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principes, agit toûjours selon toute l’énergie de ses forces présentes. Voyez Délectation.

Cela posé, voici le raisonnement qu’on peut former contre les Jansénistes. Lorsque la grace qui nous porte à l’amour de charité (c’est même la nature de toutes les graces, dans le système des Jansénistes, puisqu’ils disent que dans la loi d’amour, elles ne coulent que pour enflammer tous les cœurs) ; lors donc que cette grace tombe malheureusement sur une cupidité qui lui est supérieure en degrés, l’amour qu’elle produit dans un cœur est bien un véritable amour de charité, un amour surnaturel ; mais cet amour qu’elle allume est inférieur à l’amour des créatures, ouvrage de la cupidité, dans le même rapport & dans la même proportion que la grace l’est à la cupidité : donc il peut y avoir un amour de charité, un amour surnaturel, qui pourtant ne domine pas dans le cœur sur celui des créatures. Or, demandera-t-on aux Jansénistes, le S. Esprit qui est l’auteur de tout ordre, peut-il nous inspirer un amour qui dans notre ame balanceroit Dieu avec la créature ? Est ce donc aimer Dieu d’un amour surnaturel, d’un amour que le S. Esprit allume lui-même, que d’aimer quelque chose plus que Dieu ? Un amour qui ne peut qu’être injurieux à Dieu, peut-il donc être son ouvrage ? J’aimerois autant qu’on me soûtînt qu’on peut avoir une foi surnaturelle, qui ne s’étende pas à tous les articles révélés, que de me dire qu’on peut avoir un amour surnaturel, qui ne place pas Dieu dans notre cœur au-dessus de toutes les créatures. C’est le sentiment de tous les théologiens orthodoxes, que tout véritable amour de Dieu est un amour de préférence ; ce que l’école exprime en ces termes, omnis verus Dei amor est appretiativè summus : c’est-à-dire que le plus leger souffle de l’amour que le S. Esprit nous inspire, nous fait aimer Dieu plus que toutes les créatures. Tout autre amour est indigne de Dieu, & ne peut être l’ouvrage de la grace.

Si vous demandez maintenant à un homme éclairé, & qui n’est ni entraîné par l’intérêt d’un corps, ni fasciné par l’esprit de parti, ce qu’il pense sur l’étendue du grand précepte de l’amour ; il vous répondra qu’il en pense ce que vous en pensez vous-même, pourvû que vous aimiez Dieu. Donnez-moi un cœur qui aime, vous dira-t-il, un cœur où domine l’amour de Dieu ; ce cœur ne pourra contenir au-dedans de lui-même l’amour qui le dévorera. Cet amour se diversifiera en une infinité de manieres ; il prendra la forme des actions les plus indifférentes ; il se peindra dans mille objets qui échappent à ceux qui n’aiment pas ; il s’échauffera par les obstacles qui l’empêchent de se réunir avec le Dieu qui en allume les flammes. Mais, ajoûterez-vous, en quel tems le cœur aimera-t-il ? On vous répondra avec la même impartialité : est-ce donc-là un langage qu’on doive tenir à un cœur plein de son amour ? Etudions ses devoirs, non dans les livres des Casuistes qui n’auroient jamais dû assujettir au calcul les actes d’amour envers Dieu, mais bien plûtôt dans ceux que rend à son époux une femme vertueuse & fidele, qui brûle pour lui d’un feu chaste & légitime ; cet amour que la nature & le devoir allument dans deux cœurs est une image, quoiqu’imparfaite, de celui que le S. Esprit verse dans ceux qu’il se plaît à enrichir de ses graces.

