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influences célestes sur les tems, les mois, les jours, les signes du zodiaque, & de la futurition des évenemens, selon laquelle les actions de la vie doivent être dirigées. Voici ses principes.

1. La chaleur est le principe de toute action & de toute conservation ; elle naît d’un mouvement produit par le soleil voisin, & par la lumiere éclatante : le froid est cause de tout repos & de toute destruction ; c’est une suite de la grande distance du soleil, de l’éloignement de la lumiere, & de la présence des ténebres.

2. La chaleur regne sur le printems & sur l’été ; l’automne & l’hyver sont soûmis au froid.

3. Le zodiaque est divisé en huit parties ; quatre appartiennent à la chaleur, & quatre au froid.

4. L’influence des causes efficientes universelles se calcule en commençant au point cardinal ou kua, appellé chin ; il est oriental ; c’est le premier jour du printems, ou le cinq ou six de Février.

5. Toutes choses ne sont qu’une seule & même substance.

6. Il y a deux matieres principales ; le chaos infini ou li ; l’air ou tai-kie, émanation premiere de li : cette émanation contient en soi l’essence de la matiere premiere, qui entre conséquemment dans toutes ses productions.

7. Après la formation du ciel & de la terre, entre l’un & l’autre se trouva l’émanation premiere ou l’air, matiere la plus voisine de toutes les choses corruptibles.

8. Ainsi tout est sorti d’une seule & même essence, substance, nature, par la condensation, principe des figures corporelles, par les modifications variées selon les qualités du ciel, du soleil, de la lune, des étoiles, des planetes, des élémens, de la terre, de l’instant, du lieu, & par le concours de toutes ces qualités.

9. Ces qualités sont donc la forme & le principe des opérations intérieures & extérieures des corps composés.

10. La génération est un écoulement de l’air primitif ou du chaos modifié sous des figures, & doüé de qualités plus ou moins pures ; qualités & figures combinées selon le concours du soleil, & des autres causes universelles & particulieres.

11. La corruption est la destruction de la figure extérieure, & la séparation des qualités, des humeurs, & des esprits unis dans l’air : les parties d’air desunies, les plus legeres, les plus chaudes, & les plus pures, montent ; les plus pesantes, les plus froides, & les plus grossieres, descendent : les premieres s’appellent xin & hoen, esprits purs, ames séparées ; les secondes s’appellent kuei, esprits impurs, ou les cadavres.

12. Les choses different & par la forme extérieure, & par les qualités internes.

13. Il y a quatre qualités : le ching, droit, pur, & constant ; le pien, courbe, impur & variable ; le tung, pénétrant, & subtil ; le se, épais, obscur, & impénétrable. Les deux premieres sont bonnes & admises dans l’homme ; les deux autres sont mauvaises, & reléguées dans la brute & les inanimés.

14. Des bonnes qualités naît la distinction du parfait & de l’imparfait, du pur & de l’impur dans les choses : celui qui a reçû les premiers de ces modes, est un héros ou un lettré ; la raison le commande ; il laisse loin de lui la multitude : celui qui a reçû les secondes, est obscur & cruel ; sa vie est mauvaise ; c’est une bête sous une figure humaine : celui qui participe des unes & des autres, tient le milieu ; c’est un bon homme, sage & prudent ; il est du nombre des hien-lin.

15. Taie-kie, ou la substance universelle, se divise en lieu & vû est la substance figurée, corpo-

relle, matérielle, étendue, solide, & résistante ;

lieu est la substance moins corporelle, mais sans figure déterminée, comme l’air ; on l’appelle vu, kung-hieu, vu-kung, néant, vuide.

16. Le néant ou vuide, ou la substance sans qualité & sans accident, tai vu, tai kung, est la plus pure, la plus subtile, & la plus simple.

17. Cependant elle ne peut subsister par elle-même, mais seulement par l’air primitif ; elle entre dans tout composé ; elle est très-aérienne ; on l’appelle ki : il ne faut pas la confondre avec la nature immatérielle & intellectuelle.

18. De li pur, ou du chaos ou séminaire universel des choses, sortent cinq vertus ; la piété, la justice, la religion, la prudence, & la fidélité avec tous ses attributs : de li revêtu de qualités, & combiné avec l’air primitif, naissent cinq élémens physiques & moraux, dont la source est commune.

19. Li est donc l’essence de tout, ou, selon l’expression de Confucius, la raison premiere ou la substance universelle.

20. Li produit tout par ki ou son air primitif ; cet air est son instrument & son régulateur général.

21. Après un certain nombre d’ans & de révolutions, le monde finira ; tout retournera à sa source premiere, à son principe ; il ne restera que li & ki ; & li reproduira un nouveau monde ; & ainsi de suite à l’infini.

22. Il y a des esprits ; c’est une vérité démontrée par l’ordre constant de la terre & des cieux, & la continuation reglée & non interrompue de leurs opérations.

23. Les choses ont donc un auteur, un principe invisible qui les conduit ; c’est chu, le maître ; xin-kuei, l’esprit qui va & revient ; ti-kium, le prince ou le souverain.

24. Autre preuve des esprits ; ce sont les bienfaits répandus sur les hommes, amenés par cette voie au culte & aux sacrifices.

25. Nos peres ont offert quatre sortes de sacrifices ; lui, au ciel & à xanghti son esprit ; in, aux esprits des six causes universelles, dans les quatre tems de l’année, savoir, le froid, le chaud, le soleil, la lune, les étoiles, les pluies, & la sécheresse ; vuang, aux esprits des montagnes & des fleuves ; pien, aux esprits inférieurs, & aux hommes qui ont bien mérité de la république.

D’où il suit 1° que les esprits des Chinois ne sont qu’une seule & même substance avec la chose à laquelle ils sont unis : 2° qu’ils n’ont tous qu’un principe, le chaos primitif ; ce qu’il faut entendre du tien-Chu, notre Dieu, & du xanghti, le ciel ou l’esprit céleste : 3° que les esprits finiront avec le monde, & retourneront à la source commune de toutes choses : 4° que relativement à leur substance primitive, les esprits sont tous également parfaits, & qu’ils ne sont distingués que par les parties plus grandes ou plus petites de leur résidence : 5° qu’ils sont tous sans vie, sans intelligence, sans liberté : 6° qu’ils reçoivent des sacrifices seulement selon la condition de leurs opérations & des lieux qu’ils habitent : 7° que ce sont des portions de la substance universelle, qui ne peuvent être séparées des êtres où on les suppose, sans la destruction de ces êtres.

26. Il y a des esprits de génération & de corruption qu’on peut appeller esprits physiques, parce qu’ils sont causes des effets physiques ; & il y a des esprits de sacrifices qui sont ou bien ou malfaisans à l’homme, & qu’on peut appeller politiques.

27. La vie de l’homme consiste dans l’union convenable des parties de l’homme, qu’on peut appeller l’entité du ciel & de la terre : l’entité du ciel est un air très-pur, très-leger, de nature ignée, qui constitue l’hoen, l’ame ou l’esprit des animaux : l’entité