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son fils, en firent une loi générale : Volumus ut uxores defunctorum post obitum maritorum tertiam partem collaborationis, quam simul in beneficio collaboraverunt accipiant.

Cette loi fut encore observée pour les veuves des rois subséquens ; comme Flodoard le fait connoître en parlant de Raoul roi de France, lequel aumônant une partie de ses biens à diverses églises, réserva la part de la reine son épouse : mais il ne dit pas quelle étoit la quotité de cette part. Ce passage justifie aussi qu’il n’étoit pas au pouvoir du mari de disposer des biens de la communauté, au préjudice de sa femme.

Présentement il n’y a plus de communauté entre les rois & les reines ; elles partagent seulement les conquêts faits avant l’avenement du roi à la couronne.

Le mari peut disposer des biens de la communauté par acte entrevifs, pourvû que ce soit à personne capable & sans fraude ; mais par testament, il ne peut disposer que de sa moitié.

Les coûtumes de Bourgogne, rédigées en 1459, sont les premieres où il soit parlé de la communauté de biens, dont elles donnent à la femme moitié : ce qui est conforme à la loi des Saxons. Cet usage nouveau par rapport à la part de la femme, adopté dans ces coûtumes & dans la plûpart de celles qui ont été rédigées dans la suite, pourroit bien avoir été introduit en France par les Anglois, qui, comme l’on sait, sont Saxons d’origine ; & sous le regne de Charles VI. s’étoient emparés d’une partie du royaume.

Le droit de communauté est accordé à la femme, en considération de la commune collaboration qu’elle fait, ou est présumée faire, soit en aidant réellement son mari dans son commerce, s’il en a, soit par son industrie personnelle, ou par ses soins & son œconomie dans le ménage.

La plûpart des coûtumes établissent de plein droit la communauté entre conjoints : il y en a néanmoins quelques-unes, comme Normandie & Reims, qui excluent cette communauté ; mais elles ont pourvû autrement à la subsistance de la femme en cas de viduité.

Les contrats de mariage étant susceptible, de toutes sortes de clauses, qui ne sont pas contre les bonnes mœurs, il est permis aux futurs conjoints de stipuler la communauté de biens entre eux, raème dans les pays de droit, & dans les coûtumes où elle n’a pas lieu de plein droit.

Il leur est pareillement permis de l’admettre ou de l’exclure dans les coûtumes où elle a lieu : si la femme est exclue de la communauté, ses enfans & autres héritiers le sont aussi.

Lorsque le contrat de mariage ne regle rien à ce sujet ; pour savoir s’il y a communauté, on doit suivre la loi du lieu du domicile du mari au tems de la célébration du mariage, ou de celui où il avoit intention d’établir son domicile en se mariant, les conjoints étant présumés avoir voulu se régler suivant la loi de ce lieu.

Quoique de droit commun la communauté se partage par moitié entre le survivant & les héritiers du prédécédé, il est permis aux futurs conjoints, par contrat de mariage, de régler autrement la part de chacun des conjoints. On peut stipuler que la femme n’aura que le tiers, ou autre moindre portion ; ou que le survivant joüira seul de toute la communauté, soit en usufruit ou en propriété, & autres clauses semblables.

La communauté légale ou conventionnelle a lieu du moment de la bénédiction nuptiale, & non du jour du contrat. Il y a néanmoins quelques coutumes, comme Anjou & Bretagne, où elle n’a lieu qu’après l’an & jour ; c’est-à-dire, que si l’un des

conjoints décede pendant ce tems, la communauté n’a point lieu : mais s’il ne décede qu’après l’année, la communauté a lieu, & a effet rétroactif au jour du mariage.

Les clauses les plus ordinaires que l’on insere dans les contrats de mariage par rapport à la communauté, sont :

Que les futurs époux seront uns & communs en tous biens, meubles & conquêts immeubles, suivant la coûtume de leur domicile.

Qu’ils ne seront néanmoins tenus des dettes l’un de l’autre créés avant le mariage, lesquelles seront acquittées par celui qui les aura faites, & sur ses biens.

Que de la dot de la future il entrera une telle somme en communauté, & que le surplus lui demeurera propre à elle & aux siens de son côté & ligne.

Que le survivant prendra par préciput, & avant partage de la communauté, des meubles pour une certaine somme, suivant la prisée de l’inventaire & sans crue, ou ladite somme en deniers à son choix.

Que s’il est vendu ou aliené quelque propre pendant le mariage, le remploi en sera fait sur la communauté ; & s’ils ne suffisent pas à l’égard de la femme, sur les autres biens du mari : que l’action de ce remploi sera propre aux conjoints & à leurs enfans, & à ceux de leur côté & ligne.

Qu’il sera permis à la future & à ses enfans qui naîtront de ce mariage, de renoncer à la communauté, & en ce faisant, de reprendre franchement & quittement tout ce qu’elle y aura apporté, & ce qui lui sera échu pendant le mariage, en meubles & immeubles, par succession, donation, legs, ou autrement : même la future si elle survit, ses doüaire & préciput, le tout franc & quitte de toutes dettes, encore qu’elle y eût parlé ou y eût été condamnée ; dont audit cas elle & ses enfans seront indemnisés sur les biens du mari, pour raison dequoi il y aura hypotheque du jour du contrat.

Il est aussi d’usage que le mari fixe la portion de son mobilier qu’il veut mettre en communauté, & il stipule que le surplus lui demeurera propre, & aux siens de son côté & ligne.

Le mariage une fois célébré, les conjoints ne peuvent plus faire aucune convention pour changer leurs droits par rapport à la communauté.

Un mariage nul, ou qui ne produit pas d’effets civils, ne produit pas non plus de communauté.

Quant aux biens qui entrent en la communauté, il faut distinguer.

La communauté légale, c’est-à-dire celle qui a lieu en vertu de la coûtume seule, & celle qui est stipulée conformément à la coûtume, comprend tous les meubles présens & à venir des conjoints, & tous les conquêts immeubles, c’est-à-dire ceux qu’ils acquierent pendant le mariage, à quelque titre que ce soit, lorsqu’ils ne leur sont pas propres.

La communauté conventionnelle, c’est-à-dire celle qui n’est fondée que sur la convention, & qui n’est point établie par la coûtume du lieu, ne comprend point les meubles présens, mais seulement les meubles à venir, & les conquêts immeubles.

Il est d’usage que les conjoints en se mariant mettent chacun une certaine somme en communauté ; cette mise peut être inégale. Celui des conjoints qui n’a point de meubles à mettre en communauté, ameublit ordinairement par fiction une portion de ses immeubles, & cette portion ainsi ameublie est reputée meuble à l’égard de la communauté.

Quand au contraire les conjoints n’ont que des meubles, ils peuvent en réaliser par fiction une partie pour l’empêcher d’entrer en communauté ; cette réalisation se peut faire, ou par une clause expresse de réalisation, ou par une simple stipulation d’em-