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la poésie greque & dans la latine, il y a des piés dissyllabes ; tels sont le spondée, l’iambe, le troquée, le pyrique.

Ce mot vient de δίς deux fois, d’où vient δισσὸς, duplex, & de συλλαϐὴ, syllabe. Un mot est appellé monosyllable quand il n’a qu’une syllabe ; il est dissyllabe quand il en a deux ; trissyllabe quand il en a trois : mais après ce nombre les mots sont dits être polissyllabes, c’est-à-dire de plusieurs syllabes R. πολὺς, multus, frequens, & συλλαϐὴ syllabe. (F)

Quelques auteurs ont appellé vers dissyllabes nos vers de dix syllabes. Mais cette façon de parler ne paroît pas avoir été admise ; sans doute parce que le mot dissyllabe étoit déjà consacré à un autre usage.

DISTANCE, s. f. (Géom. & Physiq.) ce mot signifie proprement le plus court chemin qu’il y a entre deux points, deux objets, &c. Donc la distance d’un point à un point, est toûjours une ligne droite tirée entre ces deux points, puisque la ligne droite est la plus courte qu’on puisse mener d’un point à un autre. Par la même raison la distance d’un point à une ligne, est une perpendiculaire menée de ce point à cette ligne.

On mesure les distances en Géométrie par le moyen de la chaîne, de la toise, &c. V. Chaine, & c.

On découvre les distances inaccessibles en prenant d’abord une longueur que l’on appelle base, & observant ensuite la grandeur des angles, que font les rayons visuels tirés des extrémités de cette base aux extrémités de ces distances inaccessibles. Voyez Planchette, Graphometre, &c. (O)

Distance se dit aussi d’un intervalle de tems & de qualité. Ainsi l’on dit la distance de la création du monde à la naissance de J. C. est de 4000 ans. La distance entre le Créateur & la créature est infinie.

Distance apparente des objets. La maniere dont nous en jugeons, est le sujet d’une grande question parmi les Philosophes & les Opticiens. Il y a six choses qui concourent à nous mettre à portée de découvrir la distance des objets, ou six moyens dont notre ame se sert pour former ses jugemens à cet égard. Le premier moyen consiste dans cette configuration de l’œil, qui est nécessaire pour voir distinctement à diverses distances.

Il ne peut y avoit de vision distincte, à moins que les rayons de lumiere qui sont renvoyés de tous les points de l’objet apperçu, ne soient brisés par les humeurs de l’œil, & réunis en autant de points correspondans sur la rétine. Or la même conformation de l’œil n’est pas capable de produire cet effet pour toutes les distances ; cette conformation doit être changée, & ce changement nous étant sensible, parce qu’il dépend de la volonté de notre ame, qui en regle le degré, nous met à portée en quelque façon de juger des distances, même avec un œil seul. Ainsi lorsque je regarde un objet, par exemple à la distance de sept pouces, je conçois cette distance par la disposition de l’œil, qui m’est non-seulement sensible à ce degré d’éloignement, mais qui est même en quelque sorte incommode ; & lorsque je regarde le même objet à la distance de 27 pouces, ce degré d’éloignement m’est encore connu, parce que la disposition nécessaire de l’œil m’est pareillement sensible, quoiqu’elle cesse d’être incommode. L’on voit par-là comment avec un seul œil nous pouvons connoître les plus petites distances, par le moyen du changement de configuration qui lui arrive. Mais comme ce changement de conformation a ses bornes, au-delà desquelles il ne sauroit s’étendre, il ne peut nous être d’aucun secours pour juger de la distance des objets placés hors des limites de la vision distincte, qui dans nos yeux ne s’étendent pas au-delà de 7 à 27 pouces. Cependant comme l’objet paroît alors plus

ou moins confus, selon qu’il est plus ou moins éloigné de ces limites, cette confusion supplée au défaut du changement sensible de configuration, en aidant l’ame à connoître la distance de l’objet qu’elle juge être placé plus près ou plus loin, selon que la confusion est plus ou moins grande. Cette confusion elle-même a encore ses bornes, au-delà desquelles elle ne sauroit être d’aucun secours pour nous aider à connoître l’éloignement où se trouve l’objet que nous voyons confus ; car lorsqu’un objet est placé à une certaine distance de l’œil, & que le diametre de la prunelle n’a plus aucune proportion sensible avec cet objet, les rayons de lumiere qui partent d’un des points de l’objet, & qui passent par la prunelle, sont si peu divergens qu’on peut les regarder en quelque façon, sinon mathématiquement, au moins dans un sens physique, comme paralleles. D’où il s’ensuit que la peinture qui se fera de cet objet sur la rétine, ne paroîtra pas à l’œil plus confuse, quoique cet objet se trouve placé à une beaucoup plus grande distance. Les auteurs ne conviennent point entr’eux quel est ce degré d’éloignement, avec lequel le diametre de la prunelle n’a plus de rapport sensible.

Le second moyen plus général, & ordinairement le plus sûr que nous ayons pour juger de la distance des objets, c’est l’angle formé par les axes optiques sur cette partie de l’objet sur laquelle nos yeux sont fixés.

Nos deux yeux font le même effet que les stations dont les Géometres se servent pour mesurer les distances. C’est-là la raison pour laquelle ceux qui n’ont qu’un œil se trompent si souvent, en versant quelque liqueur dans un verre, en enfilant une aiguille, & en faisant d’autres actions semblables qui demandent une notion exacte de la distance.

Le troisieme moyen consiste dans la grandeur apparente des objets, ou dans la grandeur de l’image peinte sur la rétine. Le diametre de ces images diminue toûjours proportionnellement à l’augmentation de la distance des objets qu’elles représentent ; d’où il nous est facile de juger par le changement qui arrive à ces images, de la distance des objets qu’elles représentent, sur-tout si nous avons d’ailleurs une connoissance de leur grandeur. C’est pour cette raison que les Peintres diminuent toûjours dans leurs tableaux la grandeur des objets à proportion de l’éloignement où ils veulent les faire paroître. Mais toutes les fois que nous ignorons la véritable grandeur des corps, nous ne pouvons jamais former aucun jugement de leurs distances par le secours de leur grandeur apparente, ou par la grandeur de leurs images sur la retine. C’est ce qui fait que les étoiles & les planetes nous paroissent toûjours au même degré d’éloignement, quoiqu’il soit certain qu’il y en a qui sont beaucoup plus proches que les autres. Il y a donc une infinité d’objets dont nous ne pouvons jamais connoître la distance, à cause de l’ignorance où nous sommes touchant leur véritable grandeur.

Le quatrieme moyen, c’est la force avec laquelle les couleurs des objets agissent sur nos yeux. Si nous sommes assûrés que deux objets sont d’une même couleur, & que l’un paroisse plus vif & moins confus que l’autre, nous jugeons par expérience que l’objet qui paroît d’une couleur plus vive, est plus proche que l’autre. Quelques-uns prétendent que la force avec laquelle la couleur des objets agit sur nos yeux doit être en raison réciproque doublée de leurs distances, parce que leur densité ou la force de la lumiere décroît toûjours selon cette raison. En effet, la densité ou la force de la lumiere est toûjours en raison réciproque doublée des distances ; car puisqu’elle se répand sphériquement, comme des rayons tirés du centre à la circonférence, sa force à une distance donnée du centre de son activité doit être