Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/426

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Orientaux. Vitruve, qui écrivoit sous le regne d’Auguste, dit qu’on voyoit encore de son tems dans Athenes, l’Aréopage bâti de terre & couvert de chaume.

Rome, dans son origine & pendant les quatre premiers siecles de sa fondation, n’étoit qu’un amas informe de cabanes de briques & de torchis. Les Romains prirent dans la suite, des Toscans, la maniere de bâtir avec de grosses pierres massives & quarrées. Vers les derniers tems de la république, ils revinrent à la brique. Le panthéon & d’autres grands édifices en furent construits. Sous Galien, on formoit les murs alternativement d’un rang de brique & d’un rang de pierre tendre & grise.

Les Orientaux faisoient cuire leurs briques au soleil ; les Romains se servirent d’abord de briques crues, seulement séchées à l’air pendant quatre à cinq ans. Les Grecs avoient trois sortes de briques ; la premiere, qu’ils appelloient didoran ou de deux palmes ; la seconde, tetradoran ou de quatre palmes ; & la troisieme, quintadoran ou de cinq palmes. Outre ces briques de jauge, ils en employoient de plus petites de moitié, qui servoient de liaison & ornoient leurs édifices par la diversité des figures & des positions.

Les briques, parmi nous, ont différens noms pris de leurs formes, de leurs dimensions, de leur usage, & de la maniere de les employer.

La brique entiere de Paris, est ordinairement de huit pouces de long sur quatre de large & deux d’épais.

La brique de Chantignole ou demi-brique, n’a qu’un pouce d’épais, les autres dimensions comme la brique entiere.

On appelle briques en liaison, celles qui sont posées sur le plat, liées, moitié par moitié, les unes sur les autres, & maçonnées avec plâtre & mortier.

Briques de champ, celles qui sont posées sur leur côté pour servir de pavé.

Briques en épi, celles qui sont placées sur l’angle diagonalement en maniere de point d’Hongrie ; tel est le pavé de Venise.

La brique de Chantignole ou demi-brique, sert entre des bordures de pierre aux atres & aux contre-cœurs de cheminée.

Maniere de faire la brique. Ne prenez ni terre areneuse ou graveleuse, ni bourbiers sablonneux ; ces matieres pesent trop & ne résistent point à la pluie. Si vous trouvez de la terre blanche qui tienne de la craie, de la terre rouge, ou même du sablon mâle rouge, servez-vous en : vos briques seront fermes & légeres ; deux conditions essentielles. Choisissez pour ce travail la saison qui convient le mieux pour faire sécher. En un mot, ayez de bonne argile, qui ne soit point sablonneuse, ou de la terre courte, moins forte que la terre grasse ; ou si vous avez de l’argile & de la terre courte, faites-en un mêlange en parties égales. Trempez votre mêlange sans le noyer ; remuez-bien ; délayez avec une pelle ; & battez avec la tête d’un piquoir ou d’une houe : plus vous battrez, meilleure sera votre brique. Ayez des moules ou cadres de bois de la dimension intérieure que vous voulez donner à votre brique : mouillez-les : saupoudrez-les d’un peu de sable bien sec, afin que la matiere de vos briques ne s’y attache pas : remplissez-les de terre : foulez la terre avec les mains : ayez ensuite un gros bâton rond ; achevez de presser la terre dans les moules, en faisant passer ce bâton fortement sur cette terre : que ce bâton soit poli & mouillé, afin que la terre ne s’y prenne pas : cela fait, prenez votre moule & déchargez-le de plat dans un lieu bien uni : recommencez la même manœuvre, saupoudrant le moule & foulant la terre avec les mains & le bâton : laissez sécher vos briques au soleil ; quand elles seront à demi seches, taillez-les, c’est-à-dire, enlevez avec un couteau tout ce qui nuiroit à la régularité de la figure. Quand il est important que les

