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quelquefois celui qui soit dans un contrat d’acquisition volontaire, soit dans une adjudication par decret, déclare qu’il achete pour lui ou pour un ami élu ou à élire, & qu’il nommera dans la suite. Ce même terme command signifie plus souvent celui qui a donné charge à un autre d’acquérir pour lui.

Cette maniere d’acquérir est fort commune en Anjou & au Maine. Les coûtumes de Péronne, Cambrai, & Artois, en parlent nommément ; & elle est permise dans toutes les autres coûtumes qui ne le prohibent pas expressément.

La déclaration de ce que l’on achete pour soi ou pour un autre, doit être faite dans le contrat même, si c’est une vente volontaire.

A l’égard des ventes par decret, comme l’adjudicataire n’est pas tenu de signer l’adjudication avec son procureur, on tient que s’il ne l’a pas signée, il peut en consignant dans les délais portés par les reglemens, c’est-à-dire dans la huitaine ou quinzaine au plus, faire sa déclaration de command, c’est-à-dire que l’adjudication est pour lui ou pour son ami élu ou à élire ; ce que la coûtume d’Auvergne appelle acheter pour soi ou pour son mieux : ce mieux signifie le droit que l’acquéreur se réserve de choisir un command ou ami pour acquéreur en sa place.

A l’égard du tems dans lequel l’acquéreur ou adjudicataire doit nommer le command, c’est-à-dire l’ami pour lequel il a fait l’acquisition, les coûtumes ne sont pas uniformes ; quelques-unes veulent que cette déclaration soit faite dans quarante jours, telle que Péronne, artic. 88. celle d’Amiens accorde un an, artic. 33. & 34. celle d’Artois ne fixe point le tems : dans celle de Cambrai il n’y a que quarante jours pour les fiefs, & un an pour les autres héritages : le délai de quarante jours paroît le plus convenable.

Il est indifférent que l’acquéreur ou adjudicataire ait consigné de ses deniers ou de ceux de son ami, pourvû qu’en consignant il ait fait la déclaration de command.

La nomination du command doit être faite pour le même prix, charges, clauses, & conditions ; autrement ce seroit une revente qui produiroit de nouveaux droits seigneuriaux.

Il faut aussi que lors de la nomination les choses soient entieres, c’est-à-dire que l’acquéreur n’ait pas fait acte de propriétaire en son nom, par exemple, qu’il ne se soit pas fait recevoir en foi & hommage, & payé les droits.

Si le command ou ami nommé n’ayant pas donné de pouvoir pour acquérir, refusoit d’accepter l’acquisition, le premier acquéreur demeureroit propriétaire, sans que pour cela il fût dû doubles droits. Voyez le tr. des fiefs de Guyot, tome III. ch. jv. sect. 3. & la pratique des terriers de M. de Freminville, tome I. p. 290. (A)

Commands, (grands, hauts, ou petits) Jurispr. sont les injonctions ou commandemens que les secrétaires & sergens font de l’ordonnance de justice & par son mandement, pour faire délivrer la possession. Il en est parlé au style de Liége, & en la coûtume de Namur art. 16. & dans les coûtumes des fiefs de ce comté. (A)

COMMANDANT, s. m. (Hist. mod. & Art milit.) Ce nom pris en général signifie un officier militaire qui a autorité sur une armée, un corps de troupes, & tant sur les officiers que sur les soldats.

En le restreignant à un sens plus particulier, il signifie dans les troupes de France un officier qui commande en chef à tout un bataillon. Chaque bataillon a un commandant, qui est ordinairement le plus ancien capitaine ou le capitaine des grenadiers de ce même bataillon. (Q)

COMMANDATAIRE ou COMMENDATAIRE, subst. masc. Cette derniere ortographe est plus ordinaire. On appelle de ce nom en Jurisprudence un ecclésiastique séculier qui est pourvû par le pape à titre de commende d’un bénéfice régulier, tel qu’une abbaye ou un prieuré, avec le droit de profiter des fruits du bénéfice tant qu’il en sera possesseur. La qualité de commendataire est opposée à celle de titulaire. Le bénéficier titulaire est celui qui est pourvû en titre du bénéfice ; le commendataire est celui qui en est pourvû en commende seulement. Il y a des abbés & des prieurs commendataires. A l’égard des évêchés & cures, on ne peut pas les conférer en commende.

Le concile d’Aix tenu en 1585, veut que les bénéficiers commendataires tiennent un milieu entre la vie des réguliers & celle des ecclésiastiques séculiers, tant dans leur vêtement que dans leur nourriture & leurs meubles : il veut qu’ils portent la tonsure plus grande que les séculiers ; qu’ils fassent attention que l’administration des biens des monasteres ne leur a pas été confiée pour vivre dans le luxe, dans la prodigalité, ni pour enrichir leurs familles ; mais pour en faire un pieux usage, comme d’un bien dont ils n’ont pas la propriété, & dont ils doivent rendre compte à Dieu. Biblioth. canon. au mot abbé.

Les abbés commendataires sont considérés dans l’Église comme constitués en dignité, & comme de vrais prélats ; ils prennent possession de leurs églises abbatiales, baisent l’autel, touchent les livres & ornemens, prennent séance au chœur en leur premiere place ; ils peuvent être juges délégués, & ont séance dans les conciles & autres assemblées. Dans les abbayes qui ont territoire & jurisdiction, ils exercent la jurisdiction spirituelle : ils joüissent des mêmes honneurs que les abbés titulaires, excepté qu’ils ne portent point la croix pectorale. Ils ont rang au-dessus de tous les prélats inférieurs, même titulaires ; & lorsqu’ils décedent, leur église est dite vacante.

Suivant la disposition de plusieurs conciles depuis le concile de Trente, les abbés commendataires sont tenus de se faire promouvoir à l’ordre de prêtrise dans l’an de leurs provisions, faute dequoi au bout de deux ans leurs bénéfices sont déclarés vacans & impétrables. Mais plusieurs obtiennent en cour de Rome des dispenses de non promovendo ; ces dispenses ne sont que pour un tems, mais elles se réiterent plusieurs fois.

Les abbés commendataires, quand même ils seroient cardinaux, n’ont point le droit de visite ni de correction sur les religieux de leur abbaye : ils peuvent néanmoins disposer des places monachales dans les monasteres qui ne sont pas en congrégation, à moins que les religieux ne justifient d’un usage & possession contraire ; & dans les monasteres même où les abbés commendataires ont cédé aux religieux le droit de nommer aux places monachales, ils peuvent obliger les supérieurs d’y mettre un certain nombre de religieux. Ils peuvent aussi nommer aux bénéfices dépendans de leur abbaye, & aux offices de justice, pourvû que la justice soit dans leur lot.

Il faut appliquer tout ce qui vient d’être dit des abbés aux prieurs commendataires, qui sont sujets aux mêmes regles, & joüissent des mêmes droits entant qu’ils peuvent appartenir à la qualité de prieur.

Les religieux ont leur mense conventuelle séparée de celle de l’abbé ou prieur commendataire : si leur part consiste en une pension, ils sont toûjours reçûs à demander un partage en nature.

Les commendataires ne peuvent, en faveur des religieux, diminuer les droits de leur bénéfice, au préjudice de leurs successeurs. Voyez le traité des ma-