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que cause le vin, mais qu’on dissipe bientôt en prenant un peu de sel & d’eau fraîche : quand ce fruit est mûr ou cuit, il ne fait point le même effet, il n’en produit que de salutaires ; & je ne crois pas vraissemblable qu’il tire son seul mérite de la mode, de l’habitude, & de la volupté.

Vertus médicinales du cachou. Les Orientaux l’employent continuellement contre la puanteur de l’haleine, pour raffermir les gencives, pour aider la digestion, pour arrêter le vomissement, la diarrhée, la dyssenterie ; & les relations de nos voyageurs, de Garcie, de Linschot, de Bontius, de Clever, d’Herman, d’Helbigius, conviennent de son efficace dans tous ces cas.

Par l’usage que nous en avons fait en Europe, nous y avons remarqué à peu près les mêmes propriétés ; nous avons trouvé que le cachou naturel est bon pour raffermir les gencives, pour l’angine aqueuse, pour dissiper les catarrhes, pour appaiser la toux qui vient d’une pituite acre, pour arrêter les flux de ventre qui viennent du relâchement de l’estomac & des intestins, & autres maladies semblables.

Si nous pénétrons jusques dans les principes qui peuvent opérer ces effets, il semble que ce soit à l’astriction dont cette drogue est principalement douce, que l’on doive ses vertus.

Effectivement, c’est par cette astriction que l’estomac plus capable de retenir les alimens, est en état de les mieux digérer ; ce qui est le vrai remede de la plupart des diarrhées qui ont pour cause la foiblesse de ce viscere.

C’est par cette même astriction, que réunissant les principes du sang qui étoient divisés, elle peut arrêter la dyssenterie, & les fluxions dans lesquelles le sang ou sa sérosité s’épanchent avec trop de facilité.

Le caractere spécifique du cachou est donc d’être comme un composé des sucs d’hypocistis & d’acacia, desquels il a l’astriction ; & par sa douceur, il approche de celle de la réglisse & du sang-dragon, ensorte qu’il réunit en soi les vertus de ces différens sucs, en modifiant ce qu’ils ont de trop astringent ou de trop difficile à dissoudre, dans l’eau simple.

Nous pouvons le disputer aux Indiens par rapport aux différentes préparations que nous donnons au cachou pour le rendre plus agréable. On le dissout dans l’eau simple, qui dans peu de tems se charge de ses parties les plus pures ; on la coule, on laisse évaporer la colature, & l’on ne trouve au fond du vase qu’un extrait rouge-brun, qui est ce cachou purifié, auquel on ajoûte les aromates les plus convenables au goût de chacun, quelquefois même le sucre, pour en corriger cette amertume qui ne prévient pas d’abord en sa faveur.

Les formes sous lesquelles on le réduit, sont celles ou de pilules, ou de pastilles, ou de tablettes, pour s’accommoder aux goûts des diverses personnes qui en font usage : l’ambre-gris, dont l’odeur est utile à ceux qui ont l’haleine mauvaise, s’y retranche ordinairement pour les dames à qui elle pourroit causer des vapeurs. On le donne en substance sous la forme de pilules, de pastilles, ou de tablettes, depuis un demi-scrupule jusqu’à une drachme.

Son usage, sous quelqu’une de ces formes que ce soit, convient le matin à jeûn, avant & après le repas, & dans tous les cas où l’on veut faciliter la digestion, qui manque par l’affoiblissement de l’estomac, ou par l’acide qui domine dans les premieres voies.

Enfin, une qualité particuliere par laquelle le cachou se fait distinguer des autres drogues avec lesquelles il a quelque analogie, est, qu’au lieu que celles-ci se déguisent aisément par le mélange des autres ingrédiens que l’on y joint, le cachou le fait toûjours

reconnoître, dans quelque composition où on le fasse entrer.

Je ne dois pas oublier un avantage que l’on peut tirer du cachou, en faveur de ceux qui ont de la répugnance pour les tisanes, & pour la commodité de ceux qui veulent faire sur le champ une boisson convenable dans les dévoiemens, dans les fievres bilieuses, dans les maladies provenantes d’une abondance de sérosités acres, &c. c’est que la quantité d’un ou deux gros de cette substance, jettée dans demi-pinte d’eau, lui donnera une teinture rougeâtre, une saveur douce & un peu astringente, telle qu’il convient dans ces occasions.

Il me paroît que l’on n’a rien à craindre d’une trop grande dose du cachou ; car l’on peut en retenir continuellement de petits morceaux dans la bouche, & en substituer de nouveaux à ceux qui sont dissous, sans accident fâcheux. Il faut observer que plus les morceaux sont petits, plus ils paroissent agréables au goût. On en prend de la grosseur d’une graine d’anis ou de coriandre.

Teinture de cachou. Wedelius en tire une teinture de la maniere suivante. ♃ cachou en poudre quantité suffisante ; versez dessus six ou huit fois autant d’esprit de vin rectifié : digerez. On retire une très-belle teinture, que l’on sépare de la lie, en la versant peu à peu, & on la garde pour l’usage ; la dose est depuis 20 gouttes jusqu’à 60.

On employe heureusement cette teinture dans la cachexie & autres maladies de fibres lâches, où les astringens conviennent. On peut s’en servir en gargarisme dans un véhicule propre, pour le scorbut, pour raffermir les dents & les gencives, & pour adoucir l’haleine.

Pastilles de cachou. ♃ cachou, une drachme ; sucre royal, une once : réduisez-les en poudre fine. M. avec du mucilage de gomme adraganth, & une goutte ou deux d’huile de canelle. Faites des pastilles, que l’on tiendra dans la bouche, dans les toux catarrhales.

Opiate de cachou. ♃ cachou, trois onces ; corail rouge préparé, deux drachmes ; sirop de coing, quantité suffisante. M. F. un opiat. La dose est une drachme trois ou quatre fois le jour, dans la superpurgation, la diarrhée, & la dyssenterie.

Julep de cachou. ♃ cachou, une drachme ; diacode, trois onces ; sirop de roses seches, une once ; eau de pourpier, de laitue, ana quatre onces : faites-en un julep dans le crachement de sang, ou la dyssenterie.

Looch de cachou. ♃ cachou en poudre, deux drachmes ; mucilage de gomme adraganth, trois onces ; sirop de grande consoude, une once : M. & faites-en un looch, contre la toux provenante de pituite acre, qui tombe sur le poumon.

Tout medecin peut changer, combiner, amplifier ces sortes de formules à son gré, & les employer dans les occasions. Je ne les ai indiquées que parce que je mets le cachou au rang des bonnes drogues qui ont le moins d’inconvéniens.

Choix du cachou. Il faut le choisir pesant, d’un rouge tanné au-dessus, point brûlé, & très-luisant. On l’apporte de Malabar, de Surate, de Pégu, & des autres côtes des Indes.

Notre cachou paroît un extrait du seul areca. Parmi celui que nous recevons, il se trouve des morceaux de différentes couleurs & figures ; les uns sont formés en boules, & d’autres en masses applaties plus ou moins grosses ; de plus, il y en a de pur qui se fond promptement dans la bouche, & d’autre plus grossier, plus amer, terreux, sablonneux, brûlé. Ces différences ont porté plusieurs auteurs de matiere médicale, à distinguer deux sortes de cachou, qu’ils ont imaginé être des sucs extraits de différentes plan-