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dra que Paris fasse voiturer à Roüen l’excédent en especes. Mais en attendant, il est clair que dans le payement des dettes réciproques, Roüen aura acquitté 1000 liv. de dettes avec 996 liv. & que Paris n’a pû acquitter 1000 liv. qu’avec 1004 liv.

Si le change subsiste long-tems sur ce pié entre ces deux villes, il sera évident que Paris doit à Rouen, plus que Rouen ne doit à Paris.

D’où l’on peut conclure que la propriété du cours du prix du change, est d’indiquer de quel côté panche la balance du commerce.

L’on a déjà vû que le pair du prix du change est la compensation des monnoies de deux pays : cette compensation s’éloigne souvent de son égalité, ainsi elle est momentanée ; son cours indique de quel côté panche la balance du commerce, ainsi le prix du change est une compensation momentanée des monnoies de deux pays en raison des dettes réciproques.

La nature des accidens du commerce qui alterent l’égalité de la compensation des monnoies, ou le pair du prix du change, étant de varier sans cesse, le cours du prix du change doit varier avec ces accidens.

L’instabilité de ce cours a deux effets : l’un de rendre indécise d’un jour à l’autre la quantité de monnoie qu’un état donnera en compensation de telle quantité de monnoie d’un autre état : le second effet de l’instabilité de ce cours, est un commerce d’argent par le moyen des représentations d’especes, ou des lettres de change.

De ce que la quantité de monnoie qu’un état donnera en compensation d’une telle quantité de monnoie d’un autre état, est indécise d’une semaine à l’autre. il s’ensuit qu’entre ces deux états, l’un propose un prix certain, & l’autre un prix incertain ; parce que tout rapport suppose une unité qui soit la mesure commune des deux termes de ce rapport, & qui serve à l’évaluer.

Supposons que Londres donne aujourd’hui 30 d. sterling pour un écu à Paris, il est certain que Paris donnera toûjours un écu à Londres, quel que soit le cours du prix du change les jours suivans ; mais il est incertain que Londres continue de donner 30 d. sterling pour la valeur d’un écu : c’est ce qu’en termes de change on appelle donner le certain ou l’incertain.

Si les quantités étoient certaines de part & d’autre, il n’y auroit point de variation dans le pair du prix du change, & par conséquent point de cours.

Cette différence, qui ne tombe que sur l’énoncé du prix du change, s’est introduite dans chaque pays, selon la diversité des monnoies de compte : elle fixe une quantité dont l’évaluation servira de second terme pour évaluer une autre quantité de même espece que la premiere.

Si, par exemple, un écu vaut 30 den. sterling, combien cent écus vaudront-ils de ces deniers, que l’on réduit ensuite en livres ? Ainsi entre deux places, l’une doit toûjours proposer une quantité certaine de sa monnoie, pour une quantité incertaine que lui donnera l’autre.

Mais tandis qu’une place donne le certain à une autre, elle donne quelquefois l’incertain à une troisieme. Paris donne à Londres le certain, c’est-à-dire un écu, pour avoir de à 33 den. sterling : mais Paris reçoit de Cadix une piastre, pour une quantité incertaine de sous depuis 75 à 80 par piastres, suivant que les accidens du commerce le déterminent.

Le second effet de l’instabilité du cours dans le prix du change, est un commerce d’argent par le moyen des représentations d’especes ou des lettres de change.

Le négociant ou le banquier veille sans cesse aux changemens qui surviennent dans le cours du prix du change, entre les diverses places qui ont une correspondance mutuelle : il compare ces changemens entre eux, & ce qui en résulte ; il en recherche les causes, pour en prévoir les suites : le fruit de cet examen est de faire passer ses créances sur une ville, dans celle qui les payera le plus cher. Mais cet objet seul ne remplit pas les vûes du négociant qui fait ce commerce : avant de vendre ses créances dans un endroit, il doit prévoir le profit ou la perte qu’il y aura à retirer ses fonds de cet endroit : si le cours du prix du change n’y est pas avantageux avec le lieu de sa résidence, il cherchera des routes écartées, mais plus lucratives ; & ce ne sera qu’après différens circuits que la rentrée de son argent terminera l’opération. La science de ce commerce consiste donc à saisir toutes les inégalités favorables que présentent les prix du change entre deux villes, & entre ces deux villes & les autres : car si cinq places de commerce s’éloignent entre elles du pair du prix du change dans la même proportion, il n’y aura aucune opération lucrative à faire entre elles ; l’intérêt de l’argent, & les frais de commission, tourneroient en pure perte. Cette égalité réciproque entre le cours du prix du change, de plusieurs places, s’appelle le pair politique.

Si nous convenons de cette parité,

a = b
b = c
c = a
il est constant que a, b, & c, étant des quantités égales, il n’y aura aucun bénéfice à les échanger l’une contre l’autre ; ce qui répond au pair réel du prix du change. Supposons à présent
a = b
b = c
c = a + d,
la parité sera rompue ; il faudra échanger b contre c, qui lui donnera a + d : or nous avons supposé a = b, ainsi le profit de cet échange sera d. Cette différence répond aux inégalités du cours du prix du change entre deux ou plusieurs places. La parité sera rétablie si ces quantités augmentent entre elles également :
a + d = b + d
b + d = c + d
c + d = a + d ;
cette parité répond au pair politique du prix du change, ou à l’égalité de son cours entre plusieurs places.
La parité sera de nouveau altérée, si
a + d = b + d
b + d = c + d
c + d = a + d + f :
dans ce cas l’échange devra se faire comme on vient de le voir ; & le profit de b + d sera f. Si (tout le reste égal) a + df = c + d, & que l’on échange ces deux quantités l’une contre l’autre, il est clair que le propriétaire de c + d recevra de moins la quantité f : ainsi pour eviter cette perte, il échangera c + d contre b + d, qui est égal à la quantité a + d.

Il est évident que l’opération du change consiste à échanger des quantités l’une contre l’autre ; que celui qui est forcé d’échanger une quantité contre une autre quantité moindre que la sienne, en cherche une troisieme qui soit égale à la sienne, & qui soit réputée égale à celle qu’il est forcé d’échanger, afin de s’épargner une perte ; que celui qui fait le commerce du change, s’occupe à échanger de moindres quantités contre de plus grandes : par conséquent son profit est l’excédent de la quantité que divers