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la femme dissout bien la communauté, mais la totalité en demeure au mari.

Pour que la séparation opere la dissolution de la communauté, il faut qu’elle soit ordonnée en justice après une enquête ; car les séparations volontaires sont réprouvées.

Après la dissolution de la communauté, la femme ou ses héritiers ont la liberté de l’accepter ou d’y renoncer ; au lieu que le mari n’a pas la liberté d’y renoncer, attendu que tout est censé de son fait.

Lorsque la femme ou ses héritiers acceptent la communauté, chacun commence par reprendre ses propres réels en nature ; ensuite on reprend sur la masse de la communauté le remploi des propres aliénés, les deniers stipulés propres, les récompenses que les conjoints se doivent pour leurs dettes personnelles qui ont été acquittées sur la communauté, ou pour les impenses faites sur leurs propres des deniers de la communauté.

Sur le surplus de la communauté le survivant préleve son préciput en meubles ou en argent, selon ce qui a été stipulé, sans être tenu de payer plus grande part des dettes pour raison de ce préciput.

Dans la coûtume de Paris, entre nobles, le survivant a de plus le droit de prendre le préciput légal, qui comprend tous les meubles étant hors la ville & faubourgs de Paris, à la charge de payer les dettes mobiliaires & frais funéraires du défunt, pourvû qu’il n’y ait point d’enfans, & s’il y a enfans, ils partagent par moitié.

Après tous ces prélevemens, le restant de la communauté se partage entre le survivant & les héritiers du prédécédé, suivant ce qui a été convenu par le contrat.

La faculté de renoncer à la communauté ne fut d’abord accordée qu’en faveur des nobles, des gentilshommes qui se croisoient contre les Infideles, lesquels étant obligés à d’excessives dépenses, engageoient souvent tous leurs biens, ou la plus grande partie. Cet usage ne commença par conséquent au plûtôt que vers la fin du xje siecle ; Monstrelet, liv. I. ch. xviij. de son hist. dit que Philippe I. duc de Bourgogne étant mort en 1363, sa veuve renonça à ses biens-meubles, craignant ses dettes, en mettant sur la représentation sa ceinture avec sa bourse & ses clés comme il étoit de coûtume, & qu’elle en demanda acte à un notaire public. Bonne, veuve de Valeran comte de S. Pol, fit la même chose, au rapport du même auteur, ch. cxxxjx. La veuve jettoit sa bourse & ses clés sur la fosse ou sur la représentation de son mari, pour marquer qu’elle ne retenoit rien de sa maison. Il est fait mention de cette formalité dans plusieurs coûtumes, telles que Meaux, Chaumont, Vitry, Laon, Châlons, & autres, ce qui ne se pratique plus depuis long-tems. La forme nécessaire pour la validité de la renonciation, est qu’elle soit faite au greffe ou devant notaire ; qu’il y en ait minute, & qu’elle soit insinuée.

Ce privilége, qui n’étoit accordé qu’aux veuves des nobles, a été étendu par la nouvelle coûtume de Paris aux veuves des roturiers, & cela est aujourd’hui de droit commun.

La renonciation pour être valable, doit être précédée d’un inventaire fait avec un legitime contradicteur.

Si la femme ou ses héritiers renoncent à la communauté, en ce cas ils reprennent, tant sur les biens de la communauté, que sur tous les autres biens du mari indistinctement, les deniers dotaux de la femme stipulés propres, son apport mobilier quand il y a clause de reprise, ses remplois de propres, les réparations qui sont à faire sur ses propres existans, son doüaire préfix ou coûtumier si elle survit, & même son préciput au cas que cela ait été stipulé ;

elle reprend aussi sur ces mêmes biens les dons qui lui ont été faits par son mari par contrat de mariage, & elle a sur ces mêmes biens une indemnité contre son mari ou ses héritiers, pour les dettes auxquelles il l’a fait obliger durant la communauté, avec hypotheque pour cette indemnité du jour du contrat de mariage.

La femme peut être privée de son droit en la communauté pour cause d’adultere, & dans le cas où elle a abandonné son mari, & a persisté à vivre éloignée de lui, nonobstant les sommations qu’il lui a fait de revenir dans sa maison ; mais le défaut de payement de la dot n’est pas une raison pour la priver de la communauté.

Lorsqu’au jour de la dissolution de la communauté il y a des enfans mineurs nés du survivant & du prédécédé, & que le survivant néglige de faire inventaire, il est au choix des mineurs de prendre la communauté en l’état qu’elle étoit au jour de la dissolution, ou de demander la continuation de communauté jusqu’au jour de l’inventaire, s’il en a été fait un depuis, ou jusqu’au jour du partage s’il n’y a point eu d’inventaire.

La majorité survenue aux mineurs depuis la dissolution de la communauté, n’empêche pas qu’elle ne continue jusqu’à ce qu’il soit fait inventaire valable.

Quand les mineurs optent la continuation de communauté, les enfans majeurs peuvent aussi faire la même option.

Pour empêcher la continuation de communauté, il faut que le survivant fasse faire un inventaire solennel avec un légitime contradicteur ; il faut même, à Paris & dans quelques autres coûtumes, que cet inventaire soit clos en justice.

La communauté continuée est composée de tous les meubles de la premiere communauté, des fruits des conquêts, & des fruits des propres du prédécédé ; tout ce qui écheoit au survivant, qui est de nature à entrer en communauté, entre aussi dans cette continuation ; mais ce qui écheoit aux enfans ou qu’ils acquierent de leur chef depuis la dissolution de la communauté, n’entre point dans la continuation ni pour le fonds ni pour les fruits.

Le second mariage du survivant n’opere point la dissolution de la communauté continuée ; en ce cas si les enfans mineurs optent la continuation de communauté, elle se partage par tiers entr’eux avec le survivant & son second conjoint.

Après la dissolution de la communauté, le survivant des conjoints doit rendre compte de la communauté aux héritiers du prédécédé : quand le survivant a été tuteur de ses enfans, ce compte se confond avec celui de la tutelle ; enfin après le compte on procede au partage.

On peut voir sur cette matiere les traités de la communauté par de Renusson & Lebrun, & les commentateurs des coûtumes sur le titre de la communauté ; Pasquier en ses recherches, liv. IV. ch. xxj. de Lauriere en son gloss. au mot communauté de biens, au mot ceinture, & au mot clé. (A)

Communauté conjugale, est la communauté de biens qui a lieu entre conjoints, en vertu de la coûtume ou du contrat de mariage. Voyez ci-devant Communauté de biens.

Communauté continuée. Voyez Communauté de biens.

Communauté conventionelle, est celle qui est stipulée entre conjoints par le contrat de mariage. Voyez Communauté de biens.

Communauté coutumiere ou legale, est celle qui a lieu de plein droit en vertu de la coûtume, & qui n’a point été réglée par le contrat de mariage. Voyez ci-devant Communauté de biens & ci-après Communauté legale. (A)