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torons. Mais si au lieu de se proposer de commettre une piece autiers, on la vouloit commettre au quart, on n’ourdiroit pas les fils à 180 brasses, mais seulement à 150 ; & au lieu d’avoir 60 brasses pour le raccourcissement, on n’en auroit que 30 : maintenant si on vouloit n’employer pour ce cordage, comme pour le précédent, qu’un tiers du raccourcissement total pour tordre les torons avant que de mettre le toupin, on ne devroit dans cette premiere opération raccourcir les torons que de dix brasses au lieu de vingt ; & alors les torons auroient acquis si peu de force élastique, que quand on viendroit à ôter la piece de dessus le chantier, les vingt brasses de tortillement qu’on auroit données en commettant se perdroient presqu’entierement ; & la corde étant rendue à elle-même, au lieu d’être commise au quart, ne le seroit peut-être pas au cinquieme : au contraire si on avoit raccourci les torons, dans la 1re opération, de la moitié du raccourcissement total, c’est-à-dire de 15 brasses, les torons ayant acquis plus de force élastique, la corde se détortilleroit moins quand elle seroit rendue à elle-même, & elle resteroit commise au quart. Il faut donc mettre d’autant plus de tortillement sur les torons avant de mettre le toupin, qu’on commet la corde plus lâche : ainsi pour commettre au cinquieme une corde pareille, le raccourcissement total étant de 24 brasses, il en faudroit employer plus de 12 pour le raccourcissement de la premiere opération, si l’on vouloit avoir une corde qui ne perdît pas tout son tortillement.

Noms & usages de différens cordages. 1°. Des lignes. On distingue de quatre sortes de lignes ; savoir, 1°. les lignes à tambour ; 2°. les lignes de sonde ou à sonder ; 3°. les lignes de loc ; 4°. les lignes d’amarrage. Les lignes à tambour sont ordinairement faites avec six fils fins & de bon chanvre, qu’on commet au roüet & qu’on ne goudronne point. Il n’est pas besoin de dire que leur usage est de rendre la peau sonore des caisses ou des tambours. Les lignes à sonder ont ordinairement un pouce & demi de grosseur, & 120 brasses de longueur. Les lignes de loc sont faites avec six fils, un peu plus gros que le fil de voile : on ne les goudronne point, afin qu’elles soient plus souples, & qu’elles filent plus aisément quand on jette le loc. Les deux dernieres especes de lignes sont à l’usage des pilotes. Les lignes d’amarrage sont, de même que les trois précédentes, de premier brin ; mais comme elles servent à beaucoup d’usages différens, savoir, aux étropes des poulies, aux ligatures, aux haubans, aux étais, &c. il en faut de différente grosseur ; c’est pourquoi on en fait à six fils & à neuf. On les commet toutes en blanc, mais on en trempe une partie dans le goudron, & l’autre se conserve en blanc, suivant l’usage qu’on en veut faire.

2°. Des quaranteniers. Il y a des quaranteniers de six & de neuf fils, qui ne different des lignes d’amarrage que parce qu’ils sont du second brin : car tous les quaranteniers sont de ce brin ; mais il y en a qui ont 18 fils, & même davantage. On les commet tout goudronnés : ils n’ont point d’usage déterminé ; on les employe par-tout où l’on a besoin de cordage de leur grosseur & qualité. On distingue les pieces par leur longueur en quaranteniers simples qui ont 40 brasses, & quaranteniers doubles qui en ont 80 ; & on distingue leur grosseur, en disant un quarantenier de six, de neuf, de quinze fils, &c.

