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Je ne finirai point cet article du bois de chauffage, qui forme un objet presqu’aussi important, que celui de construction & de charpente, sans observer que nous sommes menacés d’une disette prochaine de l’un & l’autre ; & que la cherté seule du premier peut avoir une influence considérable sur l’état entier du royaume. Le bois de chauffage ne peut devenir extrèmement rare & d’un grand prix, sans chasser de la capitale un grand nombre de ses habitans ; or il est constant que la capitale d’un royaume ne peut être attaquée de cette maniere, sans que le reste du royaume s’en ressente. Je ne prévois qu’un remede à cet inconvénient, & ce remede est même de nature à prevenir le mal, si on l’employoit des à présent. Quand les forêts des environs de la ville furent épuisées, il se trouva un homme qui entreprit d’y amener à peu de frais les bois des forêts éloignées, & il réussit. Lorsque la négligence dans laquelle on persiste aura achevé de détruire les forêts éloignées, il est certain qu’on aura recours au charbon de terre ; & il est heureusement démontré qu’on en trouve presque par-tout. Mais pourquoi n’en pas chercher & ouvrir des carrieres dès aujourd’hui ? pourquoi ne pas interdire l’usage du bois à tous les états & à toutes les professions dans lesquels on peut aisément s’en passer ? car il en faudra venir là tôt ou tard ; & si l’on s’y prenoit plûtôt, on donneroit le tems à nos forêts de se restituer ; & en prenant pour l’avenir d’autres précautions que celles qu’on a prises pour le passé, nos forêts mises une fois sur un bon pié, pourroient fournir à tous nos besoins, sans que nous eussions davantage à craindre qu’elles nous manquassent. Il me semble que les vues que je propose sont utiles : mais j’avoue qu’elles ont un grand défaut, celui de regarder plûtôt l’intérêt de nos neveux que le nôtre ; & nous vivons dans un siecle philosophique où l’on fait tout pour soi, & rien pour la posterité.

Bois (mouleur de), Police, officier de ville, commis sur les ports pour que le bois y soit fidelement mesuré dans les moules ou les membrures. V. Moule & Membrure.

Bois (Marchand de), voyez ci-dessus l’article Bois de chauffage.

Bois de sciage. On entend par bois de sciage, celui qui est debité en soliveaux & coupé en planches à l’usage de la menuiserie. On comprend sous ce nom tout celui qui a moins de six pouces d’équarrissage, beaucoup de bois tendres, sur-tout pour la boiserie, le parquetage, les lambris, & plafonds. On fait façonner le bois de sciage, ou par des scieurs de long, ou dans des moulins à scie. Voyez Sciage.

Le bois de sciage s’appelle :

Bois mi-plat, s’il est beaucoup plus large qu’épais ; ce bois est pour l’usage de la menuiserie.

Bois ouvré, ou non ouvré, quand il passe ou non par les mains de l’ouvrier.

Il y a encore le bois d’ouvrage & celui de merrein.

Le bois d’ouvrage, est celui qu’on travaille dans les forêts, & dont on fait des sabots, des pelles, des seaux, des lattes, des cercles, des éclisses.

Le bois de chêne s’appelle bois de merrein, quand il est débité en petits ais ou douves pour faire des tonneaux, des cuves, des seaux, &c. Voyez Merrein.

Il ne nous reste plus qu’à ajoûter à cet article quelques sortes de bois, parmi lesquelles il y en a qui ont peu de rapport avec les précédentes.

Bois fossile, (Hist. nat.) bois qui se trouve en terre à différentes profondeurs, où il s’est conservé depuis long tems sans se pourrir. On sait assez qu’il arrive souvent des éboulemens de terre & d’autres déplacemens, qui sont occasionnés par différentes causes, & sur-tout par les tremblemens de terre, les torrens, les inondations, &c. c’est par ces accidens que les arbres sont enfoncés dans la terre. S’il se ren-

contre des matieres bitumineuses qui les pénetrent,

alors ils ne sont plus susceptibles de pourriture, & ils se conservent dans leur entier. Les différentes combinaisons des matieres bitumineuses doivent causer des différences dans la consistance du bois fossile, dans sa couleur, son poids, &c. Voyez Houille, Charbon de terre, Jayet. (I)

Bois pétrifié. Voyez Pétrification.

