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donna à celui qui avoit été le premier désigné. Le consul qui entroit en charge le premier Janvier s’appella consul ordinarius, pour le distinguer de celui qui entroit dans le courant de l’année. Lorsqu’un des deux consuls ordinaires venoit à mourir ou à être déposé, on l’appelloit suffectus. Il y en eut sous l’empereur Commode jusqu’à vingt-cinq dans la même année : c’étoit une petite manœuvre par laquelle on parvenoit à s’attacher beaucoup de gens qui faisoient assez de cas de cet éclat d’emprunt, & assez peu d’eux-mêmes pour se vendre à ce prix.

Consul, (Jurispr.) est un titre commun à plusieurs sortes d’officiers de justice : tels que les consuls de la nation Françoise dans les pays étrangers, & les consuls des nations étrangeres dans les pays de la domination de France ; les consuls des villes, & les consuls des marchands. (A)

Consuls des Communautés d’Arts et Métiers, est le titre que prennent en certains lieux les syndics & officiers de ces communautés. Il y en a quelques-unes dans le Languedoc qui ont leurs consuls comme les villes. Il est parlé des consuls des tailleurs de Montpellier dans des lettres du roi Jean du 22 Janvier 1351. Voyez ci-après Consuls des Villes & Bourgs . (A)

Consuls des Marchands, qu’on appelle aussi les juge & consuls, & plus communément les consuls simplement, sont des marchands & négocians faisant actuellement commerce, ou qui l’ont fait précédemment ; lesquels sont choisis pour faire pendant un an la fonction de juges dans une jurisdiction consulaire, & y connoître dans leur ressort de toutes les contestations entre marchands & négocians pour les affaires qui ont rapport au commerce.

Quelquefois par le terme de consuls on entend la jurisdiction même que ces juges exercent, quelquefois aussi le lieu où ils tiennent leurs séances.

On trouve dans l’antiquité des vestiges de semblables jurisdictions.

Les Grecs avoient entre eux certains juges qu’ils appelloient ναυτοδίκαι, jus dicentes nautis, qui se transportoient eux-mêmes sur le port, entroient dans les navires, entendoient les différends des particuliers, & les terminoient sur le champ sans aucune procédure ni formalité, afin que le commerce ne fût point retardé.

Demosthene dans son oraison Πρὸς Ἀπατούριον, & encore en celle qu’il fit contre Phormion, fait mention de certains juges institués seulement pour juger les causes des marchands ; ce qui prouve qu’il y avoit des especes de juges consulaires à Athenes & à Rome.

Il y avoit à Rome plusieurs corps de métier, tels que les bouchers, les boulangers, & autres semblables, qui avoient chacun leurs jurés appellés primates professionum, qui étoient juges des différends entre les gens de leur corps auxquels il n’étoit pas permis de décliner leur jurisdiction ; ainsi qu’il est dit dans la loi vij. au code de jurisdictione omnium judicum ; & dans la loi premiere, au titre de monopoliis.

Cet usage de déférer le jugement des affaires de chaque profession à des gens qui en sont, est fondé sur ce principe que Valere Maxime pose, liv. VIII. chap. xj. que sur chaque art il faut s’en rapporter à ceux qui y sont experts, plûtôt qu’à toute autre personne : artis suæ quibusque peritis de eadem arte potius quam cuipiam credendum. Ce qui est aussi conforme à plusieurs textes de droit.

En France les marchands, négocians, & les gens d’arts & métiers, n’ont eu pendant long-tems d’autres juges que les juges ordinaires, même pour les affaires de leur profession.

La premiere confrairie de marchands qui s’établit à Paris, fut celle des marchands fréquentans la riviere ; ils avoient un prevôt qui régloit leurs diffé-

rends ; les échevins de Paris mirent à leur tête ce prevôt, qu’on appelloit alors le prevôt de la marchandise de l’eau, & que l’on a depuis appellé simplement le prevôt des marchands : mais cet officier ni les échevins n’ont jamais été juges de tous les marchands de Paris ; ils n’ont de jurisdiction que sur les marchands fréquentans la riviere.

Les jurés & gardes des communautés de marchands & des arts & métiers, n’ont sur les membres de leur communauté qu’une simple inspection sans jurisdiction.

Le juge conservateur des priviléges des foires de Brie & de Champagne, auquel a succédé le juge conservateur des foires de Lyon, & les autres conservateurs des foires établis à l’instar de ceux-ci en différentes villes, n’ayant droit de connoître que des priviléges des foires, les autres affaires de commerce qui n’étoient faites en tems de foire, étoient toûjours de la compétence des juges ordinaires jusqu’à ce qu’on ait établi des jurisdictions consulaires.

La plus ancienne de ces jurisdictions est celle de Toulouse, qui fut établie par édit du mois de Juillet 1549.

On prétend que les chambres de commerce de Marseille & de Roüen étoient aussi établies avant celle de Paris.

Ce qui donna lieu à l’établissement de celle-ci, fut que Charles IX. ayant assisté en la grand-chambre du parlement au jugement d’un procès entre deux marchands que l’on renvoya sans dépens, après avoir consumé la meilleure partie de leur bien à la poursuite de ce procès pendant dix ou douze années, le roi fut si touché de cet inconvénient par rapport au commerce, qu’il résolut d’établir des tribunaux dans toutes les principales villes, où les différends entre marchands se vuideroient sans frais. Et en effet, par édit du mois de Novembre 1563, il établit d’abord à Paris une jurisdiction composée d’un juge & de quatre consuls, qui seroient choisis entre les marchands.

Il en créa dans la même année & dans les deux suivantes dans les plus grandes villes, comme à Roüen, Bordeaux, Tours, Orléans, & autres.

Par un édit de 1566, on en créa dans toutes les villes où il y avoit grand nombre de marchands.

Aux états de Blois les députés du tiers état firent des plaintes sur ce nombre excessif de jurisdictions consulaires, & en demanderent la suppression ; ce qui ne leur fut pas pleinement accordé. Mais par l’article 239 de l’ordonnance qui fut faite dans ces états, il fut ordonne qu’il n’y auroit plus de consuls que dans les villes principales & capitales des provinces, dans lesquelles il y a un commerce considérable ; ce qui fut encore depuis restraint aux villes où le roi a seul la police, par arrêt rendu aux grands jours de Clermont le 19 Novembre 1582.

Il y a cependant eu depuis plusieurs créations de jurisdictions consulaires en différentes villes, & notamment en 1710 & 1711. On en donnera le dénombrement à la fin de cet article.

Toutes ces justices consulaires sont royales de même que les justices royales ordinaires, & elles sont toutes reglées à l’instar de celle de Paris, suivant l’article 1. du titre 12. de l’ordonnance du Commerce, qui a déclaré l’édit de 1563 & tous autres concernant les consuls de Paris, dûment registrés au parlement, communs pour tous les siéges des consuls.

A Paris & dans plusieurs autres villes elles sont composées d’un juge & de quatre consuls ; dans plusieurs autres villes, il n’y a qu’un juge & deux consuls.

Le juge est proprement le premier consul, ou pour mieux dire il est le juge, c’est-à-dire le chef du tribunal, & les consuls sont ses conseillers ; on l’ap-