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mines d’or & d’argent de l’Andalousie les rendoient maîtres du prix & de la préférence des denrées de tous les pays.

Ils pénétrerent dans l’Océan le long des côtes, & allerent chercher l’étain dans les îles Cassiterides, aujourd’hui connues sous le nom de la Grande-Bretagne : ils remonterent même jusqu’à Thule, que l’on croit communément être l’Irlande.

Tyr effaça par sa splendeur & par son commerce toutes les autres villes des Phéniciens. Enorgueillie de sa longue prospérité, elle osa se liguer contre ses anciens maîtres : toutes les forces de Nabuchodonosor roi de Babylone suffirent à peine à la soûmettre, après un siége de treize ans. Le vainqueur ne détruisit que ses murailles & ses édifices ; les effets les plus précieux avoient été transportés dans une île à une demi-lieue de la côte. Les Tyriens y fonderent une nouvelle ville, à laquelle l’activité du Commerce donna bientôt plus de réputation que l’ancienne n’en avoit eu.

Carthage, colonie des Tyriens, suivit à-peu-près le même plan, & s’étendit le long des côtes occidentales de l’Afrique. Pour accroître même son commerce général, & ne le partager qu’avec sa métropole, elle devint conquérante.

La Grece cependant par son industrie & sa population, vint à figurer parmi les puissances : l’invasion des Perses lui apprit à connoître ses forces & ses avantages ; sa marine la rendit redoutable à son tour aux maîtres de l’Asie : mais remplie de divisions ou de projets de gloire, elle ne songea point à étendre son commerce.

Celui d’Athenes, la plus puissante des villes maritimes de la Grece, se bornoit presqu’à sa subsistance qu’elle tiroit de la Grece même & du Pont-Euxin. Corinthe, par sa situation, fut l’entrepôt des marchandises de l’Asie & de l’Italie ; mais ses marchands ne tenterent aucune navigation éloignée : elle s’enrichit cependant par l’indifférence des autres Grecs pour le Commerce, & par les commodités qu’elle lui offroit, beaucoup plus que par son industrie.

Les habitans de Phocée, colonie d’Athenes, chassés de leur pays, fonderent Marseille sur les côtes méridionales des Gaules. Cette nouvelle république, forcée par la stérilité de son territoire de s’adonner à la Pêche & au Commerce, y réussit ; elle donna même l’allarme à Carthage, dont elle repoussa vigoureusement les attaques.

Alexandre parut ; il aima mieux être le chef des Grecs que leur maître : à leur tête il fonda un nouvel empire sur la ruine de celui des Perses. Les suites de sa conquête forment la troisieme époque du Commerce.

Quatre grands évenemens contribuerent à la révolution qu’éprouva le Commerce sous le regne de ce prince.

Il détruisit la ville de Tyr, & la navigation de la Syrie fut anéantie avec elle.

L’Egypte qui jusqu’alors ennemie des étrangers s’étoit suffi à elle-même, communiqua avec les autres peuples après sa conquête.

La découverte des Indes & celle de la mer qui est au midi de ce pays en ouvrirent le commerce.

Alexandrie bâtie à l’entrée de l’Egypte, devint la clé du commerce des Indes, & le centre de celui de l’Occident.

Après la mort d’Alexandre, les Ptolemées ses successeurs en Egypte suivirent assiduement les vûes de ce prince ; ils s’en assûrerent le succès par leurs flotes sur la mer Rouge & sur la Méditerranée.

Pendant ces révolutions Rome jettoit les fondemens d’une domination encore plus vaste.

Les petites républiques commerçantes s’appuyerent de son alliance contre les Carthaginois, dont

elles minoient sourdement l’empire maritime. L’intérêt commun les unissoit.

Rhodes déjà célebre par son commerce, & plus encore par la sagesse de ses lois pour les gens de mer, fut de ce nombre. Marseille, l’ancienne alliée des Romains, leur rendit de grands services par ses colonies en Espagne : réciproquement soûtenue par eux, elle accrut toûjours sa richesse & son crédit, jusqu’aux tems où forcée de prendre parti dans leurs guerres civiles, elle se vit leur sujette. Lors de son abaissement, Arles, Narbonne, & les autres colonies Romaines dans les Gaules, démembrerent son commerce.

Enfin le génie de Rome prévalut : le commerce de Carthage fut enseveli sous ses ruines. Bientôt l’Espagne, la Grece, l’Asie, & l’Egypte à son tour, furent des provinces Romaines. Mais la maîtresse de l’univers dédaigna de s’enrichir autrement que par les tributs qu’elle imposoit aux nations vaincues ; elle se contenta de favoriser le commerce des peuples qui le faisoient sous sa protection. La navigation qu’elle entretenoit pour tirer des grains de l’Afrique, ne peut être regardée que comme un objet de police.

Le siége de l’empire transféré à Bizance, n’apporta par conséquent presqu’aucun changement au commerce de Rome : mais la situation de cette ville rebâtie par Constantin sur le détroit de l’Hellespont, y en établit un considérable. Il se soûtint long-tems depuis sous les empereurs Grecs, & même il trouva grace devant la politique destructive des Turcs.

La chûte de l’empire d’Occident par l’inondation des peuples du Nord, & les invasions des Sarrasins, forment une quatrieme époque pour le Commerce.

Il s’anéantit comme les autres Arts sous le joug de la barbarie : réduit presque partout à la circulation intérieure nécessaire dans un pays où il y a des hommes, il se refugia en Italie. Ce pays conserva une navigation, & fit seul le commerce de l’Europe.

Venise, Gènes, Florence, Pise, se disputerent l’empire de la mer, & la supériorité dans les manufactures. Elles firent long-tems en concurrence le commerce de la Morée, du Levant, de la mer Noire ; celui de l’Inde & de l’Arabie par Alexandrie. Les califes d’Egypte entreprirent en vain de détourner le commerce de cette derniere ville en faveur du Caire, ils ne firent que le gêner : elle rentra sous les Mammelus en possession de ses droits, & elle en joüit encore aujourd’hui.

L’Occident étoit toûjours tributaire des marchands Italiens ; chaque pays recevoit d’eux les étoffes même dont il leur fournissoit la matiere : mais ils perdirent une partie de ce commerce, pour n’avoir pas eu le courage de l’augmenter. Ils avoient conservé le système des Egyptiens & des Romains, de finir leurs voyages dans une même année. A mesure que leur navigation s’étendit dans le Nord, il leur fut impossible de revenir aussi souvent dans leurs ports ; ils firent de la Flandre l’entrepôt de leurs marchandises : elle devint par conséquent celui de toutes les matieres que les Italiens avoient coûtume d’enlever. Les foires de Flandre furent le magasin général du Nord, de l’Allemagne, de l’Angleterre, de la France. La nécessité établit entre ces pays une petite navigation qui s’accrut d’elle-même. Les Flamands, peuple nombreux & déjà riche par les productions naturelles de ses terres, entreprirent l’emploi des laines d’Angleterre, de leurs lins & de leurs chanvres, à l’exemple de l’Italie. Vers l’an 960 on y fabriqua des draps & des toiles. Les franchises que Baudouin le jeune comte de Flandre accorda à l’industrie, l’encouragerent au point que ces nouvelles manufactures donnerent l’exclusion à toutes