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de trois serres qui ont entr’elles un cartilage fort mince & noir, qui commence à l’angle de leur division, & va se terminer à la naissance de l’ongle qui est à l’extrémité de chaque serre. La serre de chaque patte a deux pouces de longueur, en y comprenant l’ongle qui a quatre lignes & trois articulations. La serre du devant de la patte, a un pouce huit lignes & demi de longueur, & deux articulations. La troisieme serre, ou la serre extérieure, a deux pouces & demi-ligne de longueur, & quatre articulations ; & la quatrieme & la posterieure ne consiste qu’en un seul ongle, dont la longueur n’est que d’une ligne. La construction de son bec est fort singuliere. Il a sur la partie supérieure une élévation divisée en deux cavités semblables à un nez avec ses deux narines ; aussi cette élévation n’est autre chose que le nez de l’oiseau. (D. J.)

DELICATESSE fausse, (Langue françoise.) la fausse délicatesse, dans les actions libres, dans les mœurs on dans la conduite, n’est pas ainsi nommée pour être feinte ; mais parce qu’elle s’exerce sur des choses & en des occasions qui n’en exigent point. La fausse délicatesse de goût & de complexion, n’est telle au contraire que parce qu’elle est feinte ou affectée. C’est Emilie qui crie de toute sa force sur un petit péril qui ne lui fait pas de peur. C’est une autre qui par mignardise pâlit à la vue d’une souris, ou qui veut aimer les violettes, & s’évanouir aux tubéreuses. La Bruyere. (D. J.)

DETTE PUBLIQUE, (Droit politique.) il faut qu’il y ait une proportion entre l’état créancier & l’état débiteur. L’état peut être créancier à l’infini, mais il ne peut être débiteur qu’à un certain degré ; & quand on est parvenu à passer ce degré, le titre créancier s’évanouit.

Si cet état a encore un crédit qui n’ait point reçu d’atteinte, il pourra faire ce qu’on a pratiqué si heureusement dans un état d’Europe ; c’est de se procurer une grande quantité d’especes, & d’offrir à tous les particuliers leur remboursement, à-moins qu’ils ne veuillent réduire l’intérêt. En effet, comme lorsque l’état emprunte, ce sont les particuliers qui fixent le taux de l’intérêt : lorsque l’état veut payer, c’est à lui à le fixer.

Il ne suffit pas de réduire l’intérêt : il faut que le bénéfice de la réduction forme un fond d’amortissement pour payer chaque année une partie des capitaux ; opération d’autant plus heureuse, que le succès en augmente tous les jours.

Lorsque le crédit de l’état n’est pas entier, c’est une nouvelle raison pour chercher à former un fond d’amortissement, parce que ce fond une fois établi, rend bientôt la confiance.

Si l’état est une république dont le gouvernement comporte par sa nature que l’on y fasse des projets pour long-tems, le capital du fond d’amortissement peut être peu considérable ; il faut dans une monarchie que ce capital soit plus grand.

2°. Les réglemens doivent être tels que tous les citoyens de l’état portent le poids de l’établissement de ce fond, parce qu’ils ont tous le poids de l’établissement de la dette, le créancier de l’état, par les sommes qu’il contribue, payant lui-même à lui-même.

3°. Il y a quatre classes de gens qui paient les dettes de l’état : les propriétaires des fonds de terre, ceux qui exercent leur industrie par le négoce, les laboureurs & les artisans, enfin les rentiers de l’état ou des particuliers. De ces quatre classes, la derniere dans un cas de nécessité sembleroit devoir être la moins ménagée, parce que c’est une classe entierement passive dans l’état, tandis que ce même état est soutenu par la force active des trois autres. Mais comme on ne peut la charger plus sans détruire la

confiance publique, dont l’état en général & ces trois classes en particulier ont un souverain besoin ; comme la foi publique ne peut manquer à un certain nombre de citoyens, sans paroitre manquer à tous ; comme la classe des créanciers est toujours la plus exposée aux projets des ministres, & qu’elle est toujours sous les yeux & sous la main ; il faut que l’état lui accorde une singuliere protection, & que la partie débitrice n’ait jamais le moindre avantage sur celle qui est créanciere. Esprit des lois. (D. J.)

DIPTYQUES, s. f. plur. (Hist. ecclés.) c’étoient des livres ou tables ecclésiastiques ; il y en avoit de deux sortes : les premieres contenoient les noms des patriarches, papes, & évêques des principales églises, qui étoient encore en vie ; & dans les autres étoient les noms de ceux qui étoient morts dans la communion de l’Eglise ; le diacre les lisoit à l’autel pendant le service. On regardoit comme une marque de communion de mettre le nom d’un évêque dans ces tables publiques ; & quand on le rayoit, c’étoit un refus de communion avec lui, & une sorte d’excommunication : l’usage de ces diptyques est assez ancien, & remonte du-moins jusqu’au quatrieme siecle. On y inséroit quelquefois, outre les noms des évêques, ceux de quelques autres hommes fameux par leur piété, & particulierement ceux des empereurs orthodoxes, & même des conciles généraux, comme on le voit par la lettre de l’empereur Justinien à Epiphane, patriarche de Constantinople. Il est fait souvent mention de ces diptyques dans les peres, les conciles, & les historiens ecclésiastiques. (D. J.)

DISPENSE, s. f. (Droit natur. & polit.) privilége particulier accordé par le souverain, pour affranchir quelqu’un du joug de la loi.

L’obligation que les lois imposent, a précisément autant d’étendue que le droit du souverain ; & par conséquent l’on peut dire en général, que tous ceux qui sont sous sa dépendance, se trouvent soumis à cette obligation. Ainsi personne ne doit être tenu pour affranchi d’une loi, à-moins qu’il ne fasse voir quelque privilege particulier du souverain qui l’en exempte.

Si le législateur peut abroger entierement une loi, à plus forte raison peut-il en suspendre l’effet par rapport à telles ou telles personnes : c’est donc un droit du souverain qui lui est incontestable.

Mais je remarque qu’il n’y a que le législateur lui-même qui ait ce pouvoir : le jugé inférieur peut bien, & doit consulter les regles de l’équité dans les cas où la loi le permet, parce qu’en suivant à la rigueur les termes de la loi, il agiroit contre l’esprit du législateur. Ainsi la dispense est l’effet d’une faveur gratuite du souverain ; au lieu que l’interprétation suivant l’équité, est du ressort de l’emploi d’un juge. Grotius a donné un excellent petit ouvrage sur cette matiere.

2°. Le souverain est obligé de ménager les dispenses avec beaucoup de sagesse, de peur qu’en les accordant sans discernement, & sans de très-fortes raisons, il n’énerve l’autorité des lois, ou qu’il ne donne lieu à la jalousie & à l’indignation des citoyens, par une préférence partiale qui exclut des mêmes faveurs des gens qui en sont également dignes. Plutarque apporte l’exemple d’une dispense bien rafinée dans le tour que prit Agésilas, pour empêcher que ceux qui avoient fui dans un combat ne fussent notés d’infamie ; c’est qu’il suspendit pour un jour l’effet des lois : « que les lois, dit-il, dorment aujourd’hui ». Quand le souverain croit nécessaire de suspendre la force des lois, il ne doit jamais motiver cette suspension par des subtilités.

3°. Toute dispense accordée par le souverain, ne peut avoir lieu qu’en matiere de lois positives, &