* Bois d’aloès. Il y a tout lieu de croire que le bois que nous appellons aujourd’hui bois d’aloès, est le même que Dioscoride a décrit sous le nom d’agallochum, & que l’on a nommé dans la suite xyloaloès. Il ne faut pas confondre le bois d’aloès avec le suc épaissi qui porte simplement le nom d’aloès, ni croire que ce suc sorte du bois d’aloès. Nous verrons dans la suite qu’on le tire de plusieurs especes de plantes aussi appellées aloès. On voit au contraire que le bois d’aloès ne peut venir que d’un arbre.

On peut distinguer trois sortes d’agallochum : la premiere est celle que les Indiens appellent calambac, c’est la plus rare & la plus précieuse, elle vient de la Cochinchine. Le calambac est tendre : il y en a de plusieurs couleurs, par lesquelles on a voulu le distinguer, & plusieurs especes. Si on le met sur les charbons ardens, il semble se fondre plûtôt que brûler, tant il est résineux ; la fumée qu’il rend est fort épaisse & de bonne odeur.

La seconde passe communément sous le nom de bois d’aloès ou bois d’aigle ; on la trouve comme la premiere dans la Cochinchine, mais il y en a aussi à Cambaye & à Sumatra : le bois d’aloès est plus commun dans ce pays-ci que le calambac, parce qu’il n’est pas si cher. Le bois d’aigle est compact & pesant ; sa substance est percée de plusieurs cavités, elle semble être cariée ; sa couleur est rousse, son goût est un peu acre & aromatique, il bouillonne sur les charbons ardens, sa fumée est d’une odeur fort agréable.

La troisieme espece d’agallochum est appellée calambour ou calambouc ; il est d’une couleur verdâtre & quelquefois rousse ; son odeur est agréable & pénétrante. On l’apporte des iles de Solor & de Temor en grosses bûches ; & on en fait des étuis, des boîtes, des chapelets, & plusieurs autres ouvrages.

On ne sait pas si ces trois especes d’agallochum viennent chacune d’un arbre particulier, ou s’il n’y a qu’une seule espece d’arbre pour les trois. Ce dernier sentiment a été soûtenu par plusieurs botanistes : ils ont assûré que l’arbre ressembloit à un olivier, & qu’il portoit de petits fruits rouges.

On dit que les Indiens laissent les troncs de ces arbres dans la boue pour faire pourrir l’écorce & l’aubier ; il ne reste que le cœur, qui prend seulement une couleur brune, & qu’il conserve par la résine qu’il contient. On a prétendu que ce bois étant sur pié ou coupé récemment, rendoit un suc laiteux d’une mauvaise qualité : s’il en entroit dans les yeux, on en perdoit la vûe ; s’il en tomboit sur la peau, il s’élevoit des boutons. On a vû que ce suc étant épaissi & desséché formoit la résine qui préserve de la pourriture les parties du bois auxquelles il s’attache. Celles qui en contiennent une grande quantité sont le vrai calambac : on dit qu’elles se trouvent ordinairement au pié du tronc. D’autres assurent qu’il faut que les arbres se dessechent & se pourrissent d’eux-mêmes sur les montagnes, pour former du calambac. Quoi qu’il en soit, il est certain que ce bois est fort rare, même chez les Indiens, puisqu’ils l’achetent souvent au poids de l’argent, & même de l’or. Ils l’estiment beaucoup à cause de la bonne odeur qu’il rend lorsqu’on le brûle ; c’est un parfum délicieux qu’ils réservent pour les temples des dieux & pour les palais des rois. Si le bois d’aloès n’a pas une aussi bonne odeur que le calambac, on ne laisse pas que d’en faire grand cas dans ce pays-ci.