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forme qu’un buisson. Sa tige, lorsqu’il fait tant que s’élever, est tortuë, courte, noüeuse, & chargée de beaucoup de rameaux : son écorce d’un gris roussâtre, se détache lorsque l’âge l’a fait gerser : sa fleur jaunâtre & moussue, paroit toute des premieres en hyver, toûjours au mois de Février, & dès le commencement, quand la saison est favorable : ses feuilles d’un verd-foncé, ne viennent qu’ensuite, & au moins deux mois plus tard : son fruit fort ressemblant à l’olive, rougit en mûrissant au commencement de Septembre ; mais il se fait bien attendre. Quand on éleve cet arbre de semence, ce n’est guere qu’après douze ans qu’il en produit. L’accroissement de cet arbre est si lent, qu’il lui faut quinze années pour prendre environ dix piés de hauteur ; cependant rien n’est capable de retarder sa venue. Les intempéries des saisons ne portent point sur le cornouiller ; il endure le grand froid comme les fortes chaleurs ; le givre même, qui fait tant de ravages sur les végétaux ligneux, n’agit ni sur le jeune bois ni sur les fleurs de cet arbre, qui est si robuste à tous égards, qu’il s’accommode de tous les terreins & des plus mauvaises expositions : son bois a toutes les excellentes qualités de celui du cormier ; il seroit aussi recherché, s’il avoit autant de volume. Le cornouiller n’est pas sans quelqu’agrément ; sa fleur très hâtive, assez apparente, & de longue durée ; son feuillage d’une belle verdure, qui n’est jamais attaqué des insectes, & qui souffre l’ombre des autres arbres ; & la figure reguliere qu’on peut donner au cornouiller, sans nuire à son fruit, peuvent engager à l’employer dans quelques cas pour l’ornement.

On peut donc s’aviser quelquefois de multiplier cet arbre, qui pousse assez ordinairement des rejettons au pié, qu’on pourra tirer des bois, & ce sera la voie la plus courte : ou bien il faudra s’en tenir à semer les noyaux des cornouilles, qui, soit qu’on les mette en terre en automne ou au printems, ne leveront qu’à l’autre printems : ensuite avec la culture ordinaire des pepinieres, & beaucoup de patience, on parviendra en huit ans à avoir des plants d’environ six pieds de haut, qui n’auront exigé qu’un peu de soin pour les faire venir droits, & que l’on pourra transplanter alors où l’on voudra.

Il n’y aura nul choix à faire pour le terrein, & encore moins pour l’exposition : tout convient au cornouiller, même le sable & la pierraille ; plûtôt cependant les lieux frais que chauds, & sur-tout l’ombre ; mais il ne faut pas qu’il soit trop serré, ni couvert par les autres arbres, si l’on veut qu’il se mette à fruit.

Ce fruit est la cornouille, dont on retire quelqu’utilité. Elle est dans sa maturité d’un rouge brillant, & d’un goût assez passable pour en manger ; mais ce doit être avec ménagement, par rapport à sa qualité astringente. On en fait de la gelée qui sert à cette fin, ou bien une boisson qui a la même vertu ; & il y a très-long-tems que l’on dit qu’on peut aussi préparer les cornouilles avant leur maturité, comme on fait les olives, pour les manger en salade : il faut cependant que ce mets ne soit pas bon, puisqu’il n’est point en usage. Les anciens ont prétendu que la culture étoit contraire au cornouiller, & qu’elle nuisoit même à la qualité de son fruit, qui perdoit par-là de sa douceur. Il est vrai que cet arbre n’exige point de culture ; mais il n’est pas moins certain aussi, comme je m’en suis assûré, qu’il en profite beaucoup mieux quand on le cultive, & que son fruit en devient plus gros, plus coloré, & d’un meilleur goût. Voyez Cornouilles.

