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pour plus de symmétrie, des portes scintes opposées à celles d’enfilade, qui par cette affectation mettent les cheminées au milieu de la piece ; mais il en résulte un inconvénient, c’est qu’alors il ne reste plus de place raisonnable pour placer des siéges à cause de l’espace qu’occupe le lit ou l’estrade quand on en met une : je dis raisonnable, car il ne paroît pas vraissemblable de placer des siéges devant les ventaux d’une porte qui, quoiqu’elles soient feintes, semblent aux étrangers devoir s’ouvrir ; d’ailleurs leur hauteur en cache la proportion & interrompt l’ordonnance de la piece ; cependant c’est un défaut qu’il est difficile d’éviter. Aussi à l’hôtel de Soubise a-t-on, pour s’en éloigner, affecté seulement le dessus des portes ; mais comme ceux-ci, pour satisfaire à la largeur de ceux qui leur sont opposés, occupent beaucoup d’espace, il en résulte que la partie qui reste depuis le dessus de ce dessous de porte, jusqu’au dessus du lambris d’appui, est trop peu élevée par rapport à sa largeur, & fait un panneau de mauvaise forme ; défaut qui doit porter indispensablement à revêtir cette partie du côté opposé aux portes d’un compartiment qui n’ait rien de commun avec leur ordonnance, ou à souffrir peu de siéges dans ces sortes de pieces. Il est vrai que l’usage d’une chambre à coucher semble en exiger moins que toute autre, & qu’il n’y ait que le cas d’une maladie qui puisse attirer une compagnie un peu nombreuse dans une chambre à coucher ; mais il est de la décence qu’une telle piece en contienne un certain nombre.

La hauteur des chambres à coucher, ainsi que toutes celles d’un appartement un peu considérable, doit être tenue d’une certaine élevation : ordinairement l’on prend la longueur du plus grand côté, puis celle du petit, & la moitié de ces deux quantités la détermine, sur-tout lorsque l’on veut former les plafonds en calotte, à l’imitation des voûtes, d’où le mot de chambre dérive, étant fait du latin carmera, voûte surbaissée, qui vient de carmurus, courbé ou cambré. Ces voûtes avec les corniches peuvent avoir environ le tiers de la hauteur de la piece, & étoient anciennement presque toutes ornées d’architecture, de peinture & sculpture, aujourd’hui la sculpture y préside ; cependant on ne peut disconvenir que la plûpart de ces beaux plafonds qu’on voit au château des Tuileries, à Versailles, à Meudon, à Vincennes & ailleurs, n’ayent des beautés réelles, quoiqu’un peu pesantes pour la plûpart, & ne soient préférables aux ornemens trop legers & sans liaison qu’on affecte sur-tout dans toutes les décorations intérieures. Presque tous les artistes conviennent de ce que j’avance ; nos Architectes même admirent, disent-ils, ces beaux ouvrages du siecle passé, singulierement celui de la galerie du Louvre ; mais tous se laissent entraîner par le torrent, ou se laissent subjuguer par les Sculpteurs. Il n’y a pas jusque dans nos temples où l’on n’ait travesti les décorations, autrefois nobles, simples & majestueuses, tel que le Val-de-grace, les Invalides, la Sorbonne, & autres lieux sacrés, en des compositions remplies d’ornemens bisarres, chimériques & mal entendus, tels qu’il s’en voit à S. Sulpice, & dans presque toutes nos églises modernes.

Les observations que nous venons de faire ne regardent que la décoration ; sans doute cette partie est très-intéressante dans l’Architecture ; mais toute essentielle qu’elle paroisse, elle est dans le cas dont il s’agit ici, insuffisante sans la commodité. Les pieces de maître les mieux décorées sont imparfaites si elles ne sont accompagnées de celles destinées pour leur commodité personelle, & de celles capables de leur procurer le service des domestiques, je veux

dire des garderobes, des lieux à soûpape, & enfin des dégagemens assortis à la grandeur du bâtiment, à l’usage des pieces, à l’état & à la différence des deux sexes, qui selon leur âge demandent plus ou moins abondamment de ces garderobes pratiquées, éclairées, & dégagées convenablement ; ce qui prouve l’expérience, l’intelligence, & la ressource du génie de l’Architecte.

Les chambres à alcoves different des précédentes en ce qu’elles exigent moins de décorations, de symmétrie, & de dépense ; mais leur lit doit toûjours se présenter en face des croisées, & l’intérieur de l’alcove être tapissé, à moins que ce ne soit des chambres de peu d’importance, qui ne tiennent point à de grands appartemens. Ces alcoves sont pratiqués par des cloisons de menuiserie, dans l’intention de resserrer l’espace du lit, le rendre moins grand, & par conséquent lui procurer plus de chaleur par le secours des rideaux qui ferment l’ouverture de cet alcove. Les alcoves étoient anciennement fort en usage, & il y a toute apparence qu’ils ont été imaginés pour corriger la profondeur des pieces, qui dans une chambre à coucher doit être moyenne, & pour pratiquer aux deux côtés de son ouverture des garderobes ou cabinets, lorsque les pieces voisines n’en pourroient contenir d’utiles à la chambre à coucher.

Les chambres en niche portent ce nom, parce que leur lit est niché dans un espace qui ne contient que sa grandeur ; alors il est enfermé de trois côtés, & n’a de libre que le devant. Pour la symmétrie, on y affecte deux chevets, & l’on pratique aux deux côtés de cette niche des garderobes, des cabinets, ou des dégagemens. Ces sortes de chambres sont fort d’usage à la campagne ou à la ville dans de petits appartemens d’hyver, leur lit ne tenant pas grande place, & pouvant être placé à côté & non vis-à-vis des croisées indistinctement. Elles sont encore fort commodes en ce qu’elles n’exigent pas de grande hauteur de planchers ; ce qui les fait placer volontiers dessous ou dans les entresolles.

Les chambres en galetas n’exigent aucune décoration, étant souvent destinées pour les domestiques ou pour les officiers de la maison, qui alors y pratiquent des alcoves, des niches, &c. (P)

* Il y a peu de termes dans la langue qui ait autant d’acceptions figurées que le mot chambre. On a transporté ce mot des endroits appellés chambres, où des personnes s’assembloient pour différentes affaires, aux personnes même assemblées ; & de l’espace renfermé par des murs, & percé d’une porte & de fenêtres qui forment la chambre prise au simple, on l’a appliqué à tout autre espace qui a dans les Arts quelque analogie, soit avec les usages de cette partie d’un appartement, soit avec sa figure.

Chambre, en matiere de Justice & de Police, s’entend ordinairement du lieu où se tiennent certaines jurisdictions ou assemblées pour le fait de la justice ou police. Quelquefois le mot chambre se prend pour la compagnie même qui s’assemble dans la chambre. Il y a plusieurs jurisdictions & assemblées auxquelles le titre de chambre est commun, & qui ne sont distinguées les unes des autres que par un second titre qui leur est propre à chacune. On va les indiquer toutes ici, renvoyant néanmoins sous les autres lettres l’explication des jurisdictions dont le nom peut être séparé du mot chambre, ou qui se trouvent liées avec quelque autre matiere.

Chambre des aliénations faites par les gens de main-morte, étoit une commission souveraine établie par lettres patentes du 4 Novembre 1659, registrées en cette chambre le 24 du même mois, pour connoître des aliénations faites par les gens de mainmorte, & pour la recherche, taxe, & liquidation