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ou dans la premiere dent du peigne, pour empêcher l’étoffe de se rayer.

CORROSIF, adj. (Mat. méd. ext.) Voyez Caustique.

Corrosif, (Chimie.) nom qu’on a donné à certains menstrues capables de contracter rapidement une union réelle ou chimique avec des corps d’un tissu dur & serré ; & de surmonter par conséquent par leur affinité avec ces corps, l’adhésion aggrégative des parties intégrantes des mêmes corps.

C’est précisément par ce degré d’affinité qu’il faut déterminer la propriété qu’on a désignée par la prétendue corrosivité de ces menstrues, ou par leur force, activité, violence, &c. Toutes ces dénominations exprimant des qualités absolues, portent des notions également fausses, puisque toute dissolution chimique suppose une action réciproque du menstrue & du corps dissous : ensorte que ces expressions de menstrue & de corps dissous, ne sont pas elles-mêmes trop exactes, puisque dans tous les cas de dissolution chimique, l’un ou l’autre des deux corps qui contracte l’union que cette dissolution exprime, peut être regardé indifféremment comme le menstrue ou comme le corps dissous. Voyez Menstrue.

Au reste les menstrues qu’on désigne communément par la qualification de corrosifs, sont sur-tout les acides minéraux, les sels alkalis, la chaux, & certains sels métalliques surchargés d’acides. Voyez Sel. Le titre de corrosif a été donné à ces corps, lorsqu’on n’a évalué leur action que par leurs effets sensibles ; & l’usage de ce mot a été confirmé lorsqu’il est devenu théorique, qu’il a désigné un agent physique compris, ou du moins expliqué dans les tems où les agens méchaniques ont été les seuls que les philosophes ayent voulu admettre dans la nature ; & ces tems ne sont pas loin, ni absolument passés

Les expressions de la classe de celle-ci subsistent souvent dans les sciences, long-tems après qu’on en a reconnu la fausseté. Le langage chimique est plein de ces dénominations qui doivent leur naissance à l’ignorance, aux préjugés ou aux théories de nos prédécesseurs. On peut se servir cependant de la plûpart sans conséquence, ce me semble, quoiqu’il fut apparemment plus utile de les abandonner absolument. (b)

CORROSION, ou exésion de parties solides par une humeur acre. (Maladies.) Elle est l’effet de la dissolution des humeurs, ou de quelque acrimonie alkaline & sceptique qui ronge le tissu des parties, & par-là les détruit. Le remede vrai de la corrosion consiste à détruire la qualité sceptique des humeurs, & à leur rendre leur qualité balsamique par l’usage des adoucissans, des induisans & des agglutinans.

* CORROYER UN CUIR, (Corroyeur.) opération qui consiste à donner aux cuirs, en sortant des mains du Tanneur, des façons qui les rendant plus lisses, plus souples, plus agréables à la vûe, les disposent aux usages du Ceinturier, du Sellier, du Bourrelier, & d’autres ouvriers. On donne ces façons au bœuf, à la vache, au veau & au mouton, mais rarement au bœuf. Au reste le travail du bœuf ne différant point de celui de la vache, on pourra lui appliquer tout ce que nous allons dire de ce dernier.

Travail de la vache noire, ou, comme on dit, retournée. Le Corroyeur, en recevant la peau tannée, commence par l’humecter à plusieurs reprises ; il se sert pour cela d’un balai qu’il trempe dans de l’eau. Il roule la peau humectée, puis il la jette sur la claie, & la foule aux piés. Cette manœuvre s’appelle le défoncement. La claie est un assemblage de bâtons flexibles, entrelacés dans des traverses emmortoisées sur deux montans. Le défoncement se donne ou à pié nud, ou avec un soulier qu’on appelle l’escarpin, qui ne differe du soulier ordinaire

