Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 2.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La préparation du bleu de Prusse est une suite de plusieurs procédés difficiles. On a plusieurs raisons pour croire que ce bleu vient du fer. On sait que les dissolutions de fer prennent dans l’eau une couleur bleue par la noix de galle. L’acier bien poli & échauffé à un feu moderé, prend une couleur bleue ; & il paroît par cette expérience que cette couleur bleue vient d’une substance grasse, que le feu éleve à la surface du fer. On sait qu’il y a dans le fer une matiere bitumineuse, qui n’est pas parfaitement unie avec les autres principes, ou qui y est en trop grande quantité.

C’est ce bitume qui doit être la base du bleu qu’on veut faire : mais certainement il est trop compact ; Il faut le subtiliser : or les alkalis sont les dissolvans naturels des bitumes.

Il y a apparence qu’on a essayé, pour faire le bleu de Prusse, plusieurs huiles végétales, & que ç’a été sans succès : on a aussi éprouvé les huiles animales ; & le sang de bœuf calciné & réduit en poudre a rempli l’attente ; & pour l’alkali, on y a employé le plus puissant, qui est celui de tartre.

Le bitume du fer est attaché à une terre métallique jaune ; cette terre altéroit la couleur bleue du bitume, quelque raréfié qu’il fût : on le transporte de dessus la terre jaune sur une terre blanche, qui est celle de l’alun ; & alors la couleur bleue non-seulement n’est plus altérée par le fonds qui la soûtient, mais de sombre & trop foncée qu’elle étoit, elle devient plus claire & plus vive.

Il faut observer que ce bitume qu’on veut avoir, on ne le cherche pas dans du fer en substance ; mais dans du vitriol où le fer est déja très-divisé.

Il y a donc trois liqueurs nécessaires pour faire le bleu de Prusse : une lessive de sang de bœuf calciné avec le sel alkali ; une dissolution de vitriol, & une dissolution d’alun.

De toutes ces opérations, il résulte une espece de fécule d’une couleur de verd de montagne, & qui par l’esprit de sel devient dans l’instant d’une belle couleur bleue foncée ; & c’est-là le bleu de Prusse. Cet article est de M. Formey, secrétaire perpétuel de l’académie royale de Prusse.

M. Maloüin, dans un mémoire qu’il a donné à l’academie en 1745, dit, qu’il a tiré un bleu de Prusse du mêlange de la creme de chaux, & du sel alkali du tartre ; que ce bleu étoit semblable à celui qui lui a donné l’eau-mere du sel de Seignette par l’esprit de vitriol.

Il faut remarquer que M. Maloüin avoit trouvé aussi du fer dans la chaux ; & il dit que la noix de galle épineuse peut tirer de l’eau de chaux une teinture bleue.

Le même auteur rapporte aussi dans ce mémoire, qu’ayant fait mettre dans un creuset entre les charbons ardens, de la chaux vive & du sel marin mêlés ensemble, il sortit de la matiere contenue dans le creuset, une flamme bleue qui répandit une odeur aromatique. Il apperçut cette flamme lorsqu’il découvrit le creuset ; & il y avoit un quart d’heure que le creuset étoit rouge lorsqu’il le découvrit. (M)

Le bleu entre dans presque toutes les parties fuyantes d’un tableau ; l’on s’en sert aussi dans les ciels, la mer, &c.

On distingue différentes nuances de bleu ; le bleu blanc, bleu mourant, bleu céleste, bleu turquin foncé, bleu de Perse entre le verd & le bleu, bleu d’enfer ou noirâtre, bleu de forge, bleu artificiel. Il n’y a guere que les Teinturiers qui différencient ainsi leurs bleus ; les Peintres ne les distinguent que par ces expressions : ce bleu est plus tendre que celui-ci ; ces bleus sont de différent ton, ne sont pas du même ton.