Mais enfin, ajoûterez-vous, quel est donc le sentiment le plus sûr & le plus suivi sur la contrition & sur l’attrition ? Celui du clergé de France exprimé en ces termes : Hæc duo imprimis ex sacrosanctâ synodo tridentinâ monenda & docenda esse duximus : primum ne quis putet in utroque sacramento (baptismi & pœnitentiæ) requiri ut præviam contritionem eam, quæ sit charitate perfecta, & quæ cum voto sacramenti, an-

tequam actio suscipiatur, hominem Deo reconciliet : alterum, ne quis putet in utroque sacramento securum se esse, si præter fidei ac spei actus, non incipiat diligere Deum, tamquam omnis justitiæ fontem ; d’où il s’ensuit que la

contrition parfaite n’est pas une disposition nécessaire pour la réception du sacrement de pénitence, & que l’attrition est suffisante, pourvû qu’elle soit accompagnée d’un commencement d’amour.

Cet amour commencé est-il un amour de charité ou un amour d’espérance ? Le concile & l’assemblée de 1700, en se servant des termes incipiat diligere Deum, n’ont pas déterminé si c’est amour de charité ou d’amitié, si c’est amour de concupiscence ou d’espérance. Leur silence doit être la regle du nôtre. Pourrions-nous, sans la présomption la plus criminelle, nous flatter d’expliquer ce que l’Eglise universelle & une portion distinguée de cette même Eglise n’ont pas jugé à propos de déclarer ? Nous n’ignorons pas que plusieurs théologiens ont prétendu expliquer ces oracles : mais comme le sentiment pour lequel ils ont pris parti d’avance est toûjours celui auquel ils sont bien résolus d’adapter & de rapporter le sens des termes du concile & de l’assemblée du clergé, nous laissons au lecteur intelligent le soin de peser leurs explications pour décider si elles sont aussi justes qu’ils se l’imaginent. Voyez Tournely, traité de la pénit. tom. I. quest. jv. & v. & Witasse, traité de la pénit. quest. iij. sect. 1. 2. 3. art. 1. 2. 3. &c. (G)

CONTROLE, s. m. (Jurisprud.) est un registre double que l’on tient de certains actes de justice, de finances, & autres, tant pour en assûrer l’existence que pour empêcher les antidates. Ce terme contrôle a été formé des deux mots contre, rôle.

Les registres de contrôle en général ne sont point publics, c’est-à-dire qu’on ne les communique pas indifféremment à toutes sortes de personnes, mais seulement aux parties dénommées dans les actes, & à leurs héritiers, successeurs ou ayans cause ; à la différence des registres des insinuations, qui sont destinés à rendre public tout ce qui y est contenu, & que par cette raison on communique à tous ceux qui le requierent. Voyez l’arrêt du conseil du 6 Fév. 1725.

Il y a plusieurs sortes de contrôles qui ont rapport à l’administration de la justice ; tels que le contrôle des actes des notaires, celui des exploits, celui des dépens, & autres que l’on va expliquer dans les subdivisions suivantes, & au mot Contrôleur.

Contrôle des Actes ecclésiastiques, voy, ci-après Contrôle des Bénéfices.

Contrôle des Actes devant Notaire, voy. ci-après Contrôle des Notaires.

Contrôle des Actes sous seing privé, voy. dans les subdivisions suivantes à l’s.

Contrôle des Actes de voyage, voy. ci-apr. Contrôle des Greffes.

Contrôle des Amendes, est le double registre que l’on tient de la recette des amendes qui se perçoivent pour différentes causes dans les tribunaux.

Contrôle des arrêts au Parlement, est un droit qui se perçoit pour l’expédition de chaque arrêt, à proportion du nombre de rôles qu’elle contient ; le greffier en peau qui a fait l’expédition, la porte au contrôleur, lequel en fait mention sur un registre destiné à cet usage, & perçoit le droit de contrôle.

Contrôle des Aides, est le double registre que l’on tient de la recette des aides.

Contrôle des Bans de mariage, étoit un double registre que l’on tenoit ci-devant de la publication des bans de mariage ; il fut établi par édit du mois de Septembre 1697, suivant lequel on devoit enregistrer tous les bans de mariage, soit qu’ils fussent en effet publiés ou obtenus par dispense, de maniere que les parties ne pouvoient se marier qu’-