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étoit du tems de Justinien. Le P. Mabillon, mieux versé dans la connoissance de ces anciennes écritures, tient que celle-ci est du sixieme siecle ; & suivant le caractere, il paroît que c’est l’ouvrage d’un copiste grec, qui les a écrites à Constantinople ou à Benyte.

L’empereur Lothaire voulant récompenser les habitans de Pise qui l’avoient secondé dans ses desseins, leur fit présent du manuscrit des pandectes, & ordonna que cette loi seroit observée dans tout l’empire. Les habitans de Pise conserverent long-tems avec soin ce manuscrit ; c’est de-là que dans quelques anciennes gloses le digeste est appellé pandectæ pisanæ ; & que quand les interpretes des autres pays étoient divisés sur la véritable teneur de quelqu’endroit du texte des pandectes, ils avoient coûtume de se renvoyer ironiquement les uns les autres à Pise, où étoit le manuscrit original.

Mais l’année 1406 les Florentins s’étant rendus maîtres de la ville de Pise, le général des Florentins enleva le manuscrit des pandectes, & le fit porter à Florence ; ce qui fit depuis ce tems donner au digeste le nom de pandectæ florentinæ. Ce manuscrit est en deux volumes, dont les Florentins firent enrichir la couverture de plusieurs ornemens : ils firent aussi construire exprès un petit cabinet ou armoire dans le palais de la république, pour déposer ce manuscrit, qui est toûjours dans le même endroit ; & jusqu’au dix-septieme siecle, quand on le montroit à des étrangers, c’étoit avec beaucoup de cérémonies : le premier magistrat de la ville y assistoit nud tête, & des religieux Bernardins tenoient des flambeaux allumés.

On conserve encore dans diverses bibliotheques plusieurs anciens manuscrits du digeste, & entr’autres dans celle du Roi, & dans les bibliotheques Vaticane, Urbine, Palatine, Barberine & Otobonienne, qui sont à Rome ; dans celle de Venise & autres, dont on peut voir le détail dans M. Terrasson, hist. de la jurisp. rom. mais aucun de ces manuscrits ne remonte au-delà du douzieme siecle ; & celui de Florence est regardé par tous les auteurs comme le plus ancien, le plus authentique, & celui dont tous les autres sont émanés.

Depuis l’invention de l’Imprimerie, le digeste a été imprimé un grand nombre de fois, & presque toûjours avec les autres livres de Justinien ; ce qui forme le corps de droit, dont l’édition la plus estimée est celle faite à Amsterdam en 1663, en deux volumes in-folio, avec des notes des plus célebres commentateurs.

Le digeste paroît avoir été observé en France, de même que les autres livres de Justinien, depuis le tems de Louis le jeune, du moins dans les provinces appellées de droit écrit.

Les jurisconsultes modernes qui ont travaillé sur le digeste, sont en trop grand nombre pour en faire une énumération complete : nous parlerons seulement ici de quelques-uns des plus célebres.

Irnerius, Allemand de naissance, qui s’employa pour le rétablissement du digeste & autres livres de Justinien, fit de petites scholies qui donnerent lieu dans la suite à des gloses plus étendues.

Haloander donna vers l’année 1500 une nouvelle édition du digeste, plus correcte que les précédentes, & qui fut appellée norique, parce qu’elle est dédiée au sénat de Nuremberg.

Barthole, Balde, Paul de Castre, Alexandre de Imola, Décius, Alciat, Pacius, Perecius, Guillaume Budée, Duaren, Dumoulin, Fernand, Hotman, Cujas, Mornac, & plusieurs autres encore plus récens, & qui sont connus, ont fait des commentaires sur le digeste ; les uns ont embrassé la totalité de l’ou-

vrage ; d’autres se sont bornés à expliquer quelques livres, ou même seulement quelques titres.

On se sert ordinairement pour citer le digeste, d’une abbréviation composée de deux f liées en cette forme, f‍f ; ce qui vient de la lettre greque π dont on se servoit pour citer les pandectes, & que les copistes latins prirent pour deux f‍f jointes. On se sert aussi quelquefois de la lettre d pour citer le digeste.

Quelques jurisconsultes du seizieme siecle commencerent à critiquer la compilation du digeste, & singulierement l’ordre des matieres, & l’arrangement que l’on a donné aux fragmens tirés des anciens jurisconsultes.

Cujas au contraire a taxé d’ignorance ceux qui blâmoient l’ordre du digeste ; il engagea cependant Jacques Labitte son disciple à composer un ouvrage contenant le plan du digeste dans un nouvel ordre, pour mieux pénétrer le sens des lois, en rapprochant les divers fragmens qui sont d’un même jurisconsulte. Ce livre a pour titre, index omnium quæ in pandectis continentur, in quo, &c. il fut publié à Paris en 1577. C’est un volume in-4o. qui a trois parties : la premiere a pour objet de rassembler les divers fragmens de chaque jurisconsulte, qui appartiennent au même ouvrage ; la seconde contient une table des jurisconsultes dont il n’y a aucunes lois dans le digeste, mais qui y sont cités ; la troisieme est une dissertation sur l’usage que l’on doit faire des deux premieres parties.

L’exemple de Labitte a excité plusieurs autres jurisconsultes à donner aussi de nouveaux plans du digeste.

Volfangus Freymonius en donna un en 1574, intitulé symphonia juris utriusque chronologica, in quâ, &c. Cet ouvrage concerne tout le corps de droit ; & pour ce qui concerne le digeste en particulier, l’auteur a perfectionné le travail de Labitte.

Antoine-Augustin archevêque de Tarragone, donna en 1579 un ouvrage intitulé de nominibus propriis, ΤΟΥ ΠΑΝΔΕΚΤΟΥ, Florentini cum notis, où il enchérit encore sur Labitte & sur Freymonius, en ce qu’à côté de chaque portion qu’il rapproche de son tout, il marque le chiffre du livre, du titre & de la loi.

Loysel avoit aussi fait un index dans le goût de celui de Labitte.

Ces auteurs n’avoient fait que tracer un plan pour mettre le digeste dans un nouvel ordre ; mais personne n’avoit encore entrepris l’exécution de ce plan.

Après le décès de M. Dugone avocat au parlement, & docteur honoraire de la faculté de Droit de Paris, on trouva dans ses papiers un digeste arrangé suivant le plan de Labitte & des autres auteurs dont on vient de parler. Cet ouvrage est actuellement entre les mains de M. Boullenois avocat, qui en a donné au public une description en forme d’avis. Ce nouveau digeste n’est point manuscrit, & on ne sait si on peut dire qu’il est imprimé, n’étant composé que de lois découpées de plusieurs exemplaires du corps de Droit, que l’on a collées & arrangées sous chaque jurisconsulte, avec un petit abregé de sa vie, & l’index chiffré de Labitte : le tout forme trois volumes in-fol.

M. Terrasson, sans blâmer l’exécution du projet de Labitte & autres semblables, fait sentir que cela n’est pas seul capable de donner une parfaite connoissance de l’esprit & des vûes de chaque jurisconsulte, parce qu’entre les fragmens que l’on peut rapprocher, il en manque beaucoup d’autres que l’on n’a plus.

Il auroit sans doute reconnu que l’on doit trouver beaucoup plus d’avantage dans l’ouvrage que M. Potier conseiller au présidial d’Orléans, vient de donner au public en trois volumes in-fol. ce sont les pandectes de Justinien mises dans un nouvel ordre,