extrémités.

Cet équarri doit être soûtenu horisontalement sur des piquets fichés en terre, sans nombre déterminé, mais à la hauteur de 3 ou 4 piés, selon la commodité des ouvriers ; il doit avoir en longueur 3 piés plus que la chaîne de 34 aulnes, & en largeur quelques pouces moins que la longueur des baguettes : il faut qu’il soit dans un endroit couvert, parce que les apprêts ne peuvent supporter ni le grand sec ni la pluie.

La chaîne ourdie & mise sur les baguettes, est placée sur cet équarri ; les baguettes doivent porter sur cet équarri par les extrémités AA, BB, & même passer un peu au-delà, pour n’être pas déplacées au moindre accident. On étend sur cet outil la chaîne qu’on veut apprêter avec toutes les baguettes ; on distribue également tous les fils sur la longueur des baguettes : manœuvre à laquelle on est beaucoup aidé par les portées qui sont en C, D. Alors on met des contrepoids aux deux extrémités de cette chaîne en ooooo, ooooo, qui tirent également la chaîne par les deux bouts, & l’obligent à s’allonger à mesure qu’on lui donne les apprêts. Il est encore essentiel de maintenir les baguettes par couples, au moyen de bouts de fils de laiton contournés en , comme on voit celui-ci. Ces S accrochent les deux baguettes, on en met deux à chaque couple de baguettes ; sans ces petits instrumens, les baguettes se dérangent, relâchent par endroits la chaîne tendue, & rendent le travail difficile & imparfait.

Cela fait, des femmes & quelques tisserands nettoyent la chaîne de tout ce qui peut s’y rencontrer de superflu, coton inutile, ordures, &c. remettent l’ordre entre les fils, renoüent ceux qui sont rompus, & étendent la chaîne au moyen des contrepoids dont ils lui font doucement sentir l’action.

Les Indiens y font moins de façon ; ils se contentent de planter en terre un bout des baguettes, & de former ainsi une espece de haie avec la chaîne & les baguettes, le long desquelles les ouvriers se distribuent pour ranger & remettre en ordre les fils ; travail d’autant plus long pour eux, qu’ils fatiguent beaucoup leur fil, en faisant tremper les chaînes long-tems avant que de les mettre en œuvre : ils les foulent aux piés & les battent, pour les mettre en état de prendre facilement l’apprêt : opérations qui endommagent toutes le fil de coton. Nous y suppléons nous, en faisant débouillir le fil à mesure que la fileuse le file.

Premier apprêt. On peut y employer trois sortes de colle ; l’une est faite de cartilages & de ligamens de

bœuf, mais la meilleure est celle qui se prépare avec la pâte de froment long-tems pourrie, & aigrie par la force du levain. Cette colle est très-gluante, & l’expérience a prouvé qu’elle étoit préférable à celle qui se tire de la pâte du ris, & dont les Indiens font usage. Les apprêts que l’on donne avec cette derniere colle, sont trop secs. On met une quantité de cette colle de froment dans une eau douce, comme celle de pluie, de riviere ou de mare, en quantité suffisante, pour que l’eau soit un peu gluante sous le doigt. Cette eau étant bien chaude, on en imbibe la chaîne de coton tendue sur l’équarri, avec deux especes de pelotes de pluche de laine qui servent de vergettes : elles ressemblent à celles dont les chapeliers lustrent leurs chapeaux : elles sont remplies de crin frisé, & couvertes de pluche. Un ouvrier en tient une à chaque main ; l’une pour donner l’apprêt en-dessus, & l’autre pour donner l’apprêt en-dessous. Il faut au moins quatre personnes pour donner cet apprêt, deux à chaque lisiere de la toile. Les deux premiers imbiberont la chaîne de cette colle, sans aucun ménagement ; ils en doivent mettre par-tout avec abondance, de maniere pourtant qu’il n’y ait que peu ou point de superflu qu’ils ne puissent enlever d’abord avec la main ou leurs vergettes. Les deux autres ouvriers suivront les premiers de très-près avec leurs vergettes ; & frottant continuellement la chaîne jusqu’à ce qu’elle soit seche, ils empêcheront les fils de se coller ensemble en séchant.

Il faut observer 1°. de donner tous les apprêts de même sens, c’est-à-dire de commencer toûjours par A ; de s’avancer successivement vers B, sans jamais revenir de B en A : 2°. que conséquemment, lorsque l’on aura poussé sa vergette à une certaine distance en allant de A vers B, il faut la relever pour la porter en A, si besoin est ; en sorte que la vergette ne soit jamais mûe à contre-sens sur la chaîne : 3°. que l’apprêt soit donné également en-dessus & en-dessous : 4°. qu’il faut faire avancer & reculer les baguettes de quelques pouces en donnant l’apprêt, afin que les vergettes enlevent la colle qui pourroit s’attacher aux baguettes, & qu’ils empêchent les fils de coton d’y prendre & de se coller les uns aux autres, sur-tout aux encroix.

On comprend facilement que ces vergettes, ou plutôt ces pelotes couvertes de pluche, sont très propres à passer entre les fils de la chaîne, les séparer les uns des autres, & les enduire de colle ; & qu’en continuant de les frotter avec de nouvelles vergettes moins humides que les premieres, jusqu’à ce qu’ils soient secs, ces fils ne peuvent plus se coller les uns aux autres. Il faudra encore veiller sur-tout qu’ils ne s’attachent aux encroix & aux baguettes.

Second apprêt. Le second apprêt peut se donner sans changer la chaîne de position ; on peut le don-