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rement entre eux, & formoient une espece de corps, au moyen du contrat qu’ils avoient passé ensemble, & des lettres patentes de Philippe VI. confirmatives de ce contrat & de leur premiere confrairie.

Ils s’assembloient en une chambre du palais pour délibérer entre eux, tant des affaires de la confrairie dont ils étoient principalement chargés, que de ce qui concernoit leur discipline entre eux dans l’exercice de leurs fonctions, & cette assemblée fut appellée la communauté des procureurs. La compagnie élisoit un de ses membres, pour veiller aux intérêts communs ; & le procureur chargé de ce soin, fut appellé le procureur de la communauté.

Il paroît même que l’on en nommoit plusieurs pour faire la même fonction.

M. Boyer, procureur au parlement, dans le style du parlement qu’il a donné au public, fait mention d’un arrêt du 18 Mars 1508, rendu sur les remontrances faites à la cour par le procureur général du Roi, qui enjoint aux procureurs de la communauté de faire assemblée entre les avocats & procureurs, pour entendre les plaintes, chicanneries de ceux qui ne suivent les formes anciennes, & contreviennent au style & ordonnances de la cour ; & de faire registre, le communiquer au procureur général pour en faire rapport à la cour.

Les avocats ayant été appellés à cette assemblée avec les procureurs, elle a été nommée la communauté des avocats & procureurs. Cette assemblée se tient dans la chambre de saint Louis, & non dans la chambre dite de la communauté, où les procureurs déliberent entre eux des affaires qui intéressent seulement leur compagnie.

Le bâtonnier des avocats préside à la communauté des avocats & procureurs, & s’y fait assister quand il le juge à propos, d’un certain nombre d’anciens bâtonniers & autres anciens avocats, en nombre égal à celui des procureurs de communauté : c’est ce qui résulte d’un arrêt de réglement du 9 Janvier 1710, par lequel, en conformité d’une délibération de la communauté des avocats & procureurs de la cour, du 9 desdits mois & an, homologuée par ledit arrêt, il a été arrêté que l’état de distribution des aumônes seroit arrêté dans la chambre de la communauté, en présence & de l’avis tant du bâtonnier des avocats & de l’ancien procureur de communauté, que de quatre anciens avocats qui y seront invités par le bâtonnier, dont il y en aura deux au moins anciens bâtonniers, & de quatre procureurs de communauté ; que si le procureur de communauté se fait assister d’autres procureurs, le bâtonnier se fera pareillement assister d’avocats en nombre égal à celui des procureurs ; que s’ils se trouvent partagés d’opinions, ils se retireront au parquet des gens du Roi, pour y être reglés.

Le bâtonnier des avocats & les anciens bâtonniers & autres avocats qu’il appelle avec lui, vont, quand ils le jugent à propos, à la communauté pour y juger les plaintes, conjointement avec les procureurs de communauté : mais comme il est rare qu’il y ait quelque chose qui intéresse les fonctions d’avocat, ils laissent ordinairement ce soin aux procureurs de communauté ; c’est pourquoi le plus ancien d’entre eux se qualifie de président de sa communauté, ce qui ne doit néanmoins s’entendre que de leur communauté ou compagnie particuliere, & non de la communauté des avocats & procureurs, où ces derniers ne président qu’en l’absence des avocats.

Communauté de biens entre conjoints, est une société établie entre eux par la loi ou par le contrat de mariage, en conséquence de laquelle tous les meubles qu’ils ont de part & d’autre, & les meubles & immeubles qu’ils acquierent pendant le mariage, sont communs entre eux. Il y a même des com-

munautés de tous biens indistinctement : ce qui dépend de la convention.

La communauté de biens entre conjoints n’étoit point absolument inconnue aux Romains : on en trouve des vestiges dans une loi attribuée à Romulus, où la femme est appellée socia fortunarum. Mulier viro secundum sacratas leges conjuncta, fortunarum & sacrorum socia illi esto, utque domus ille dominus, ita hæc domina, filia ut patris, ita defuncto marito, hæres esto. Voyez Catal leg. antiq. page 9. Comme la femme étoit en la puissance de son mari, il étoit le maître de la société ou communauté.

Il faut néanmoins convenir que ce qui est dit dans les lois Romaines de la société du mari & de la femme, doit s’entendre seulement de la vie commune qui est l’objet du mariage, plûtôt que d’une communauté de biens proprement dite ; au moins n’y avoit-il point parmi eux de communauté légale.

On pouvoit à la vérité en établir par convention. Il y en a une preuve en la loi alimenta, au digeste de aliment. Qui parle d’un mari & d’une femme qui avoient été en communauté de tous biens. Cette communauté contractée pendant le mariage, ne fut sans doute approuvée qu’à cause qu’il y avoit égalité de biens ; car il n’étoit pas permis aux conjoints de se faire aucun avantage entrevifs, même sous prétexte de s’associer. Lib. XXXII. §. de donat. inter. vir. & ux. Ainsi la communauté ne pouvoit régulierement être stipulée que par contrat de mariage ; mais la donation faite entre conjoints par forme de société, étoit confirmée comme donation par la mort d’un des conjoints.

Il n’y a pas d’apparence cependant que la communauté de biens usitée entre conjoints dans la plûpart des pays coûtumiers, ait été empruntée des Romains, d’autant qu’elle n’a point lieu, sans une convention expresse, dans les pays de droit écrit qui avoisinent le plus l’Italie, & où l’on observe les lois Romaines.

Quelques-uns prétendent tirer l’origine de la communauté, de ce qui se pratiquoit chez les Gaulois : ils se fondent sur ce que César, en ses commentaires, de bello Gall. lib. VI. n. 4. dit, en parlant des mœurs des Gaulois, que le mari en se mariant étoit obligé de donner à sa femme autant qu’elle lui apportoit en dot, & que le tout appartenoit au survivant, avec le profit qui en étoit survenu : Quantas pecunias ab uxoribus dotis nomine acceperunt, tantas ex his bonis æstimatione facta cum dotibus communicant. Hujus omnis pecuniæ conjunctim ratio habetur fructusque servantur. Uter eorum vitâ superavit, ad eum pars utriusque cum fructibus superiorum temporum pervenit. Mais il est aisé d’appercevoir que ce don réciproque de survie est tout différent de notre communauté.

Il y a plûtôt lieu de croire que les pays coûtumiers, qui sont plus voisins de l’Allemagne que les pays de droit écrit, ont emprunté cet usage des anciens Germains, chez lesquels le tiers ou la moitié des acquêts faits pendant le mariage, appartenoit à la femme, suivant le titre viij. de la loi des Saxons : De eo quod vir & mulier simul acquisierint, mulier mediam partem accipiat ; & le titre xxjx. de la loi ripuaire : Mulier tertiam partem de omni re quam conjuges simul collaboraverint, studeat revindicare.

Sous la premiere & la seconde race de nos rois, la femme n’avoit que le tiers des biens acquis pendant le mariage ; ce qui étoit conforme à la loi des ripuaires. La communauté avoit lieu alors pour les reines : en effet on lit dans Aimoin, que lors du partage qui fut fait de la succession de Dagobert entre ses enfans, on reserva le tiers des acquisitions qu’il avoit faites pour la reine sa veuve ; ce qui confirme que l’usage étoit alors de donner aux femmes le tiers de la communauté. Louis le Debonnaire & Lothaire