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distinguons communément deux sortes de bestiaires ; les premiers étoient condamnés aux bêtes, soit comme ennemis faits prisonniers, ou comme esclaves & coupables de quelque crime énorme : on les exposoit les uns & les autres aux bêtes tout nuds & sans défenses ; il ne leur servoit même de rien de vaincre les bêtes & de les tuer ; car on en lâchoit toûjours de nouvelles sur eux, & le combat ne finissoit que par la mort des condamnés. Mais il arrivoit rarement qu’il en fallût deux pour le même homme ; deux hommes étoient souvent vaincus par une seule bête. Cicéron parle d’un lion qui en massacra lui seul deux cens. Les bestiaires qui succédoient aux premiers s’appelloient ἔφεδροι, & les derniers ἔσχατοι ; chez les Romains, meridiani. V. Gladiateur, Amphithéatre, &c.

Les Chrétiens étoient des bestiaires de cette espece ; quelques-uns même d’entr’eux, bien que citoyens Romains, n’en étoient pas exempts, quoiqu’ils dûssent l’être suivant les lois.

La seconde espece des bestiaires étoit composée, ainsi que l’observe Seneque, de jeunes gens qui pour acquérir de l’expérience au maniement des armes, combattoient quelquefois contre les bêtes, & quelquefois les uns contre les autres ; ou des braves qui vouloient bien s’exposer à ces dangereux combats pour montrer leur courage & leur adresse. Auguste excita les jeunes gens de la premiere qualité à ce genre d’exercice ; Néron s’y exposa ; & Commode pour en être sorti vainqueur, acquit le titre d’Hercule Romain.

Vigenere ajoûte deux autres especes de bestiaires : les premiers qui l’étoient par état, combattoient pour de l’argent ; les seconds qui se présentoient armés, & plusieurs ensemble, combattoient en liberté contre un certain nombre de bêtes. (G)

BESTIALITÉ, (en Doit.) est le crime d’un homme ou d’une femme qui auroit un commerce charnel avec une bête. Ce crime se punit par le feu : on brûle même l’animal qui a été l’instrument du crime. (H)

BESTIAUX, voyez Bétail.

BESTION ou LION, s. m. (Marine.) c’est le bec ou la pointe de l’éperon à l’avant des porte-vergues. Les matelots donnent ce nom à la figure qu’on y met, & qui communément représente quelqu’animal. Quelques-uns le nomment le lion, parce qu’autrefois la plûpart des vaisseaux Hollandois portoient à la pointe de l’éperon la figure de cet animal. Aujourd’hui l’on y met différentes sortes de figures. V. Pl. I. en N, la figure d’un centaure qui est à la pointe de l’éperon du vaisseau le centaure. Les Espagnols y mettent assez souvent la figure de quelque saint ou sainte, dont le vaisseau porte le nom. (Z)

* BETAIL, s. m. (Œconom. rust.) on comprend sous ce terme toutes les bêtes à quatre piés qui servent à la nourriture de l’homme & à la culture des terres. On les distribue en bêtes à cornes & en bêtes à laine. Les bêtes à cornes sont les bœufs & les vaches ; & les bêtes à laine sont les moutons & les brebis : on peut y ajoûter les boucs & les chevres. Il est inutile de s’étendre sur les secours & sur les revenus qu’on tire des bestiaux ; voyez aux articles Bœuf, Vache, Mouton, Brebis, Bouc, Chevre, Agneau, ce qui concerne ces animaux. Voyez aussi Berger & Bergerie.

* BETANCOS, (Géog.) petite ville d’Espagne dans la Galice, sur le Mandéo. Long. 9. 40. lat. 43. 21.

