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ment de la religion chrétienne, cette pratique des Juifs n’étant point fondée sur l’Ecriture, ne devant point son origine à Moise, & n’étant appuyée que de la tradition des rabbins.

Il remarque dans l’onzieme lettre, que l’argument de M. Wall, tiré de l’autorité des peres, porte sur une supposition qu’on ne lui accordera pas aisément, je veux dire, que l’Eglise primitive n’a rien crû ni pratiqué, que ce qu’elle avoit reçu des apôtres ; mais, dit le docteur Gale, sans donner atteinte à l’honneur & à la probité des peres, leurs témoignages ne peuvent établir le baptême des petits enfans ; quand M. Wall multiplieroit encore davantage les citations tirées de leurs écrits : car si les peres ne prouvent que le fait, ou ce qui se pratiquoit dans l’Eglise, & non le droit ; & si l’Eglise n’étoit pas entierement exempte d’innovations, comment leur témoignage prouve-t-il que le baptême des petits enfans n’étoit pas une innovation, mais une institution de Jesus-Christ ?

Il est fâcheux de rappeller la mémoire des exemples de la fragilité humaine, dont la primitive Eglise elle-même n’a point été exempte. C’étoient des hommes sujets aux mêmes passions que nous ; il n’est donc pas surprenant qu’ils se trompassent quelquefois, ni que leur zèle pour la gloire de Dieu ne fût pas toujours éclairé : & quoiqu’il pût les empêcher de perdre ce que notre Seigneur leur avoit laissé de considérable à garder, il pouvoit cependant les exposer à ajouter bien des choses, qu’il n’avoit jamais autorisées. Les apôtres, au-contraire, ont suivi ses directions sans s’en écarter le moins du monde, parce qu’ils étoient assistés extraordinairement de l’esprit de Dieu.

Mais les chrétiens du siecle qui a suivi immédiatement, ont fait plusieurs additions, de l’aveu de Tertullien, dans son livre de corona. Eusebe, Hist. eccl. l. III. c. xxxij. rapporte, sur le témoignage d’Hégésippe, que l’Eglise se conserva tout le tems des apôtres comme une vierge chaste ; ... mais, dit-il, depuis que les apôtres eurent été enlevés .... les faux docteurs eurent la hardiesse de publier plusieurs erreurs permanentes.

Enfin, M. Gale dans sa derniere lettre, remarque que du tems de S. Cyprien, le baptême des petits enfans étoit en usage en Afrique, & qu’il y a peut-être pris naissance ; que les Africains étoient généralement de petits esprits ; que selon les apparences, l’église grecque n’avoit point encore reçu cette erreur ; que le baptême des enfans commença d’abord, ainsi que toutes les autres innovations, par quelques légers changemens dans le dogme, ce qui passa peu-à-peu dans la pratique, & parvint à la longue à ce degré d’autorité dont il jouit depuis si long-tems ; qu’enfin il doit en quelque façon son origine au zèle, mais à un zèle peu éclairé, semblable à celui qui engagea les plus anciens pœdobaptistes à donner la communion aux enfans. (D. J.)

BARRETTE, terme de Bijoutier, est la bande d’or placée & soudée à la cuvette d’une tabatiere, ou garniture de boite à deux tabacs, qui sert de repos & d’entre-deux aux fermetures des deux couvercles, aussi bien qu’à marier ces fermetures de façon que quand l’ouvrage est bien fait, la jonction en échappe à l’œil.

BATON a cire, terme de Metteur-en-œuvre, est un petit bâton, pour l’ordinaire d’yvoire, enduit de cire par le bout, que l’on mollifie dans les doigts jusqu’à ce qu’on puisse haper les diamans avec : on s’en sert pour représenter les pierres dans les chatons, & les en retirer lors de l’ajustage.

BAYADERE, s. f. (Hist. mod.) nom de femmes galantes, entretenues, comme on dit vulgai-

rement aux Indes, par les pagodes, c’est-à-dire qui

passent leur vie dans l’intérieur de ces temples des dieux de la gentilité. Voyez Pagode.