3°. Des ralingues. Les ralingues sont destinées à border les voiles, où elles tiennent lieu d’un fort ourlet, pour empêcher qu’elles ne se déchirent par les bords. Il y a des corderies où l’on commet toutes les pieces de ralingues de 80 brasses de longueur, & dans d’autres on en commet depuis 35 jusqu’à 100, & on leur donne depuis un pouce jusqu’à six

de grosseur, diminuant toûjours par quart de pouce. On les fait avec du fil goudronné, premier brin, & on les commet un peu moins serré que les autres cordages, afin qu’étant plus souples, elles obéissent aisément aux plis de la voile. Suivant l’usage ordinaire, on ourdit les fils à un quart plus que la longueur de la piece, plus encore un cinquieme de ce quart : ainsi pour 80 brasses, il faut ourdir les fils à 104 brasses : en virant sur les torons, on raccourcit d’un cinquieme ou de 20 brasses ; & en commettant, on réduit la piece à 80 brasses. Nous croyons qu’il les faut commettre au quart. Si donc l’on veut avoir une ralingue de 80 brasses, nous l’ourdirons à 100 brasses ; & comme il est important que les hélices soient très-allongées, afin que le toupin aille fort vîte, nous raccourcirons les torons de 15 brasses, & le reste du raccourcissement sera pour commettre. Si par hasard on employe une piece de ralingue à quelque manœuvre, il n’y a point de matelot qui ne sache qu’elle résiste beaucoup plus qu’une autre manœuvre de même grosseur avant que de rompre. N’est-il pas surprenant après cela qu’on se soit obstiné si long-tems à affoiblir les cordages à force de les tortiller ?

4°. Cordages qui servent aux carenes du port. Les cordages qui servent aux carenes du port, pourroient être simplement nommés du nom générique d’aussiere, qu’on distingueroit par leur grosseur en aussiere de deux ou trois pouces, &c. néanmoins on leur a donné des noms particuliers ; les uns se nomment des francs funins, les autres des prodes, des aiguillettes, des pieces de palans, &c. On commet toûjours ces différens cordages en pieces de cent vingt brasses, & on s’assujettit aux grosseurs que fournit le maître d’équipage. Néanmoins les francs funins ont ordinairement six pouces de grosseur, les prodes & les aiguillettes cinq, & les pieces de palans deux pouces & demi jusqu’à trois & demi ; ce qui souffrira beaucoup d’exceptions : car ordinairement les francs funins qu’on destine pour les grandes machines à mâter, ont cent trente brasses de longueur. Pour que ces manœuvres roulent mieux dans les poulies, on ne les goudronne point, ce qui n’est sujet à aucun inconvénient, puisqu’on peut ne les pas laisser exposées à la pluie ; & comme elles doivent souffrir de grands efforts, on les fait toutes de premier brin. Il y a des ports où on fait les francs funins moitié fil blanc & moitié fil goudronné : cette méthode est très-mauvaise.

Pieces servant aux manœuvres des vaisseaux. Outre les différens cordages que nous venons de nommer, on commet dans les corderies des pieces qui n’ont point une destination fixe, qui servent tantôt à une manœuvre & tantôt à une autre, selon le rang des vaisseaux. Elles ont toutes 120 brasses de longueur, elles sont toutes faites avec du fil goudronné, & on ne les distingue que par leur grosseur : on en fait depuis dix pouces jusqu’à deux. Il y a des maîtres d’équipage qui font un grand usage des aussieres à trois torons. Ceux-là demandent des pieces de haubans, des tournevires, des itagues, des drisses, des guinderesses, des écoutes de hune, &c. pour lors on s’assujettit aux proportions qu’ils donnent, & suivant les méthodes que nous avons indiquées.

Des aussieres à quatre, cinq & six torons. On ourdit ces sortes de cordages comme ceux qui n’ont que trois torons. Quand les fils sont étendus, on les divise en quatre, en cinq ou en six faisceaux ; ainsi pour faire une aussiere à trois torons, comme il a fallu que le nombre des fils pût être divisé par trois, une corde, par exemple, de vingt-quatre fils pouvant être divisée par trois, on a mis huit fils à chaque toron ; de même pour faire une corde de vingt-quatre fils à quatre torons, il faut diviser les fils par