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de plomb qu’ils placent sur un bâtiment neuf & qui sont en vûe. C’est pourquoi ils ont un fourneau à étamer, sur le foyer duquel chargé de braise, deux compagnons tiennent suspendues & chauffent les tables de plomb, tandis qu’un autre y étend des feuilles d’étain battu, qu’il frotte avec des étoupes & de la poix-résine, à mesure que l’étain se fond. Voyez Plomb & Plombier, & la fig. prem. Pl. III. de Plomberie.

Blanchir, (en terme de Plumassier) c’est ôter aux plumes le gros de la teinture, en les passant dans de l’eau claire.

Blanchir, (en Serrurerie) c’est enlever à la grosse lime les premiers traits de la forge.

Blanchir la soie, les étoffes de laine. Voyez Soie, Bonneterie, Drapier, Laine.

BLANCHISSERIE DES TOILES, se dit de l’art de blanchir les toiles ou de leur faire perdre la couleur jaune, sale, ou grise, qu’elles ont au sortir des mains du tisserand ; c’est aussi le nom que l’on donne au lieu où se fait cette opération, qui s’appelle par cette raison blanchisserie ou buerie en terme Flamand-Picard.

La blanchisserie doit être située sur le bord d’une riviere environnée de prés ; elle est composée de cinq bâtimens ou atteliers séparés, qui sont le moulin, la buerie, proprement dite le frottoir, la laiterie, & la ployerie ou le magasin.

Les trois blanchisseries de Senlis sont situées sur la riviere de Nonnette, entre Senlis & Chantilly, vis-à-vis Courteuil. Les eaux de cette riviere, qui sont bordées de prés, sont au dire des gens du pays, les plus propres que l’on connoisse pour servir à blanchir les toiles.

La premiere préparation que l’on donne aux toiles, lorsqu’elles sont arrivées à la blanchisserie, consiste à en ôter le parou, qui est l’apprêt que le Tisserand leur donne. Voyez Parou & l’article Tisserand ; ce qui se fait en les laissant tremper dans l’eau pure : on les y laisse en Flandre pendant 8 à 10 jours, même dans les chaleurs. Au bout de ce tems, on les repame, on les étend, & on les seche. Ici, on les fait fouler dans le moulin ; ce moulin est en tout semblable à celui des foulons. Voyez Foulon, Moulin à Foulon ; il n’en differe qu’en ce que les maillets n’ont point de dents, mais sont arrondis par la partie qui tombe sur les toiles : au reste la mécanique de ces moulins est exactement la même que celle des foulons en laine. Ceux qui ne se servent point de moulin, dégorgent les toiles, à force de les arroser, après les avoir laissé tremper pendant 8 ou dix jours, comme nous avons dit.

Cette opération achevée, on repame les toiles. Repamer, c’est battre les toiles dans un eau courante, en les y jettant de dessus un petit pont qui traverse la riviere, & qui n’est élevé que d’un pié ou deux au-dessus de la surface de l’eau ; ce pont s’appelle repamoir, conjointement avec la partie du lit de la riviere, dans laquelle les toiles trempent & sont battues. On étend ensuite les toiles pour les faire sécher, & on coule la premiere lessive.

Le lieu où on coule les lessives s’appelle particulierement buerie ou blanchisserie, par ce que ce n’est que par des lessives réitérées que l’on parvient à rendre les toiles blanches. Ce lieu, dis-je, est une salle plus ou moins grande selon le nombre des cuviers & des bacs que l’on y veut placer ; c’est dans le même lieu que l’on prépare & que l’on coule les lessives. L’eau y est conduite par des rigoles placées à une hauteur convenable au-dessus des chaudieres ; cette eau est élevée par des pompes ou une roue à pots, ou par tout autre moyen que l’hydraulique enseigne.