briques soient bien régulieres, on a pour cette opération un nouveau moule, de la forme même de la brique, seulement un peu plus petit ; mais n’ayant que deux côtés disposés en équerre : on applique la brique entre ces deux côtés, les deux autres dirigent le couteau. Quand on a taillé deux côtés, on taille les deux autres de la même maniere, & l’on a par ce moyen des briques bien équarries & bien égales entr’elles. Quand vos briques seront taillées, posez-les sur le côté deux à deux, à la hauteur d’un pié & demi : formez-en des rangées ; mettez de l’espace entre chaque rangée, & laissez-les sécher. Ayez un four, & disposez-y vos briques de maniere qu’elles puissent être bien penétrées par le feu, ou faites-les cuire en plein air ; car il y a ces deux manieres de cuire la brique : mais la premiere est la meilleure. Le four n’a rien de particulier : il est à grande volée ou à l’ordinaire, seulement de moitié plus grand que celui du Potier. On met les briques dans le four : on le ferme : on y met du bois : on fait un feu médiocre, jusqu’à ce que la fumée du fourneau, d’un blanc obscur qu’elle paroîtra, devienne noire ; alors on cesse de mettre du bois ; on continue seulement d’entretenir la chaleur avec des fagots, de la paille, des genêts, &c. jusqu’à ce que le four paroisse blanc, & que la flamme s’éleve jusqu’au haut de la cheminée. Quand on a fait durer cette chaleur pendant quelque tems, on la ralentit, & on laisse refroidir le four par degrés. On réitere la même opération, échauffant le four, & le refroidissant alternativement jusqu’à ce que la brique paroisse avoir été bien penétrée par le feu, ce qui n’est guere possible qu’au bout de quarante-huit heures.

Les bons fours sont en voûte, & les bons ouvriers disposent les briques de maniere qu’elles laissent entr’elles des vuides entre lesquels la flamme puisse s’insinuer. Voici comment on s’y prend, on place les briques les unes sur les autres ; ensorte qu’elles empiétent pour se soûtenir : mais on laisse entre chacune le plus d’espace qu’on peut ; ensorte que la masse totale est proprement construite tant vuide que pleine. Elle ne doit pas remplir entierement le four, mais laisser aux deux côtés & sur le devant un espace nécessaire pour les matieres combustibles. On couvre cet espace d’un lit de bois ; on place sur ce lit une couche de charbon. On ne manque pas non plus d’insérer dans tous les vuides des briques, du charbon, & du petit bois ; il arrive de-là qu’en un moment toute la masse est pénétrée de flamme : on renouvelle ce feu, autant qu’il est nécessaire ; & on ne le laisse entierement éteindre, que quand on juge la brique cuite.

Voilà la maniere d’avoir de la brique assez bonne : mais il y a apparence qu’on l’auroit beaucoup meilleure, si les ouvriers y apportoient les précautions suivantes : 1.o n’employer à faire la brique, que la terre qui auroit été tirée & retournée au moins une fois, entre le premier de Novembre & le premier de Février ; 2.o ne la façonner en brique qu’au premier de Mars, & cesser au 29 de Septembre ; 3.o n’y mêler rien qui pût la détériorer ; 4.o y ajoûter une certaine quantité de cendre de charbon criblée & passée au tamis fin ; 5.o nommer des gens pour visiter les fourneaux, les briques & les terres qu’on y employe ; 6.o faire battre par des hommes, & fouler la terre par des animaux, avant que de l’employer ; 7.o y faire mettre du sable, quand elle est d’une nature trop molle ; 8.o faire tremper la brique dans l’eau, après qu’elle auroit été cuite une premiere fois, & la remettre au feu, elle en acquerroit le double de dureté ; 9.o veiller, à ce qu’avant de les mettre au four ; elles ne soient point exposées à sécher à un trop grand soleil ; 10.o les garantir pareillement du trop grand soleil en été, en les couvrant soit de paille soit de sable. Il y auroit encore un grand nombre d’autres précautions à prendre pour faire la brique si bonne, qu’elle