Bleu tenant lieu d’outremer dans le lavis. Pour suppléer à l’outremer qui est d’un trop grand prix, & qui a trop de corps pour être employé en lavis, on re-

cueille en été une grande quantité de fleurs de bluets

qui viennent dans les blés ; on en épluche bien les feuilles en ôtant ce qui n’est point bleu : puis on met dans de l’eau tiede de la poudre d’alun bien subtile. On verse de cette eau imprégnée d’alun dans un mortier de marbre, on y jette les fleurs ; & avec un pilon de marbre ou de bois, on pile jusqu’à ce que le tout soit réduit de maniere qu’on puisse aisément en exprimer tout le suc, que l’on passe à travers une toile neuve, faisant couler la liqueur dans un vase de verre, où on a mis auparavant de l’eau gommée, faite avec de la gomme arabique bien blanche. Remarquez qu’il ne faut guere mettre d’alun pour conserver l’éclat, parce qu’en en mettant trop on obscurcit le coloris. On peut de même faire des couleurs de toutes les fleurs qui ont un grand éclat, observant de les piler avec de l’eau d’alun, qui empêche que la couleur ne change ; pour rendre ces couleurs portatives, on les fait sécher à l’ombre, dans des vaisseaux de verre ou de fayence bien couverts. (R)

Bleu, officier bleu (Marine) lieutenant ou enseigne bleu ; c’est un officier que le capitaine d’un vaisseau crée dans son bord pour y servir, faute d’officier major. (Z)

Bleu, mettre au Bleu (en terme de Cuisine) c’est une façon d’accommoder le poisson en le faisant cuire avec ses écailles dans du vin blanc, avec de l’oignon, des feuilles de laurier, du clou de girofle, sel & poivre, & autres épices : on le sert ainsi préparé, avec de l’huile & du vinaigre dans un vase à part.

* Bleues, (Cendres) sont d’un très-grand usage dans la peinture à détrempe ; il y en a qui sont très-vives en couleur : mais à l’huile elles noircissent & deviennent verdâtres ; car elles tiennent de la nature du verd de gris ; & de plus quand on les met à l’huile, elles ne paroissent pas plus brunes ou foncées en couleur. On les trouve en pierre tendre dans les lieux où il y a des mines de cuivre ou de rosette, & l’on ne fait que les broyer à l’eau pour les réduire en poudre fine. Cette espece de bleu doit être employé sur-tout dans la peinture en détrempe, qu’on ne voit qu’aux lumieres, comme les décorations de théatre ; car quoiqu’on y mêle beaucoup de blanc, il ne laisse pas de paroître fort beau. Il tire pourtant un peu sur le verd, tout au contraire de l’émail qui est fort vif au jour, & qui paroît gris aux lumieres.

On trouve quelquefois des cendres bleues, qui paroissent aussi belles que l’outremer : mais on connoît bien-tôt que ce ne sont que des cendres, si on les mêle avec un peu d’huile ; car elles ne deviennent guere plus brunes qu’auparavant, au contraire de l outremer qui devient fort brun. Au feu elles deviennent noires.

BLEUIR un métal, c’est l’échauffer jusqu’à ce qu’il prenne une couleur bleue ; ce qui est pratiqué par les Doreurs, qui bleuissent leurs ouvrages d’acier avant que d’y appliquer les feuilles d’or ou d’argent. Voyez Doreur, & la fig. 9. Pl. du Doreur. Vignette.

BLEUISSOIR, s. m. outil d’Horlogerie. Voyez Revenoir.

BLEY-GLANTZ, (Minéralogie) ou en Latin galena tessulata ; c’est le nom Allemand d’une mine de plomb ainsi décrite, par M. Cramer, dans sa Docimasie : « c’est une mine de plomb fort riche, composée d’un assemblage de petits cubes équilatéraux & de parallelepipedes oblongs, formés par de petites lames minces, polies & brillantes : cette mine est fort pesante, & se casse aisément. La fonte en est aisée ; cependant elle demande un feu plus fort que le plomb même : la raison en est l’abondance de soufre, qui est caché dans cette mine & qui en fait presque un quart. Si on s’y prend comme il faut, un quintal de cette mine doit donner 65