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& six cents trente aiguilles. On verra dans la suite que chaque aiguille fait sa maille, & que par conséquent l’ouvrier faisoit, ou pouvoit faire sur ce métier, six cents trente mailles à la fois.

Mais il est à propos de donner ici la représentation d’une aiguille : on en voit une dans cette planche, fig. 11. il faut y distinguer trois parties ; son bec a, sa chasse b, & sa queue c : son bec est élastique, & quand il est pressé, il se cache dans la chasse b ; la queue c est prise dans le plomb à aiguilles. Nous avons donné à l’article Aiguille, la maniere de travailler les aiguilles du métier. On a pour ce travail une machine tout-à-fait commode, & très-curieuse ; elle est de l’invention du sieur Barrat, & il y a bien de l’apparence qu’elle differe peu de celle qu’a dû imaginer l’inventeur du métier ; car ce n’étoit pas assez que d’avoir imaginé la machine ; son exécution a dû offrir des difficultés étonnantes, & elle n’a pû avoir lieu que ces difficultés ne fussent levées ; pour cet effet, il a fallu trouver les moules des plombs à platines & des plombs à aiguille ; car s’il avoit fallu égaliser ces plombs à la lime, on n’auroit jamais fini : il a fallu trouver le moyen de pratiquer en très-peu de tems des chasses à des aiguilles fines comme des cheveux. Il ne faut donc pas regarder l’inventeur de la machine à faire des bas, comme un homme qui a imaginé une chose seule, très-difficile à la vérité, & qui l’a imaginée aussi parfaite presque qu’elle le pouvoit être ; mais comme un homme qui, lui seul, a encore surmonté tous les obstacles qui s’opposoient à l’exécution de la machine ; & ces obstacles sont de nature à ajoûter beaucoup à l’honneur de celui-là seul qui les auroit surmontés. Il faut consulter pour cet effet les articles de ce Dictionnaire, Moule & Aiguille.

Neuvieme Assemblage. Planc. VII.

Ce neuvieme assemblage est la machine entiere sur son fût.

Elle est composée 1°. de la cage, & de ses dépendances.

2°. De l’ame, & de ses dépendances.

3°. Des moulinets avec leurs dépendances.

4°. Des abattans, & de leurs dépendances.

Passons maintenant à la main-d’œuvre.

MAIN-D’ŒUVRE ou travail des bas sur le métier à bas.

Je diviserai la main-d’œuvre en sept opérations principales. La formation des mailles est le but de ces sept opérations. La premiere consiste à cueillir ; la seconde, à foncer du pié, & à former l’ouvrage ; la troisieme, à amener sous les becs ; la quatrieme, à former aux petits coups ; la cinquieme, à presser les becs, & à faire passer la maille du derriere sur les becs ; la sixieme, à abattre ; la septieme, à crocher.

Premiere Opération. Cueillir.

Pour rendre cette opération & les suivantes très-intelligibles, j’ai fait représenter les platines à ondes, & les platines à plomb, en grand.

Il y a une petite opération préliminaire à toute autre, c’est de noüer la soie à la premiere aiguille, comme on voit Planche I. du bas au métier, fig. 1. & fig. 2. au point 1, puis de la passer sous la seconde aiguille, & de lui faire faire un tour sur cette seconde aiguille, en la ramenant dessus ; de la conduire sous la troisieme aiguille, & de lui faire un tour sur cette aiguille, en la ramenant dessus ; de la conduire sous la quatrieme aiguille, & de lui faire faire un tour sur cette quatrieme aiguille, en la ramenant dessus, & ainsi de suite, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’aiguilles, & placer ce commencement d’ouvrage sous la gorge des platines, comme on l’y voit fig. premiere : cela fait, voici comment on travaille.

Le premier mouvement du cueillir consiste à prendre la soie au sortir de dessous la derniere aiguille, & de l’étendre sous les becs, comme on le voit en 3, 4, fig. premiere & fig. 3. & 2.

