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Les expériences de M. du Fay sont celles qui ont été le plus directement dirigées à la solution du problème ; elles lui ont découvert un sel dont il n’a pas déterminé la nature, & que nous savons à présent, par des expériences de M. Duhamel, n’avoir dû être autre chose qu’un peu de sel marin à base terreuse, qui se trouve dans la plûpart des chaux, ou un peu de ce sel nitreux proposé par M. Naudot. Acad. royale des Scien. mem. des sav. étrang. t. II. Ce sont sans doute ces sels qui ont fourni à M. Stahl son résidu crystallisé de l’eau de chaux ; mais il est clair que cette matiere saline est absolument étrangere à la chaux, ou purement accidentelle, ensorte qu’aucune autre expérience n’étant favorable à l’opinion qui suppose un alkali fixe dans la chaux, il est clair que le sel de chaux n’existe point, ou qu’il n’est autre chose que ce mixte terre-aqueux suspendu dans l’eau de chaux, que nous avons admis avec Stahl.

Quant aux sels acides admis dans la chaux par plusieurs Chimistes, & tout récemment même par M. Pott, cont. de sa Lithogeognosie, p. 215. ne peut-on pas très-raisonnablement soupçonner que c’est une portion de l’acide de ces sels neutres dont nous avons parlé, que ces auteurs ont dégagé par quelque manœuvre particuliere ; & qu’ainsi leurs découvertes concourent exactement à établir le sentiment que nous venons d’embrasser sur le sel de chaux.

Nous n’entrerons point ici dans la discussion des prétentions d’un grand nombre de Chimistes, qui, comme Vanhelmont & Kunckel, n’ont supposé divers sels dans la chaux que pour en déduire plus commodément la théorie de ses principaux phénomenes : ces suppositions, qui ne doivent leur naissance qu’au besoin que ces auteurs croyent en avoir, sont comptées pour si peu dans la méthode moderne, qu’elles ne sont pas même censées mériter le moindre examen, & qu’elles tombent de plein droit, par la seule circonstance d’avoir devancé les faits.

Lorsqu’on laisse le lait de chaux s’éclaircir par le repos, il se forme après un certain tems à la surface de la liqueur une pellicule crystalline, blanche, & demi-opaque, qui se reproduit un grand nombre de fois, si après l’avoir enlevée on a soin de mêler de nouveau la liqueur éclaircie avec sa résidence ; car sans cette manœuvre, l’eau de chaux est bientôt épuisée, par la formation successive de quelques pellicules, de la matiere propre à en produire de nouvelles ; ces pellicules portent le nom de creme de chaux.

Creme de chaux. La vraie composition de la creme de chaux étoit fort peu connue des Chimistes, lorsque M. Malouin curieux de connoître la nature du sel de chaux, s’est attaché à l’examen de la creme dont il s’agit, qu’il a crû être le vrai sel de chaux, cet être qui se refusoit depuis si long-tems aux recherches de tant d’habiles Chimistes. M. Malouin a apperçu dans la creme de chaux quelques indices d’acide vitriolique ; il a fait du tartre vitriolé & du sel de Glauber en précipitant la creme de chaux par l’un & l’autre sel alkali fixe, & du soufre artificiel en traitant cette creme avec des substances phlogistiques ; il a donc pû conclure légitimement de ces moyens qui sont très chimiques, que la creme de chaux étoit un vrai sel neutre de la nature de la sélénite.

Il nous resteroit pourtant à savoir, pour avoir une connoissance complete sur cette matiere, en quelle proportion les deux ingrédiens de la creme de chaux concourent à sa formation, ou du moins sont annoncés par les expériences ; car l’absolu ne suffit pas ici, & il est telle quantité de tartre vitriolé, de sel de Glauber, ou de soufre artificiel, qui ne prouveroit rien en faveur de l’acide vitriolique soupçonné dans la creme de chaux.

Mais cet acide vitriolique, s’il existe dans la creme de chaux, d’où tire-t-il son origine ? préexistoit-il

dans la pierre-à-chaux ? est-il dû au bois ou au charbon employés à la préparation de la chaux, comme l’a soupçonné M. Geoffroi, ou cet acide s’est-il formé dans l’eau de chaux même ? est-il dû à la mixtion saline réellement subie par les parties terreuses les plus subtiles de la terre calcaire, & peut-être d’une terre plus simple mêlée en très-petite quantité parmi celle-ci, comme de fortes analogies en établissent au moins la possibilité ? C’est un probleme bien digne de la sagacité des vrais Chimistes. Au reste ce sel sélénitique ne pourroit jamais être regardé comme le sel de chaux sur lequel les Chimistes ont tant disputé : ce sont les propriétés salines de la chaux qui les ont portés à soupçonner un vrai sel dans cette matiere, comme nous l’avons déjà remarqué : or la sélénite peut à peine être regardée comme un sel, & elle n’a assûrément aucune des propriétés salines de la chaux.

Effervescence avec chaleur de la chaux & de l’eau. L’effervescence qui s’excite par l’action réciproque de la chaux & de l’eau, & plus encore la chaleur dont cette effervescence est accompagnée, exercent depuis long-tems la sagacité des Chimistes. La théorie générale de l’effervescence, prise simplement pour le gonflement & le bouillonnement de la masse qui la subit, s’applique cependant d’une façon assez naturelle à ce phénomene considéré dans la chaux, voyez Effervescence ; mais il s’en faut bien que la production de la chaleur qui l’accompagne puisse être expliquée d’une maniere aussi simple.

La théorie chimique de la chaleur des effervescences nous manque absolument, depuis que notre maniere de philosopher ne nous permet pas de nous contenter des explications purement ingénieuses, telles que celles de Sylvius de Leboë, de Willis, & de toute l’école chimique du dernier siecle, que M. Lemery le pere a répandue chez nous, & qui est encore parmi les Physiciens l’hypothese dominante. Ces Chimistes prétendoient rendre raison de ce phénomene singulier par le dégagement des particules du feu enfermées dans les pores de l’un des deux corps, qui s’unissent avec effervescence comme dans autant de petites prisons. Cette théorie convenoit à l’effervescence de la chaux d’une façon toute particuliere ; & l’on pourroit croire même que c’est de l’explication de ce phénomene particulier, déduite depuis long-tems de ce méchanisme (Voy. Vitruve, liv. II. c. v.), que les Chimistes ont emprunté leur théorie générale de la chaleur des effervescences. Rien ne paroît si simple en effet que de concevoir comment la calcination a pû former dans la chaux ces pores nombreux dont on la suppose criblée, & les remplir de particules de feu ; & comment l’eau entrant avec rapidité dans cette terre seche, ouverte, & avide de la recevoir, dégage ces particules de feu de leur prison, &c. Quelques Chimistes, comme M. Homberg, ont ensuite appellé au secours de ce méchanisme le frottement causé dans toutes les parties de la chaux, par le mouvement impétueux avec lequel l’eau se porte dans ses pores, &c. mais cette cause, peut-être très-réelle, & qui est la seule que la Chimie raisonnée moderne ait retenu, n’est pas plus évidente ou plus prouvée que la premiere, entierement abandonnée aujourd’hui. Voyez Effervescence.

Chaux éteinte. La chaux perd par son union à l’eau quelques-unes de ses propriétés chimiques, ou du moins elle ne les possede dans cet état qu’en un moindre degré d’efficacité ; c’est-à-dire proprement, que la chaux a plus d’affinité avec l’eau, qu’avec quelques-unes des autres substances auxquelles elle est miscible ; ou du moins que son union à l’eau châtre beaucoup son activité.

Ce principe vif & pénétrant qui s’éleve de la