Le bois du cornouiller est compacte, massif, des plus dur, d’un grain très-fin, & sans aubier. Il est excellent, & fort recherché pour quantité de petits usages où il est besoin de force, de solidité, & de

durée ; le volume de ce bois ne permettant pas de l’employer en grand autant que celui du cormier, qu’il égale pourtant en qualité à très-peu près.

Voici les différentes especes de cornouiller que l’on connoît à présent.

Le cornouiller sauvage. C’est l’espece qui croît dans les bois, dans les haies, & à laquelle on peut le mieux appliquer ce qui vient d’être dit en général.

Le cornouiller franc. Ce n’est autre chose que l’espece sauvage améliorée par les soins de la culture.

Le cornouiller à fruit jaune. Cette variété est assez rare ; les cornouilles en sont plus douces que les rouges.

Le cornouiller à fruit blanc. Autre variété encore plus rare que la précédente. Le fruit de cette espece est plus précoce que dans les autres ; il vient à maturité dès le commencement du mois d’Août. Cette cornouille est plus douce & plus agréable au goût qu’aucune, mais elle est plus petite.

Le cornouiller à fruit rouge foncé. Le fruit de cet arbre est plus gros que celui des autres especes, & il est fort doux.

Le cornouiller à fruit tardif. Son fruit ne mûrit en effet qu’au commencement du mois de Novembre : il est d’un rouge pâle, & le plus aigre de tous.

Le cornouiller du Levant. Le fruit de cet arbre, qui est très-rare, est cylindrique.

Le cornouiller à feuille de citronnier. La feuille de cet arbre a beaucoup de ressemblance avec celle du citronnier, si ce n’est qu’elle est plus étroite.

Le cornouiller de Virginie à feuilles tachées. Cet arbre ressemble à notre cornouiller commun, avec cette différence seulement que sa feuille est plus longue, & qu’il s’en trouve quelques-unes qui sont pour ainsi dire maculées d’une couleur brune-roussâtre.

Le cornouiller de Virginie à gros fruit rouge. C’est un arbrisseau qui ne s’éleve qu’à dix ou douze piés, qui est très-robuste, & qui se plaît dans les terres humides & légeres.

Le cornouiller de Virginie à grande fleur. Ce n’est qu’un arbrisseau de sept ou huit piés de haut, qui pousse bien en pleine terre, & qui est très-commun à présent dans les pepinieres autour de Londres, où il est connu sous le nom de dogwood de Virginie. Ce cornouiller se garnit de beaucoup de feuilles, qui sont plus grandes que celles des autres especes ; mais il ne donne pas tant de fleurs, & M. Miller ne l’a point encore vû porter de fruit en Angleterre. Voilà ce que cet auteur a dit de ce bel arbrisseau, qui ayant un agrément singulier, mérite que l’on recourre à Catesby, dont j’ai encore tiré ce qui suit. « Cet arbre n’est pas grand ; son tronc n’a guere que huit ou dix pouces de diametre ; ses feuilles, qui ressemblent à celles de notre cornouiller ordinaire, sont plus grandes & plus belles : ses fleurs paroissent au commencement de Mars ; & quoiqu’elles soient alors entierement formées & ouvertes, elles ne sont pas si larges qu’une piece de six sous ; elles augmentent ensuite jusqu’à la largeur de la main, & n’atteignent leur perfection que six semaines après qu’elles ont commencé à s’ouvrir : elles sont composées de quatre feuilles d’un blanc verdâtre, & il s’éleve du fond de cette fleur une touffe d’étamines jaunes. Le bois de cet arbre est blanc, d’un grain serré, & il est aussi dur que le buis. Ses fleurs sont suivies de baies disposées en grappes, qui sont rouges, ovales, ameres, de la grosseur d’une senelle, qui renferment un noyau fort dur, & qui en restant sur l’arbre sont d’un aussi bel aspect en hyver, que ses fleurs l’ont été au printems ».

Le cornouiller de Virginie à grandes fleurs blanches & rouges. M. Miller estime que cet arbre n’est qu’une