Le second mouvement, à presser sur la premiere marche à gauche ou à droite, selon le côté où sera le corps du chevalet : s’il est à droite, comme on le suppose ici, on pressera du pié la premiere marche à gauche ; il part de l’extrémité de cette marche une corde qui passe autour du tambour de la roue ; voy. la Pl. II. fig. 1. n° 9. cette corde 8 fera tourner le tambour & la roue 13 de droite à gauche : mais il y a autour de la roue une corde qui va de-là sur les roulettes de la barre à chevalet, & de ces roulettes aux S du corps à chevalet ; Voyez Pl. IV. fig. 6. n°. 54, 54 ; le corps à chevalet 51 même fig. glissera donc le long de la barre à chevalet 50 de droite à gauche : mais comme le comble 52 du corps à chevalet est plus haut que la queue des ondes, il accrochera en passant les queues des ondes, les chassera de la petite cavité c des ressorts de grille, fig. 1. Pl. IV. & le dessous de la tête de toutes les ondes sera forcé de descendre sur la barre à moulinet, voyez Pl. 5. fig. 1. & fig. 7. & s’y tiendra comme collé, par l’action du petit plan incliné ab, qui termine les ressorts de grille. Voyez fig. 1. Pl. IV. Or la tête des ondes ne peut descendre, que les platines à ondes qui sont assemblées avec les ondes ne descendent aussi : mais en descendant, leurs becs rencontreront nécessairement la soie qu’on a étendue dessous, l’entraîneront avec eux, comme on voit Pl. I. fig. 4. & lui donneront la disposition qu’on lui voit fig. 4. 5. ou 6. c’est-à-dire, qu’elle formera des boucles entre la seconde & la troisieme aiguille, entre la cinquieme & la sixieme, entre la huitieme & la neuvieme, & ainsi de suite. Fin de la premiere opération.

II. Opération. Foncer du pié & former l’ouvrage.

Le premier mouvement de cette opération se fait du pié dont on a cueilli & des deux mains. L’ouvrier prend la barre à poignée des deux mains, de maniere que ses pouces soient appliqués contre les pieces appellées pouces. Voyez Pl. VII. fig. 1. ses mains sont en AA, & ses pouces en BB. Il fait ensuite trois actions à la fois ; il presse du pié la marche 15, fig. 1. Plan. II. dont il a cueilli ou fait marcher le corps à chevalet de droite à gauche ; il tire des mains perpendiculairement en-bas la barre à poignée A A, fig. 1. Pl. VII. & il presse avec ses pouces fortement contre les pouces B B, fig. 1. Pl. VII. voyons quel est le résultat de ces actions.

Il part des extrémités de la traverse 6, 6, fig. 1. Pl. II. qui passe sous les marches 1, 2, 3, des cordes 9, 9, avec leurs crochets 10, 10, qui vont prendre les crochets du balancier 15, 15, Pl. II. fig. 3. la marche 1, 5, même Plan. fig. 1. étant pressée, presse la traverse 6, 6 : d’ailleurs le balancier 14, 14, 15, 15, fig. 3. même Pl. est attaché sur les épaulieres, comme on voit en 14, 14 ; les épaulieres reçoivent dans leurs charnieres les abattans, Pl. VI. fig. 1. 85, 85 ; 85, 85 : la barre à platines est attachée aux abattans, même Pl. & fig. 1. n° 84, 84. L’action du pié sur la marche tend donc à faire descendre les abattans, & avec les abattans, la barre à platines, avec la barre à platines, les platines à plomb, 91, 91, 91, même Plan. fig. 2.

L’action des mains qui tirent perpendiculairement en-bas les abattans, tend aussi à faire descendre les abattans, la barre à platines, & les platines à plomb.

Les actions du pié & des mains conspirent donc ici. L’action des pouces contre les pieces appellées pouces, tend, fig. 6. Pl. IV. à lever la partie antérieure des contre-pouces 43, 43, par conséquent à faire baisser leur partie postérieure 45, & à appliquer la