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superstitieuses & extravagantes dans la plûpart des religions qui divisent le genre humain. (D. J.)

FONCTION, (Physiolog.) puissance d’agir qui dépend de la structure de l’organe réduit en acte ; on donne en physiologie le nom de fonction aux principales actions qui se font dans le corps humain, par le mouvement des humeurs dans les vaisseaux, & par la résistance de ces vaisseaux.

On a coutume de distinguer les fonctions en vitales, naturelles & animales.

Les fonctions vitales, sont celles qui sont si nécessaires à la vie, qu’il est impossible de vivre sans elles : telles sont la circulation du sang, ou l’action musculeuse du cœur, la sécrétion des esprits dans le cervelet, l’action du poumon, du sang, & de ces esprits dans ces organes, dans leurs arteres, leurs veines, leurs nerfs ; d’où l’on comprend que les fonctions vitales peuvent beaucoup se perfectionner ou s’altérer sans qu’on cesse de vivre.

Les fonctions naturelles, sont celles qui changent les alimens dont on se nourrit en la propre substance du corps ; telles sont les actions des vaisseaux, des visceres, des humeurs, tant celles qui reçoivent, retiennent, meuvent, changent, melent, que celles qui appliquent, consument, servent aux sécrétoires & aux excrétoires. L’on voit par-là que les fonctions naturelles sont la digestion, la nutrition, l’accroissement, la filtration, l’éjection des excrémens, auxquelles on peut joindre la génération, qui conserve en quelque maniere l’homme, puisqu’elle perpétue son espece.

Les fonctions animales, sont celles qui se font dans l’homme ; de-sorte qu’il en conçoit des idées qui sont unies à cette action corporelle, ou que la volonté concourt à produire cet acte, ou que cet acte même remue, agite & détermine la volonté. Ces fonctions sont le tact, le goût, l’odorat, la vue, l’ouie, la perception, l’imagination, la mémoire, le jugement, le raisonnement, les passions de l’ame, les mouvemens volontaires ; & quelquefois les involontaires, car les fonctions animales ne sont pas toujours volontaires.

Ainsi pour me résumer en deux mots, les fonctions vitales sont celles dont la vie de l’homme dépend à chaque moment ; telle est la circulation du sang. Les fonctions naturelles sont celles qui sont nécessaires à la conservation de la vie ; telle est la digestion. Les fonctions vitales, sont les mouvemens, les sensations, l’imagination, la mémoire, &c.

Voila toute la physiologie du corps humain considéré comme vivant, & c’est par l’étude de cette physiologie qu’on se forme une idée physique de ce qu’est proprement la vie, les causes de sa durée, & comment elle vient à cesser. Voyez Vie.

Celui qui de plus connoîtroit toutes les conditions nécessaires pour l’exercice des fonctions vitales, animales & naturelles du corps, sauroit, à la vue de leur dérangement, quelle condition manque, en quoi, & pourquoi ; & de cette connoissance, il déduiroit toujours clairement la nature du mal qui en résulte ; mais tant de lumieres & de perspicacité n’appartiennent qu’à des intelligences supérieures à celles qui vivent sur notre globe. Davi sumus non Œdipi.

FORMIER, s. m. (Art méchaniq.) sous le nom de formier l’on comprend tous ceux dont l’art consiste dans la fabrique & la vente des formes, especes de moules de bois, à-peu-près de la forme (mot d’où ils ont pris leur nom) du pié humain, sur lesquels les Cordonniers montent les souliers.

Il n’y a aucun doute que l’art de fabriquer des formes ne soit presque aussi ancien même que l’usage des souliers ; selon toute apparence, on n’a pu sans beaucoup de difficulté les monter sans moules ; de-là est venu la nécessité de les imaginer, & de leur don-

ner pour cet effet la même forme que l’on jugeoit à

propos de donner aux souliers. Ces sortes de formes ont-changé, & changent encore tous les jours de figure comme les souliers ; celles dont on se sert aujourd’hui sont de plusieurs especes, nous en verrons les détails après avoir parlé des bois qui leur sont propres.

Des bois propres à cet art. Les bois propres aux formes sont de deux sortes, le hêtre & le noyer ; le premier est sans contredit le plus propre à cette sorte d’ouvrage, étant plus sain, plus tendre, par conséquent plus facile à couper, & moins sujet aux nœuds & à se fendre ; l’autre moins préférable, & dont on se sert fort rarement, est un peu plus durable, mais aussi plus dur à couper, sujet à fendre, s’il n’est bien choisi, & en même tems plus cher, raison pour laquelle on en emploie fort peu : les formiers le font venir par voye, & en emploient jusqu’à deux ou trois chaque semaine, à proportion qu’ils sont chargés d’ouvrages, soit pour la ville ou pour la province.

Des formes. L’usage des formes est devenu si commun chez les Cordonniers par la commodité qu’ils y ont trouvée pour la monture des souliers, qu’il n’y en a point maintenant dont la boutique n’en soit garnie par centaine, la forme, ainsi que la grandeur & la grosseur des piés, étant si différentes, qu’ils sont nécessairement obligés d’en avoir chez eux au-moins autant qu’ils ont de pratiques, ce qui en procure un débit très-considérable.

De la maniere de faire une forme. Nous avons vu ci-dessus que le hêtre étoit le bois dont on se servoit le plus ordinairement pour les formes, ce bois doit être autant qu’il se peut à trois quarres, cette forme laissant alors beaucoup moins de bois à couper, par conséquent moins de perte & moins d’ouvrage à faire. Ainsi pour faire une forme, un ouvrier l’ébauche, & un autre la plane, la rape, & la polit à la peau de chien-de-mer.

Pour ébaucher une forme, on commence d’abord par la tenir de la main gauche par un bout, & l’appuyer par l’autre sur le billot, fig. 1. Pl. IV. des outils, & avec la hache, fig. 6. même Planche, on enleve la moitié A d’un des quarres, comme on le voit aussi en A, fig. 2. Pl. I. côté du bout du pié ; on retrécit ensuite les deux côtés B B, fig. 3. en forme de demi-pointe ; on applatit le dessous pour le dresser, l’amincir, & lui faire lever le petit bout en C, fig. 4. On enleve ensuite les deux arrêtes D D, fig. 5. côté du talon, que l’on évide en EE ; on perce ensuite un trou F, fig. 6. on y enfonce un clou en G, fig. 7. dont on rive la pointe par l’autre côté, & cela pour empêcher la forme de se fendre, lorsque le cordonnier y attache son cuir avec d’autres cloux. Ainsi ébauchée, un autre ouvrier la plane & l’arrondit sur son banc, fig. 3. Pl. IV. avec la plane, fig. 4. qui s’y trouve arrêtée, en tenant la forme de la main gauche & le manche de la plane de la droite. Ceci fait, il la rape, ou la lime avec l’une des rapes, fig. 14. & 15. ou l’une des limes, fig. 16. & 17. même Planche, & lui donne la figure convenable ; il la polit ensuite en la frottant avec de la peau de chien-de-mer, & la finit, ainsi que la représente la fig. 7.

Des formes. On divise les formes en deux sortes, les unes simples, & les autres brisées ; les unes servent de moules aux souliers lorsqu’on les monte ; les autres servent à les aggrandir, lorsqu’étant faits ils sont trop petits, ce qu’on appelle mettre en forme.

Des formes simples. Les formes simples sont de deux sortes : les premieres faites pour monter les souliers des hommes sont plus grosses & plus fortes ; les autres faites pour monter les souliers des femmes sont plus petites.