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vient le chemier, étant chargé de porter la foi pour tout le fief.

Le chemier ou aîné a les qualités du fief & la garde des titres ; il reçoit les hommages de la succession indivise, tant pour lui que pour ses puînés ; l’exhibition qui lui est faite suffit pour tous, & sa quittance libere l’acquéreur envers tous les parageurs.

Il fait aussi la foi & hommage tant pour lui que pour ses puînés ou parageurs, & les en garantit envers le seigneur ; & lorsqu’il fait la foi, il doit nommer dans l’acte ses puînés.

Tant que le parage dure, les puînés ne doivent aucun hommage à leur chemier ou ainé, si ce n’est en Bretagne, suivant l’article cccxxxvj. qui veut que le puîné fasse la foi à l’aîné, fors la sœur de l’aîné qui n’en doit point pendant sa vie, mais ses hoirs en doivent.

Si l’aîné renonce, le puîné devient chemier, & fait hommage pour tous.

Il n’y a point de chemier entre puînés auxquels un fief entier seroit échu en partage, à moins que ce ne soit par convention.

Tant que le parage dure, les puînés possedent aussi noblement que le chemier.

Après le partage, l’aîné cesse d’être chemier des fiefs séparés donnés aux puînés.

Mais l’aîné qui donne une portion de son fief à ses puînés, demeure toûjours chemier & chef d’hommage, quand même il lui resteroit moins du tiers du fief.

On peut convenir entre co-héritiers que l’aîné ne sera pas chemier, & reconnoître pour chemier un puîné.

En Poitou, l’acquéreur du chemier a droit de recevoir la foi & hommage des parageurs ; mais cela n’a pas lieu dans les autres coûtumes, en ce cas le parage y finit.

En chaque partage & subdivision, il y a un chemier particulier.

Le mari & ses héritiers sont chemiers, & sont la foi pour la totalité des fiefs acquis pendant la communauté.

Le chemier n’est point tenu des charges personnelles du fief plus que ses co-héritiers.

Les parageurs ont chacun dans leurs portions le même droit de justice que le puîné a dans la sienne.

Il n’a aucune jurisdiction sur ses parageurs & part-prenans pendant le parage, si ce n’est en cas de défaut de payement des devoirs du fief de la part des parageurs, ou d’aveu non-fourni, ou quand un parageur vend sa portion.

Quand le chemier acquiert la portion de ses parageurs ou part-prenans, même avant partage, il n’en doit point de ventes au seigneur suzerain ; & lorsque le parageur vend sa portion, le chemier en a seul les ventes Voyez les commentateurs de la coûtume de Poitou & de Saint-Jean-d’Angely, & la dissertation de M. Guyot sur le parage. (A)

CHEMILLE, (Géog.) petite ville de France en Anjou, sur la riviere d’Irome.

* CHEMIN, ROUTE, VOIE, (Gram. Synon.) termes relatifs à l’action de voyager. Voie se dit de la maniere dont on voyage : aller par la voie d’eau ou par la voie de terre. Route, de tous les lieux par lesquels il faut passer pour arriver d’un endroit dans un autre dont on est fort éloigné. On va de Paris à Lyon ou par la route de Bourgogne, ou par la route de Nivernois. Chemin, de l’espace même de terre sur lequel on marche pour faire sa route : les chemins sont gâtés par les pluies. Si vous allez en Champagne par la voie de terre, votre route ne sera pas longue, & vous aurez un beau chemin. Chemin & voie s’employent encore au figuré : on dit faire son chemin dans le monde, & suivre des voies obliques, & verser sur la route : on dit le chemin & la voie du Ciel, & non la

route, peut-être parce que l’idée de battu & de fréquenté sont du nombre de celles que route offre à l’esprit. Route & chemin se prennent encore d’une maniere abstraite, & sans aucun rapport qu’à l’idée de voyage : Il est en route, il est en chemin ; deux façons de parler qui désignent la même action, rapportée dans l’une à la distance des lieux par lesquels il faut passer, & dans l’autre au terrein même sur lequel il faut marcher.

Il est à présumer qu’il y eut des grands chemins, aussi-tôt que les hommes furent rassemblés en assez grand nombre sur la surface de la terre, pour se distribuer en différentes sociétés séparées par des distances. Il y eut aussi vraissemblablement quelques regles de police sur leur entretien, dès ces premiers tems ; mais il ne nous en reste aucun vestige. Cet objet ne commence à nous paroître traité comme étant de quelque conséquence, que pendant les beaux jours de la Grece ; le Senat d’Athenes y veilloit ; Lacédémone, Thebes & d’autres états en avoient confié le soin aux hommes les plus importans ; ils étoient aidés dans cette inspection par des officiers subalternes. Il ne paroît cependant pas que cette ostentation de police eût produit de grands effets en Grece. S’il est vrai que les routes ne fussent pas même alors pavées, de bonnes pierres bien dures & bien assises auroient mieux valu que tous les dieux tutélaires qu’on y plaçoit ; ou plûtôt ce sont-là vraiment les dieux tutélaires des grands chemins. Il étoit réservé à un peuple commerçant de sentir l’avantage de la facilité des voyages & des transports ; aussi attribue-t-on le paver des premieres voies aux Carthaginois. Les Romains ne négligerent pas cet exemple ; & cette partie de leurs travaux n’est pas une des moins glorieuses pour ce peuple, & ne sera pas une des moins durables. Le premier chemin qu’ils ayent construit, passe pour le plus beau qu’ils ayent eu. C’est la voie appienne, ainsi appellée d’Appius Claudius. Deux chariots pouvoient aisément y passer de front ; la pierre apportée de carrieres fort éloignées, fut débitée en pavés de trois, quatre & cinq piés de surface. Ces pavés furent assemblés aussi exactement que les pierres qui forment les murs de nos maisons : le chemin alloit de Rome à Capoue ; le pays au-delà n’appartenoit pas encore aux Romains. La voie aurélienne est la plus ancienne après celle d’Appius ; Caius Aurelius Cotta la fit construire l’an 512 de Rome : elle commençoit à la porte Aurélienne, & s’étendoit le long de la mer Tyrrhene jusqu’au forum aurelii. La voie flaminienne est la 3e dont il soit fait mention : on croit qu’elle fut commencée par C. Flaminius tué dans la seconde guerre Punique, & continuée par son fils : elle conduisoit jusqu’à Rimini. Le peuple & le senat prit tant de goût pour ces travaux, que sous Jules César les principales villes de l’Italie communiquoient toutes avec la capitale par des chemins pavés. Ces routes commencerent même dès-lors à s’étendre dans les provinces conquises. Pendant la derniere guerre d’Afrique, on construisit un chemin de cailloux taillés en quarré, de l’Espagne, dans la Gaule, jusqu’aux Alpes. Domitius Œnobarbus pava la voie Domitia qui conduisoit dans la Savoie, le Dauphine & la Provence. Les Romains firent en A’lemagne une autre voie Domitienne, moins ancienne que la précédente. Auguste maître de l’empire, regarda les ouvrages des grands chemins d’un œil plus attentif qu’il ne l’avoit fait pendant son consulat. Il fit percer des grands chemins dans les Alpes ; son dessein étoit de les continuer jusqu’aux extrémités orientales & occidentales de l’Europe. Il en ordonna une infinité d’autres dans l’Espagne ; il fit élargir & continuer celui de Medina jusqu’à Gades. Dans le même tems & par les mêmes montagnes, on ouvrit deux chemins vers Lyon, l’un traversa la Tarentaise, & l’autre fut pratiqué dans