Préparation de la lessive. Après avoir pulverisé par le moyen d’une meule tournante, mûe par un che-

val ou par l’équipage du moulin, les cendres de cassoude,

& les avoir tamisées dans un tamis de cuivre, dont les trous n’excedent point la grosseur d’un grain de chenevi ; on les met tremper dans les bacs D, E, F, qui sont des coffres de charpente, revêtus intérieurement de planches bien étanchées. On laisse écouler, quand on le juge à propos, l’eau chargée des sels desdites cendres, dans les autres bacs G, H, I, qui sont au-dessous, dont on ne voit qu’une petite partie. Ces derniers bacs sont de briques ou tuileaux maçonnés avec du ciment, comme les bassins des jardins faits avec les mêmes matieres.

Les trois bacs D, E, F, contiennent trois différentes sortes de cendres : dans le premier. on met tremper les cendres cassoudes ; dans le second, les cendres vecdasses, & dans le troisieme, les cendres communes de bois neuf : ces trois sortes de cendres employées séparément ou mêlées ensemble dans différentes proportions, forment les différentes sortes de lessives qui sont en usage dans ces manufactures. Lorsque l’on veut faire une lessive, on prend dans un des bacs G, H, I, autant d’eau chargée des sels de la cendre du bac qui est au-dessus, qu’il en est besoin, ou de plusieurs bacs, s’il est nécessaire, pour faire une lessive composée : on met ces eaux qu’on doit avoir laissé reposer jusqu’à ce qu’elles soient claires & limpides, dans un autre bac de ciment C, où on les tient en réserve pour s’en servir au besoin.

Les cendres par cette premiere lotion à l’eau froide n’ont pû être épuisées totalement de leurs sels : pour en tirer le reste, on les met dans le bac B, qui est aussi de ciment. Ce bac s’appelle bac à brasser. Il reçoit l’eau chaude de la chaudiere de fer A, qui est assise sur un fourneau de brique semblable à celui des Teinturiers. Cette eau chaude acheve de détremper les sels que l’eau froide n’avoit pû dissoudre. Cette opération est encore accélérée par le travail des ouvriers, qui remuent continuellement les cendres dans l’eau avec des pelles de bois ; c’est ce qui a fait donner à ce bac le nom de bac à brasser. La lessive qu’on retire par ce moyen est jettée après qu’elle a été éclaircie dans le bac C, d’où on la tire pour la jetter dans des rigoles qui la conduisent dans les chaudieres P, Q, R, S, établies chacune sur un fourneau, dont les ouvertures Y, Y, Y, Y, répondent sous une hotte de cheminée ; ensorte que la fumée du bois qui entretient le feu sous les chaudieres, puisse trouver par-là une issue. Ces chaudieres qui sont de fonte ou fer fondu, ont trois piés de diametre.

Les cuviers K, L, M, N, sont placés vis-à-vis des chaudieres : ils sont de brique maçonnée avec chaux & ciment ; leur diametre est d’environ six piés, & leur profondeur à peu près la même. Chaque cuvier est garni dans son fond d’un plancher ou grillage de planches de chêne, élevé d’environ un pié au-dessus du fond des cuviers, qui est de maçonnerie comme tout le reste. Chaque cuvier a de plus deux tuyaux que l’on ferme avec des tampons ou des robinets. Un de ces deux tuyaux X qui sont placés au-dessous du plancher de planches, le plus près qu’il est possible du fond du cuvier, sert à couler la lessive du cuvier dans la chaudiere ; l’autre placé à l’opposite du premier derriere le cuvier, & qu’on ne voit pas, sert à lâcher dans une rigole ou égoût caché aussi par les cuviers, au derriere desquels il est placé, la lessive contenue dans les cuviers : après qu’on en a tiré tout le service qu’on peut en espérer, elle sort par cette rigole, pour s’aller perdre dans la riviere ou dans la campagne.

Pour couler la lessive, on puise avec un seau dans les chaudieres P, Q, R, S, & on jette dans les cuviers K, L, M, N, O, remplis des toiles proposées à blanchir. Les cuviers de Flandre contiennent chacun quarante aunes de trois quarts, & on y met cent livres