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tions de censeur. On ne sait pas bien positivement si après cette démission de Duval, les lettres patentes qui avoient été données singulierement en sa faveur, furent supprimées ou non : mais il paroît par différens decrets des années 1628, 1631 & 1642, que la faculté recommença, comme par le passé, à charger des docteurs de l’examen des livres, & qu’elle prit les précautions les plus sages pour empêcher les approbations inconsidérées. Son honneur & ses intérêts le demandoient : cependant tous ses soins furent inutiles ; il s’éleva dans l’Eglise des disputes sur la grace, qui donnerent naissance à une prodigieuse quantité d’écrits de part & d’autre : chacune des deux partis fit approuver ses livres par les docteurs qui lui étoient favorables, & ces docteurs donnerent leurs approbations sans avoir été commis par la faculté. Ces irrégularités durerent jusqu’en 1653. Pour y mettre fin, M. le chancelier Seguier se détermina à ôter encore une fois à la faculté le droit d’approuver les livres ; il créa quatre nouveaux censeurs, mais sans lettres patentes, & sans autre titre que la seule volonté du roi, avec chacun 600 livres de pension. Depuis ce tems, le nombre des censeurs a été considérablement augmenté ; il y en a pour les différentes matieres que l’on peut traiter : le droit de les nommer appartient à M. le chancelier, à qui ils rendent compte des livres dont il leur confie l’examen, & sur leur approbation est accordé le privilége de les imprimer. Il arrive quelquefois que le grand nombre de livres qu’ils sont chargés d’examiner, ou d’autres raisons, les mettent dans la desagréable nécessité de réduire les auteurs ou les libraires qui attendent leur jugement, à l’état de ces pauvres ames errantes sur les bords du Styx, qui prioient longtems Caron de les passer.

Stabant orantes primi transmittere cursum,
Tendebantque manus ripæ ulterioris amore.
Navita sed tristis nunc hos nunc accipit illos :
Ast alios longe summotos arcet arena.

CENSIER, s. m. (Jurisprud.) se dit d’un seigneur qui a droit de cens sur les héritages tenus en roture dans l’étendue de sa seigneurie. Voyez Cens, Censitaire, Censive

Censier, est aussi quelquefois synonyme à censitaire ; ainsi on dit en ce sens, il est le censier d’un tel seigneur. (H)

CENSITAIRE, s. m. (Jurisprud.) est un vassal qui possede en roture un ou plusieurs héritages dans l’étendue de la censive d’un seigneur, à la charge du cens. Voyez Cens.

Dans les commencemens de l’établissement des censives, il n’étoit pas permis au censitaire de vendre l’héritage qui lui avoit été baillé à cens, sans avoir le consentement du seigneur ; & pour avoir son consentement, on lui payoit une certaine somme : ce qui a depuis passé en droit commun. Il est aujourd’hui permis au censitaire de vendre l’héritage chargé de cens, en payant au seigneur un droit qui est reglé par les coûtumes, & qu’on appelle communément lods & ventes. Voyez Lods & Ventes. (H)

CENSITE, s. f. (Jurisprud.) terme de droit coûtumier peu usité, synonyme à censitaire. Colombet a donné un traité des personnes de main-morte, censites & taillables, qu’il a intitulé, Colonia Celtica Lucrosa. (H)

CENSIVE, s. f. (Jurisprud.) est l’étendue du fief d’un seigneur censier, c’est-à-dire, à qui il est dû un cens ou redevance fonciere par les propriétaires qui possedent des terres dans l’étendue de son fief. C’est aussi le droit même de percevoir le cens.

L’origine des censives est aussi ancienne que celle des fiefs. Les seigneurs qui avoient une trop grande étendue de domaine, en donnoient une partie en fief,

à la charge du service militaire ; & une autre partie à cens, avec amende faute de payer le cens au jour de l’échéance. Voyez Cens. (H)

CENSURE, s. f. (Droit canoniq.) se prend ordinairement pour un jugement, par lequel on condamne quelque livre, quelque personne ; & plus particulierement pour une réprimande faite par un supérieur, ou une personne en autorité. (H)

Censures ecclésiastiques, sont des menaces publiques que l’Eglise fait, d’infliger les peines qu’on a encourues, pour avoir desobéi à ses ordres, ou plûtôt encore ces peines ou ces punitions elles-mêmes. Le Droit canonique en reconnoit de trois sortes, qui sont l’excommunication, la suspense, & l’interdit. Voyez chacun de ces mots à leur rang.

Jusqu’au tems de la prétendue réforme, les rois d’Angleterre ont été soûmis aux censures de l’église de Rome : mais les François s’en sont toûjours maintenus exempts. En effet il n’y a point d’exemple d’excommunication d’aucun roi de la premiere race, jusqu’à celle de Lothaire, par le pape Nicolas I. pour avoir répudié sa femme Tetberge ; c’est la premiere breche qui fut faite aux libertés de l’église Gallicane : cependant le pape n’osa hasarder son excommunication de sa propre autorité ; il la fit confirmer par l’assemblée des évêques de France.

Les autres papes ont pris dans la suite les mêmes précautions : mais depuis ce tems-là, les rois ont mieux soûtenu leur privilége : car l’anti-pape Benoît XIII. ayant prononcé des censures contre le roi Charles VI. & mis le royaume en interdit ; le parlement de Paris, par Arrêt de 1408, ordonna que la bulle fût lacérée. Jules II. avant aussi lancé l’excommunication contre Louis XII. l’assemblée générale tenue à Tours, censura les censures du pape. Voyez Excommunication.

Les Canonistes distinguent deux sortes de censures : l’une de droit, à jure ; l’autre de fait ou par sentence, qu’ils appellent ab homine.

Les premieres sont générales & perpétuelles : il n’en est pas de même des secondes ; mais aussi elles sont toûjours réservées.

On divise les censures par rapport à l’effet qu’elles produisent, en celles qu’on appelle latæ sententiæ, & celles qu’on nomme ferendæ sententiæ ; c’est-à-dire en censures encourues par le seul fait, ipso facto, par vertu du jugement qui les a prononcées, sans qu’il soit besoin d’un nouveau ; & en censures comminatoires, qui ne s’encourent pas sans une nouvelle sentence du juge.

Il n’y a que les supérieurs ecclésiastiques qui joüissent de la jurisdiction extérieure, qui puissent porter des censures ; ainsi les curés n’ont pas ce droit. (H)

Censure de livres ou de propositions c’est une note ou une qualification, qu’on donne à tout ce qui blesse la vérité, soit dans un livre, soit dans une proposition. La vérité, si on peut parler ainsi, est une fleur tendre ; on n’y peut toucher qu’on ne l’altere, & qu’on n’en ternisse l’éclat. La note dont on marque un livre ou une proposition, est d’autant plus flétrissante, que l’un ou l’autre s’éloigne plus de la vérité ; car il y a différentes nuances dans l’erreur. La note de l’hérésie est la plus infamante de toutes ; parce que l’hérésie est de toutes les erreurs celle qui s’éloigne le plus de la vérité. En effet, elle contredit formellement l’expresse parole de Dieu, & se révolte contre l’autorité de l’Eglise qui l’interprete ; la flétrissure de l’erreur est moins forte que celle qui lance l’anathème contre l’hérésie. Comme la vérité que l’erreur attaque est en partie fondée sur l’Ecriture, & en partie sur la raison, son crime est moindre, parce qu’elle se révolte moins directement contre l’autorité de Dieu. On note comme sentant l’hérésie, tout livre ou toute proposition, qui présente d’abord à l’esprit un sens hérétique, quoi-