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lacement des piés ou mesures prosodiques, qui entrent dans la composition des vers, des césures, &c. ce qui varie selon les différentes especes de vers : & dans les langues vivantes, la cadence résulte du nombre des syllabes qu’admet chaque vers, de la richesse, de la variété & de la disposition des rimes. Voyez Harmonie.

« Dans l’ancienne Poësie, il y a, dit M. Rollin, deux sortes de cadences : l’une simple, commune, ordinaire, qui rend les vers doux & coulans, qui écarte avec soin tout ce qui pourroit blesser l’oreille par un son rude & choquant ; & qui par le mêlange de différens nombres & différentes mesures, forme cette harmonie si agréable, qui regne universellement dans tout le corps d’un poëme.

» Outre cela, continue-t-il, il y a de certaines cadences particulieres plus marquées, plus frappantes, & qui se font plus sentir ; ces sortes de cadences forment une grande beauté dans la versification, & y répandent beaucoup d’agrément, pourvû qu’elles soient employées avec ménagement & avec prudence, & qu’elles ne se rencontrent pas trop souvent. Elles sauvent l’ennui que des cadences uniformes, & des chûtes reglées sur une même mesure ne manqueroient pas de causer… Ainsi la Poësie Latine a une liberté entiere de couper ses vers où elle veut, de varier ses cesures, & ses cadences à son choix, & de dérober aux oreilles délicates les chûtes uniformes produites par le dactyle & le spondée, qui terminent les vers héroïques ».

Il cite ensuite un grand nombre d’exemples tous tirés de Virgile ; nous en rapporterons quelques-uns.

1o. Les grands mots placés à propos forment une cadence pleine & nombreuse, sur-tout quand il entre beaucoup de spondées dans le vers.

Luctantes ventos tempestatesque sonoras,
Imperio premit.
Æneid. i.


Ainsi le vers spondaïque a beaucoup de gravité.

Constitit, atque oculis Phrygia agmina circumspexit,


Un monosyllabe à la fin du vers lui donne de la force,

Hæret pes pede densusque viro vir. Æneid. x.


Il y a des cadences suspendues propres à peindre les objets, telle que celle-ci,

Et frustra retinacula tendens,
Fertur equis auriga.
Georg. i.


d’autres coupées, d’autres où les élisions font un très-bel effet. Les spondées multipliés sont propres à peindre la tristesse.

Extinctum nimphæ crudeli funere Daphnim
Flebant.
Eclog. v.


des dactyles au contraire, à marquer la joie, le plaisir,

Saltantes satyros imitabitur Alphesibœus, Eclog. v.


Pour exprimer la douceur, on choisit des mots où il n’entre presque que des voyelles avec des consonnes douces & coulantes,

Devenere locos lætos & amœna vireta,
Fortunatorum nemorum sedesque beatas.
Æneid. vi.


La dureté se peint par des rr, ou d’autres consonnes dures redoublées.

Ergo ægrè rastris terram rimantur. Georg. iii.


la légereté par des dactyles ;

Ergo ubi clara dedit sonitum tuba, finibus omnes,
Haud mora, prosiluere suis ; ferit æthera clamor.
Æneid. v.


& la pesanteur par des spondées ;

Illi inter sese magna vi brachia tollunt,
In numerum, versantque tenaci forcipe ferrum.

Georg. iv.


Dans d’autres cadences, un mot placé & comme rejetté à la fin, a beaucoup de grace.

Vox quoque per lucos vulgo exaudita silentes
Ingens.
Georg. i.


Traité des Etudes, tom. prem. pag. 335. & suiv.. (G)

Cadence, en Musique, est la terminaison d’une phrase harmonique sur un repos ou sur un accord parfait, ou pour parler plus généralement, c’est tout passage d’un accord dissonant à un autre accord quelconque ; car on ne peut jamais sortir d’un accord dissonant que par une cadence. Or comme toute phrase harmonique est nécessairement liée par des dissonances exprimées ou sous-entendues, il s’ensuit que toute l’harmonie n’est proprement qu’une suite de cadences.

Ce qu’on appelle acte de cadence résulte toûjours de deux sons fondamentaux, dont l’un annonce la cadence, & l’autre la termine.

Comme il n’y a point de dissonance sans cadence, il n’y a point non plus de cadence sans dissonance exprimée ou sous-entendue ; car pour faire sentir agréablement le repos, il faut qu’il soit précédé de quelque chose qui le fasse desirer, & ce quelque chose ne peut être que la dissonance : autrement les deux accords étant également parfaits, on pourroit se reposer sur le premier ; le second ne s’annonceroit point, & ne seroit pas nécessaire : l’accord formé sur le premier son d’une cadence, doit donc toûjours être dissonant. A l’égard du second, il peut être consonant ou dissonant, selon qu’on veut établir ou éluder le repos. S’il est consonant, la cadence est pleine : s’il est dissonant, c’est une cadence évitée.

On compte ordinairement quatre especes de cadences : savoir, cadence parfaite, cadence interrompue, cadence rompue, & cadence irréguliere. Ce sont les noms que leur a donné M. Rameau.

1. Toutes les fois qu’après un accord de septieme, la basse fondamentale descend de quinte sur un accord parfait, c’est une cadence parfaite pleine, qui procede toûjours d’une dominante à une tonique : mais si la cadence est évitée par une dissonance ajoûtée à la seconde note, elle peut se faire derechef sur cette seconde note, & se continuer autant qu’on veut en montant de quarte, ou descendant de quinte sur toutes les cordes du ton, & cela forme une succession de cadences parfaites évitées. Dans cette succession qui est la plus parfaite de toutes, deux sons, savoir la septieme & la quinte, descendent sur la tierce & sur l’octave de l’accord suivant, tandis que deux autres sons, savoir la tierce & l’octave, restent pour faire la septieme & la quinte, & descendent ensuite alternativement avec les deux autres : ainsi une telle succession donne une harmonie descendante : elle ne doit jamais s’arrêter qu’à une dominante pour tomber ensuite par cadence pleine sur la tonique. Voyez Pl. I. de musique, fig. 1.

2. Si la basse fondamentale descend seulement de tierce, au lieu de descendre de quinte après un accord de septieme, la cadence s’appelle interrompue : celle-ci ne peut jamais être pleine : mais il faut nécessairement que la seconde note de cette cadence porte un autre accord de septieme : on peut de même continuer à descendre par tierces ou monter par sixtes, d’accords de septieme en accords de septieme, ce qui fait une seconde succession de cadences évitées, mais bien moins parfaite que la précédente ; car la septieme qui se sauve sur la tierce dans la cadence parfaite, se sauve ici sur l’octave, ce qui fait moins d’harmonie, & fait même sous-entendre deux octaves ; de sorte que pour les éviter, on retranche ordinairement la dissonance, ou l’on renverse l’harmonie.

Puisque la cadence interrompue ne peut jamais être pleine, il s’ensuit qu’une phrase ne peut finir par elle,