que par des bouts de cuir-fort dont il est revêtu au bout & au talon. On appelle ces garnitures contreforts. La peau pliée d’abord de la tête à la queue, & les pattes dans le pli, est arrêtée avec un pié, & frappée fortement avec le talon de l’autre. Ce travail s’appelle le refoulement. On donne à la peau des refoulemens en tout sens ; on la change de face, & on la tient sur la claie, & sous les piés ou l’escarpin, tant qu’on y apperçoit des inégalités un peu considérables. Voyez dans la Planche du Corroyeur un ouvrier en A, qui défonce & refonce sur la claie. Alors on la déploye, pour être écharnée ou drayée : on se sert indistinctement de ces deux mots. Ceux qui disent écharnée, appellent le couteau à écharner, écharnoir : ceux qui disent drayée, l’appellent drayoire. La drayoire est une espece de couteau à deux manches, tant soit peu tranchant & affilé, qu’on voit fig. 3. La peau est jettée sur le chevalet ; & l’ouvrier la fixant entre son corps & le bout du chevalet, enleve avec la drayoire, qu’on nomme aussi couteau à revers, tout ce qui peut y rester de chair après le travail de la tannerie. On voit en B un ouvrier au chevalet. La construction du chevalet est si simple, qu’il seroit superflu de l’expliquer.

Lorsque la peau est drayée ou écharnée, on fait un trou à chaque patte de derriere ; on passe dans ces trous une forte baguette qui tient la peau étendue, & on la suspend à l’air à des chevilles, à l’aide du crochet qu’on voit fig. 1. On appelle cela mettre à l’essui.

Quand elle est à moitié seche, on l’humecte comme au défoncement, & on la refoule sur la claie pendant deux ou trois heures plus ou moins, selon que les fosses qu’on y remarque, & qu’il faut effacer, sont plus ou moins considérables. Cette manœuvre, qu’on appelle retenir, se donne sur la peau pliée & dépliée en tout sens, comme au défoncement. La peau retenue se remet à l’essui ; mais on la laisse secher entierement, pour l’appointer, c’est-à-dire lui donner un dernier refoulement à sec.

Cela fait, on la corrompt. Ce travail s’exécute avec un instrument de bois d’un pié ou environ de longueur sur six pouces de largeur, plat d’un côté, arrondi de l’autre, traversé à sa surface arrondie, selon sa largeur, de rainures paralleles, qui forment comme des especes de longues dents, & garni à son côté plat d’une manicle de cuir. On appelle cet instrument une pomelle. Il y en a de différentes sortes, selon les différentes manœuvres. Voyez les fig. 8. 10. 11. L’ouvrier passe la main dans la manicle, place la peau sur un établi, & conduit la pomelle en tout sens sur la peau, en long, en large, de chair & de fleur. Il faut observer que la peau dans cette manœuvre n’est pas couchée à plat, & que la portion que l’ouvrier corrompt, est toûjours comme roulée de dessous en dessus ; de cette maniere la pomelle en agit d’autant mieux sur le pli. Voyez fig. D, un ouvrier qui corrompt & tire à la pomelle.

Lorsque la peau a été corrompue & tirée à la pomelle, on la met en suif. Pour cet effet on a du suif dans une grande chaudiere ; on le fait chauffer le plus chaud qu’on peut, on en puise plein un petit chauderon : on a de la paille, on y met le feu ; on passe la peau à plusieurs reprises au-dessus de ce feu, afin de l’échauffer, d’ouvrir ses pores, & de la disposer à boire mieux le suif. On prend une espece de lavette faite de morceaux d’étoffe de laine ; on appelle cette lavette paine ou gipon. Voyez la fig. 5. On la trempe dans le chauderon de suif, & on la passe de fleur & de chair sur toutes les parties de la peau. Ce premier travail ne suffit pas pour mettre la peau convenablement en suif ; on le réitere en entier, c’est-à-dire qu’on la repasse sur un nouveau feu de paille, & qu’on l’imbibe de rechef de suif