Les brames ou brachmanes fournissent de quoi vivre à ces femmes destinées aux plaisirs secrets des Indiens. Toutes les fois qu’on donne des fêtes particulieres, on en envoie chercher pour danser ; elles ne sortent jamais sans être mandées, ou bien dans certains jours où elles assistent en chantant & en dansant au son de divers instrumens qu’elles touchent en l’honneur de leurs dieux qu’elles précedent toujours, quand les gentils les promenent dans les villes, ou d’une pagode à une autre.

BENGALI, s. m. (Hist. nat.) sorte d’oiseau qui se trouve dans le pays du Bengale, d’où il paroît qu’il tire son nom. Cet oiseau est aussi petit qu’une fauvette ; son plumage depuis la tête jusqu’à l’estomac, est d’un rouge ardent, au dessus de la couleur de feu ; ce rouge est semé d’un nombre infini de petits points blancs imperceptibles qui plaisent à la vue ; mais cet oiseau n’a point de ramage, il n’a qu’un cri assez désagréable.

BIBLIOTAPHE, s. m. (Littérature.) enterreur de livres. Quoique ce mot composé de βιβλίον, livre, & de θάπτω, j’ensevelis, ne se trouve pas dans les dictionnaires ordinaires, il doit avoir place dans celui-ci, parce qu’il mérite autant le droit de bourgeoisie que bibliographe, & sur-tout parce que les bibliotaphes n’amassent des livres que pour empêcher les autres d’en acquérir & d’en faire usage

La bibliotaphie est la bibliomanie de l’avare ou du jaloux, & par conséquent les bibliotaphes sont de plus d’une façon la peste des lettres ; car il ne faut pas croire que ces sortes de personnes soient en petit nombre : l’Europe en a toujours été infectée, & même aujourd’hui il est peu de curieux qui n’en rencontrent de tems-en-tems en leur chemin. Casaubon s’en plaint amerement dans une lettre à Hoeschelius : Non tu imitaris, lui dit-il, ineptos quosdam homines, quibus nulla adeò gloriatio placet, quàm si quid rari habent, id ut soli habere, & sibi tantum dicantur. Odiosum, importumum, αὐθέκαστον, & a musis alienum genus hominum. Tales memini me experiri aliquot es magno cum stomacho meo. Il y a une tradition non interrompue sur cet article, que l’on pourroit commencer à Lucien, & finir au P. le Long. Le citoyen de Samosate a fait une sortie violente contre un de ces ignorans qui crovent passer pour habiles, parce qu’ils ont une ample bibliothèque, & qu’ils en ont exclu un galant homme ; il conclut en le comparant au chien qui empêche le cheval de manger l’orge qu’il ne peut manger lui-même, τοίνυν ἀλλῳ, &c.

Depuis Lucien, nous ne trouvons que de semblables plaintes. Si vous lisez les lettres d’Ambroise Camaldule, ce bon & docte religieux, qui non-seulement a passé sa vie à procurer l’avancement des sciences, par ses ouvrages, mais qui prêtoit volontiers ses manuscrits les plus précieux, vous verrez qu’il a souvent rencontré des bibliotaphes qui, incapables de faire usage des manuscrits qu’ils avoient entre les mains, en refusoient la communication à ceux qui ne la demandoient que pour en gratifier le public. Philelphe s’est aussi vu dans les mêmes circonstances, & ses lettre, sont remplies de malédictions contre les gens de cette espece.

En n’imaginant pas que des savans du caractere du P. le Long aient été exposés à leurs duretés ; il l’a été néanmoins, & n’a pu, malgré la douceur qui lui étoit naturelle, retenir son chagrin contre ces enterreurs de livres ; après avoir remercié ceux qui lui avoient ouvert leurs bibliothèques. Si le P. le Long, qui étoit toujours prêt à faire voir la belle & nombreuse bibliothèque dont il disposoit, a essuyé des