* BETE, ANIMAL, BRUTE, (Gramm.) Bête se prend souvent par opposition à homme ; ainsi on dit : l’homme à une ame, mais quelques philosophes n’en accordent point aux bêtes. Brute est un terme de mépris qu’on n’applique aux bêtes & à l’homme qu’en mauvaise part. Il s’abandonne à toute la fureur de son pen-

chant comme la brute. Animal est un terme générique

qui convient à tous les êtres organisés vivans : l’animal, vit, agit, se meut de lui-même, &c. Si on considere l’animal comme pensant, voulant, agissant, réfléchissant, &c. on restraint sa signification à l’espece humaine ; si on le considere comme borné dans toutes les fonctions qui marquent de l’intelligence & de la volonté, & qui semblent lui être communes avec l’espece humaine, on le restraint à bête : si on considere la bête dans son dernier degré de stupidité, & comme affranchie des lois de la raison & de l’honnêteté selon lesquelles nous devons régler notre conduite, nous l’appellons brute.

On ne sait si les bêtes sont gouvernées par les lois générales du mouvement, ou par une motion particuliere : l’un & l’autre sentiment a ses difficultés. V. l’article Ame des Bêtes. Si elles agissent par une motion particuliere, si elles pensent, si elles ont une ame, &c. qu’est-ce que cette ame ? on ne peut la supposer matérielle : la supposera-t-on spirituelle ? Assûrer qu’elles n’ont point d’ames, & qu’elles ne pensent point, c’est les réduire à la qualité de machines ; à quoi l’on ne semble guere plus autorisé, qu’à prétendre qu’un homme dont on n’entend pas la langue est un automate. L’argument qu’on tire de la perfection qu’elles mettent dans leurs ouvrages est fort ; car il sembleroit, à juger de leurs premiers pas, qu’elles devroient aller fort loin, cependant toutes s’arrêtent au même point ; ce qui est presque le caractere machinal. Mais celui qu’on tire de l’uniformité de leurs productions ne me paroît pas tout-à-fait aussi bien fondé. Les nids des hirondelles & les habitations des castors, ne se ressemblent pas plus que les maisons des hommes. Si une hirondelle place son nid dans un angle, il n’aura de circonférence que l’arc compris entre les côtés de l’angle ; si elle l’applique au contraire contre un mur, il aura pour mesure la demi-circonférence. Si vous délogez des castors de l’endroit où ils sont, & qu’ils aillent s’établir ailleurs ; comme il n’est pas possible qu’ils rencontrent le même terrein, il y aura nécessairement variété dans les moyens dont ils useront, & variété dans les habitations qu’ils se construiront.

Quoi qu’il en soit, on ne peut penser que les bêtes ayent avec Dieu un rapport plus intime que les autres parties du monde matériel ; sans quoi, qui de nous oseroit sans scrupule mettre la main sur elles, & répandre leur sang ? qui pourroit tuer un agneau en sûreté de conscience ? Le sentiment qu’elles ont, de quelque nature qu’il soit, ne leur sert que dans le rapport qu’elles ont entr’elles, ou avec d’autres êtres particuliers, ou avec elles-mêmes. Par l’attrait du plaisir elles conservent leur être particulier ; & par le même attrait elles conservent leur espece. J’ai dit attrait du plaisir, au défaut d’une autre expression plus exacte ; car si les bêtes étoient capables de cette même sensation que nous nommons plaisir, il y auroit une cruauté inoüie à leur faire du mal : elles ont des lois naturelles, parce qu’elles sont unies par des besoins, des intérêts, &c. mais elles n’en ont point de positives, parce qu’elles ne sont point unies par la connoissance. Elles ne semblent pas cependant suivre invariablement leurs lois naturelles ; & les plantes en qui nous n’admettons ni connoissance ni sentiment, y sont plus soûmises.

Les bêtes n’ont point les suprèmes avantages que nous avons ; elles en ont que nous n’avons pas : elles n’ont pas nos espérances, mais elles n’ont pas nos craintes : elles subissent comme nous la mort, mais c’est sans la connoître ; la plûpart même se conservent mieux que nous, & ne font pas un aussi mauvais usage de leurs passions. Voyez les articles Ame & Animal.

* Bêtes, (Combat des) Hist. anc. Les com-