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tir, c’est ranger les cartes divisées par deux rangs de cartes, déterminés par l’ordre qu’elles avoient sur le moule ou sur les feuilles. Il y a entre la place d’une carte sur la feuille & sa place dans le rang, une correspondance telle que dans cette distribution ; toutes les cartes de la même espece, tous les rois, toutes les dames, tous les valets, &c. tombent ensemble : alors on dit qu’elles sont par sortes. Mises par sortes, on les trie. Trier, c’est mettre les blanches avec les blanches, les moins blanches ensemble, & ôter les taches, qu’on appelle le bro, comme nous avons dit. On distingue quatre lots de cartes relativement à leur degré de finesse : celles du premier lot s’appellent la fleur ; celles du second, les premieres ; celles du troisieme, les secondes ; celles du quatrieme & du cinquieme, les triards ou fonds.

Quand on a distribué chaque sorte relativement à sa qualité ou son degré de finesse, on fait la couche, où l’on forme autant de sortes de jeu qu’on a de différens lots ; ensuite on range & on complette les jeux, ce qui s’appelle faire la boutée. on finit par plier les jeux dans les enveloppes ; ce qu’on exécute de maniere que les jeux de fleur se trouvent au-dessus du sixain, afin que si l’acheteur veut examiner ce qu’on lui vend, il tombe nécessairement sur un beau jeu.

On prépare les enveloppes exactement comme les cartes, avec un moule qui porte l’enseigne du Cartier. Mais il y a à l’extrémité de ce moule une petite cavité qui reçoit exactement une piece amovible, sur laquelle on a gravé en lettres le nom de la sorte de jeu que l’enveloppe doit contenir, comme piquet, si c’est du piquet ; médiateur ou comete, si c’est médiateur ou comete : cette piece s’appelle bluteau. Comme il y a deux sortes d’enveloppes, l’une pour les sixains, l’autre pour les jeux, il y a plusieurs moules pour les enveloppes : ces moules ne different qu’en grandeur.

Les cartes se vendent au jeu, au sixain, & à la grosse. Les jeux se distinguent en jeux entiers, en jeux d’hombre, & jeux de piquet.

Les jeux entiers sont composés de cinquante-deux cartes ; quatre rois, quatre dames, quatre valets, quatre dix, quatre neuf, quatre huit, quatre sept, quatre six, quatre cinq, quatre quatre, quatre trois, quatre deux, & quatre as.

Les jeux d’hombre sont composés de quarante cartes, les mêmes que ceux des jeux entiers, excepté les dix, les neuf, & les huit qui y manquent.

Les jeux de piquet sont de trente-deux ; as, rois, dames, valets, dix, neuf, huit, & sept.

On distingue les cartes en deux couleurs principales, les rouges & les noires : les rouges représentent un cœur ou un losange ; les noires un trefle ou un pique : elles sont toutes marquées depuis le roi jusqu’à l’as de cœur, trefle, carreau ou pique.

Celles qu’on appelle roi, sont couronnées & ont différens noms. Le roi de cœur s’appelle Charles ; celui de carreau, César ; celui de trefle, Alexandre ; & celui de pique, David.

Les dames ont aussi leurs noms : la dame de cœur s’appelle Judith ; celle de carreau, Rachel ; celle de trefle, Argine ; & celle de pique, Pallas.

Le valet de cœur se nomme Lahire ; celui de carreau, Hector ; celui de pique, Hogier ; celui de trefle a le nom du Cartier.

Les dix portent dix points sur les trois rangées, quatre, deux, quatre ; les neuf sur les trois rangées, quatre, un, quatre ; les huit sur les trois rangées, trois, deux, trois ; les sept sur les trois rangées, trois, un, trois ; les six sur les deux rangées, trois, trois ; les cinq sur les trois rangées, deux, un, deux ; les quatre sur les deux rangées, deux, deux ; les trois sur

une rangée, ainsi que les deux : l’as est au milieu de la carte.

S’il y avoit un moyen de corriger les avares, ce seroit de les instruire de la maniere dont les choses se fabriquent : ce détail pourroit les empêcher de regretter leur argent ; & peut-être s’étonneroient-ils qu’on leur en demande si peu pour une marchandise qui a coûté tant de peine.

On a mis de grands impôts sur les cartes, ainsi que sur le tabac ; cependant je ne pense pas que ceux même qui usent le plus de l’un, & qui se servent le plus des autres, ayent le courage de s’en plaindre. Qui eût jamais pensé que la fureur pour ces deux superfluités, pût s’accroître au point de former un jour deux branches importantes des fermes ? Qu’on n’imagine pas que celle des cartes soit un si petit objet. Il y a tel Cartier qui fabrique jusqu’à deux cents jeux par jour.

Il y auroit un moyen de rendre cette ferme beaucoup plus importante : je le publie d’autant plus volontiers, qu’il ne seroit certainement à charge à personne ; ce seroit de taxer le prix des cartes au-dessous de celui qu’elles ont. Qu’arriveroit-il de là ? qu’il y auroit si peu de différence entre des cartes neuves & des cartes recoupées, qu’on se détermineroit aisément à n’employer que des premieres. Le Fermier & le Cartier y trouveroient leur compte tous deux : ce qui est évident ; car les cartes se recoupent jusqu’à deux fois, & reparoissent par conséquent deux fois sur les tables. Si en diminuant le prix des cartes neuves, on parvenoit à diminuer de moitié la distribution des vieilles cartes, celui qui fabrique & vend par jour deux cents jeux de cartes, qui par la recoupe tiennent lieu de six cents, en pourroit fabriquer & vendre trois cents. Le Cartier regagneroit sur le grand nombre des jeux vendus, ce qu’on lui auroit diminué sur chacun, & la ferme augmenteroit sans vexer personne.

Il est surprenant que nos François qui se piquent si fort de bon goût, & qui veulent le mieux jusque dans les plus petites choses, se soient contentés jusqu’à présent des figures maussades dont les cartes sont peintes : il est évident, par ce qui précede, qu’il n’en coûteroit rien de plus pour y représenter des sujets plus agréables. Cela ne prouve-t-il point qu’il n’est pas aussi commun qu’on le pense, de joüer ou par amusement, ou sans intérêt ? pourvû qu’on tue le tems, ou qu’on gagne, on ne se soucie guere que ce soit avec des cartes bien ou mal peintes.

Carte, (Artificier.) ce mot signifie en général le carton dont se servent les Artificiers. Ils en désignent l’épaisseur par le nombre des feuilles de gros papier gris dont il est composé : ainsi on dit, de la carte en deux, trois, quatre, ou cinq, sans y ajoûter le mot de feuille, qui est sousentendu chez eux & chez les marchands qui les vendent.

On désigne les petites cartes en les appellant cartes à joüer ; & le gros carton plus roide & moins propre au moulage, qui doit être flexible, s’appelle carte-lisse.

CARTEL, s. m. (Hist. mod.) lettre de défi, ou appel à un combat singulier, qui étoit fort en usage lorsqu’on décidoit des différends par les armes, & uniquement par elles, ainsi que certains procès. Voyez Combat, Duel, Champion, &c. (G)

Cartel, (Commerce.) mesure de continence pour les grains, & qui est en usage à Rocroi, à Mezieres, & autres lieux où elle varie pour la grandeur & pour le poids.

Le cartel de froment pese à Rocroi trente-cinq livres poids de marc, celui de méteil trente-quatre, & celui de seigle trente-trois.

A Mezieres le cartel de froment pese trente livres, de méteil vingt-huit, de seigle vingt-six livres.