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de cassoude. L’eau après avoir traversé les toiles retourne dans la chaudiere, d’où on la reprend pour la jetter de nouveau sur les toiles ; ainsi alternativement pendant plusieurs heures.

La premiere lessive est composée de moitié de cendres de casseau, & de cendres du pays. Les toiles sortant de cette lessive doivent être étendues sur le pré & arrosées.

Pour étendre les toiles sur le pré, on se sert de plusieurs chevilles de bois qu’on fait passer dans des anneaux de ficelle qui sont cousus tout autour de la toile, & qu’on enfonce dans la terre, en sorte que la toile soit bien tendue.

La disposition des prés favorise l’opération d’arroser : ils sont coupés comme on voit Pl. I. en a, b, c, d, e, f, g, h, i, k, l, m, n, o, p, q, de dix toises en dix toises par des canaux dans lesquels on a détourné le lit de la riviere. On prend l’eau dans ces canaux avec des écopes de forme singuliere, représentées fig. 1. Pl. II. de Blanchisserie (V. Ecope), & on la jette sur les toiles étendues, en sorte qu’elles se trouvent par-tout également mouillées : on réitere cette opération jusqu’à ce que les toiles soient entierement dégorgées de cette premiere lessive.

Lorsque les toiles sont seches, on peut les retirer du pré, & les mettre à une seconde lessive.

La seconde lessive sera augmentée d’un tiers de cassoude. Les toiles seront ainsi coulées la troisieme, quatrieme & cinquieme lessive, avec cette augmentation de cassoude, observant à chaque lessive ce qui a été prescrit ci-dessus.

Il faut observer que si après la premiere lessive on ne pouvoit pas retirer les toiles seches de dessus le pré à cause des pluies, en ce cas, après avoir repamé les toiles, on pourroit les mettre à la lessive à la sortie du repamoir.

La sixieme & septieme lessive sera coulée avec la même quantité de cassoude que les précédentes, & avec les mêmes attentions ; c’est-à-dire, que les toiles doivent être seches.

La huitieme & neuvieme lessive sera faite avec les toiles qu’on aura repamées sortant du pré ; elles seront mises dans les cuviers étant mouillées.

On doit observer pour les lessives suivantes, dont le nombre est indéterminé, qu’il faut les encuveter seches une lessive, & les repamer, & les encuveter mouillées à la lessive suivante, ainsi alternativement.

On doit aussi observer pour les lessives où les toiles ont été encuvetées seches, qu’il faut que la lessive soit seulement à demi-chaude ; au lieu que quand les toiles sont écrues ou mouillées, elle peut être bouillante.

A l’égard de la quantité de cendres cassoudes, pour cent vingt pieces de toile de Flandre de trente-six aunes de longueur & de trois quarts de large, on met cent livres de cendres ; quant aux deux ou trois premieres lessives, seulement quatre-vingts livres.

Lorsque les toiles sont à demi blanches, on met un tiers de cendres vecdasses ; & lorsqu’elles sont tout-à-fait blanches, & prêtes à entrer au lait, les lessives sont seulement composées de cendres blanches ou de bois commun ; cette derniere donne un fond beaucoup plus clair, & un blanc plus parfait.

Lorsque les toiles sont blanches, il faut les retirer du pré, les repamer pour les mettre au lait, après qu’elles sont égouttées.

La laiterie est une salle plus ou moins grande, dans laquelle sont plusieurs grandes cuves de bois enterrées de toute leur hauteur dans le sol de la salle. La grandeur de ces cuves est à peu près égale à celle des cuviers. On jette les toiles encore moites dans ces cuves, & par-dessus une quantité suffisante de lait écrêmé, pour qu’elles soient entierement plon-

gées : on les laisse en cet état pendant vingt-quatre

heures ; on les retire du lait pour les porter au repamoir, où elles sont repamées. Lorsque les toiles sont repamées, elles vont toutes mouillées à la frotterie ou frottoir. Le frottoir est une autre salle où des femmes sont occupées à savonner les lisieres des toiles, qui n’ont pû être autant blanchies que le milieu de l’étoffe par les opérations précédentes.

Cette salle contient plusieurs baquets A, B, C, Pl. I. au bas, de trois piés de large, & d’environ quatre pouces d’épaisseur, & de quinze ou dix-huit de profondeur : le bord supérieur de ces baquets, qu’on appelle plateaux, est incliné en-dedans, ensorte que l’eau puisse retomber : ils sont portés sur deux pieces de bois DD, EE, soûtenues par des piés scellés dans le plancher, qu’on appelle chantiers.

Chacun de ces plateaux contient un autre vase de bois XXX, dont le diametre est à peu près le tiers de celui du plateau, qu’on appelle tinette ; cette tinette contient de l’eau chaude qui sert à détremper le savon noir contenu dans les écuelles de bois FF, posées sur les piliers GG, qui sont placés entre chaque plateau X.

Les autres ustenciles que cet attelier contient, sont un fourneau garni de sa chaudiere, pour faire chauffer l’eau nécessaire aux tinettes ; quelques tables pour poser les toiles & les visiter, c’est-à-dire, examiner si les lisieres ont été assez savonnées ; & une machine qu’on appelle chaise, représentée fig. premiere, Pl. I.

Ces chaises ne sont autre chose qu’une caisse à jour composée de quatre montans ou piliers, de quelques bâtons qui les unissent, & d’un fond de planches ; le tout a assez de ressemblance avec un tabouret commun renversé. Cet instrument sert à égoutter les toiles au sortir des mains des frotteuses.

Pour savonner les lisieres, les toiles étant ployées en deux suivant leur longueur, & en plusieurs doubles, ensorte que toutes les lisieres soient rassemblées dans l’étendue d’un pié & demi ou environ, la frotteuse prend un peu de savon dans l’écuelle F, l’applique sur l’endroit qui ne paroît pas assez blanc ; elle frotte ensuite deux parties de lisiere l’une contre l’autre jusqu’à ce que la tache soit effacée, observant de mouiller de tems en tems avec l’eau chaude contenue dans la tinette du plateau sur le bord duquel elle travaille. Deux ouvrieres peuvent travailler en même tems sur le même plateau sans s’incommoder ; l’une est d’un côté des chantiers, & l’autre du côté opposé.

Après que les toiles ont été suffisamment frottées, elles vont à la lessive douce, de-là sur le pré pour être arrosées : au sortir du pré il faut les repamer & les remettre au lait, d’où elles sortent pour être portées pour la seconde fois au frottoir, d’où elles passent à la lessive légere.

Cette lessive légere est composée d’un quart seulement de cassoude ; si on a de la vecdasse, on peut couler les toiles avec la même quantité de cette derniere matiere sans cassoude.

Lorsque les toiles sortent du frottoir pour la seconde fois, elles sont portées humides à la lessive : il faut en mettre seulement deux lits dans le cuvier, avoir la lessive chaude, & en jetter dessus environ la quantité qu’une chaudiere en peut contenir ; cela fait, il faut en mettre deux autres lits, & les arroser avec la même lessive, & continuer de la sorte jusqu’à ce que toutes les toiles qui doivent passer par cette lessive soient entrées dans le cuvier ; alors on les arrosera avec la même lessive bouillante, que l’on aura augmentée d’eau pour que la chaudiere soit pleine.

Après avoir laissé couler la lessive trois fois, on sortira les toiles ainsi chaudes, on les étendra sur le pré, où on les fera arroser deux ou trois fois.

Après le troisieme arrosage, il faut retirer les