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rience, & ne s’accorde point avec le principe de continuité, auquel il est fort important de se rendre attentif ; imitant en cela la nature, qui ne l’enfreint jamais dans aucune de ses opérations. Lisez le chap. j. des instit. de Physiq. de Mad. Duchatelet, depuis le § 13 jusqu’à la fin.

On prétend encore prouver par ce principe, qu’il n’y a point de corps parfaitement dur dans la nature. La gradation qu’exige la loi de continuité, ne sauroit avoir lieu dans le choc des corps parfaitement durs ; car ces corps passeroient tout-d’un-coup du repos au mouvement, & du mouvement en un sens au mouvement dans un sens contraire. Ainsi tous les corps ont un degré d’élasticité qui les rend capables de satisfaire à cette loi de continuité que la nature ne viole jamais. Sur quoi voyez Percussion. Nous devons cet article à M. Formey. (O)

Continuité, (Belles-Lett.) dans le poëme dramatique, c’est la liaison qui doit regner entre les différentes scenes d’un même acte.

On dit que la continuité est observée, lorsque les scenes qui composent un acte se succedent immédiatement, sans vuide, sans interruption, & sont tellement liées, que la scene est toûjours remplie. Voyez Tragédie.

On dit, en matiere de littérature & de critique, qu’il doit y avoir une continuité, c’est-à-dire une connexion entre toutes les parties d’un discours.

Dans le poëme épique particulierement, l’action doit avoir une continuité dans la narration, quoique les évenemens & les incidens ne soient pas continus. Si-tôt que le poëte a entamé son sujet, & qu’il a amené ses personnages sur la scene, l’action doit être continuée jusqu’à la fin ; chaque caractere doit agir, & il faut absolument écarter tout personnage oisif. Le Paradis perdu de Milton s’écarte souvent de cette regle, dans les longs discours que l’auteur fait tenir à l’ange Raphael, & qui marquent à la vérité beaucoup de fécondité dans l’auteur pour les récits, mais nuisent à l’action principale du poëme, qui se trouve comme noyée dans cette multitude de discours. Voyez Action.

Le P. le Bossu remarque qu’en retranchant les incidens insipides & languissans, & les intervalles vuides d’action qui rompent la continuité, le pcëme acquiert une force continue qui le fait couler d’un pas égal & soûtenu ; ce qui est d’autant plus nécessaire dans un poëme épique, qu’il est rare que tout y soit d’une même force ; puisqu’on a bien reproché à Homere, & avec vérité, qu’il sommeilloit quelquefois ; mais aussi l’a-t-on excusé sur l’étendue de l’ouvrage. (G)

CONTOBABDITES, sub. m. plur. κοντοϐαϐδιται, (Théolog.) hérétiques qui parurent dans le sixieme siecle. Leur premier chef fut Sévere d’Antioche, auquel succéda Jean le grammairien surnommé Philoponus, & un certain Théodose dont les sectateurs furent appellés Théodosiens.

Une partie de ces hérétiques qui ne voulut pas recevoir un livre que Théodose avoit composé sur la Trinité, firent bande à part, & furent appellés Contobabdites, de je ne sai quel lieu que Nicephore ne nomme point, & qui étoit apparemment celui où ils tenoient leurs assemblées.

Les Contobabdites ne recevoient point d’évêques. C’est tout ce que cet historien nous en apprend. Voy. le Trév. & le Moréri. (G)

CONTORNIATES, (Médailles, Art numismat.) le dictionnaire de Trévoux dit contourniates, qui me paroît moins bon. On appelle contorniates, des médailles de cuivre terminées dans leur circonférence par un cercle d’une ou de deux lignes de largeur, continu avec le métal, quoiqu’il semble en être détaché par une rainure assez profonde qui regne à

l’extrémité du champ, de l’un & l’autre côté de la médaille. Cette sorte particuliere de cercle fait aisément distinguer les médailles contorniates, de celles qui sont enchâssées dans des bordures du même ou d’un différent métal. Quoiqu’on pût dire que le nom de contorniate vient du mot conturnus, contour, employé dans nos vieux titres, comme on voit dans le glossaire de M. Ducange ; cependant M. Mahudel prétend qu’il en faut chercher l’origine en Italie, où ces médailles sont appellées medaglioni contornati : mais tout cela revient au même.

Les antiquaires conviennent assez qu’elles n’ont jamais servi de monnoie. Le cercle qui les termine, plus parfait que celui des médailles qui servoient de monnoie ; l’éminence de ce cercle, qui rend ces médailles moins propres à être maniées ; la difficulté qu’il y a eu de former la vive-arrête qu’on voit des deux côtés de ce cercle, & qui demandoit un tems trop considérable ; la damasquinure qu’on apperçoit sur plusieurs de ces médailles dans le champ du côté de la tête, & sur quelques-unes des figures du revers, ouvrage dont la longueur ne s’accorde pas avec la célérité & la multiplication nécessaire pour la monnoie courante ; le défaut de sous-division en moitiés & en quarts, nécessaires dans le commerce de la monnoie pour remplir toutes les valeurs, comme on en trouve dans les autres médailles d’or, d’argent, & de cuivre ; & celui du decret ou de l’autorité qui paroît sur les médailles qui servoient de monnoie, tel qu’étoit la formule de senatus-consulto, ou le nom du magistrat qui les faisoit frapper : tout cela prouve que les contorniates n’ont jamais servi de monnoie. Il est vrai que l’on voit sur plusieurs de ces médailles des lettres, comme P. E. mais ces lettres sont le monogramme ou la marque des ouvriers qui fabriquoient ces pieces, & qui vouloient par-là se faire connoître.

M. Spanheim & M. Ducange ont cru que ces médailles étoient du tems des premiers empereurs dont les têtes y sont gravées, mais qu’elles avoient été retouchées sous leurs successeurs ; & ils les appellent nummi restituti. Le P. Hardouin pense bien différemment ; car il prétend que ce n’est que dans le xiij. siecle qu’elles ont été fabriquées. M. Mahudel fixe la premiere époque de leur fabrication à la fin du iij. siecle, & leur durée jusqu’au milieu du jv.

Quoi qu’il en soit, premierement pour ce qui regarde les contorniates qui représentent des têtes d’hommes illustres, il est évident qu’elles ne sont pas de leur tems, puisque l’ortographe de leurs noms y est mal observée. Dans celle sur laquelle est la tête d’Homere, son nom est écrit avec un Ω au lieu d’un Ο ; & dans celle de Salluste, avec une seule L, Salustius, au lieu de Sallustius, comme on le trouve dans les inscriptions lapidaires de son tems. On y voit aussi le nom d’auteur écrit autor, au lieu d’auctor, comme Quintilien l’écrit en parlant de ce même Salluste ; outre qu’à parler exactement l’emploi de ce terme est contre le bon usage, & que du tems de cet historien on auroit dit historiæ scriptor, & non pas auctor. 2°. Dans les contorniates où il y a des têtes greques, on trouve des légendes latines, comme dans celle qui représente Alexandre, dont la légende est Alexander magnus : quelle apparence que les Grecs de ce tems-là ayent employé une langue étrangere ? 3°. Une nouvelle preuve que les contorniates qui ont la tête des premiers empereurs ne sont pas de leur tems, c’est la parfaite ressemblance de ces médailles avec celles qui représentent les empereurs des tems postérieurs, soit dans le goût, soit dans la gravure plate & grossiere, dans le volume, dans les marques des ouvriers, dans le style des légendes, & dans la formation des caracteres ; uniformité qu’on ne croira pas s’être soûtenue depuis Alexandre