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ve à une seule personne qui le remplit tout entier ; ensorte qu’il ne nous reste que de l’indifference pour toutes les autres beautés de l’univers.

La galanterie est jointe à l’idée de conquête par faux honneur, ou par vanité ; l’amour consiste dans le sentiment tendre, délicat, & respectueux, sentiment qu’il faut mettre au rang des vertus.

La galanterie n’est pas difficile à démêler ; elle ne laisse entrevoir dans toutes sortes de caracteres, qu’un goût fondé sur les sens. L’amour se diversifie, selon les différentes ames sur lesquelles il agit. Il regne avec fureur dans Médée, au lieu qu’il allume dans les naturels doux, un feu semblable à celui de l’encens qui brûle sur l’autel. Ovide tient les propos de la galanterie, & Tibulle soupire l’amour.

C’est d’amour dont Lydie est atteinte, quand elle s’écrie :

Calaïs est charmant ; mais je n’aime que vous.
Ingrat, mon cœur vous justifie ;
Heureuse également en des liens si doux
De perdre ou de passer ma vie.

Trad. de M. le duc de Nivernois.

Lorsque la niece du cardinal de Mazarin, recevant un ordre pour se rendre à Brouage, dit à Louis XIV : « Ah, sire, vous êtes roi, vous m’aimez, & je pars », ces paroles qui disent tant de choses, n’en disent pas une qui ait rapport à la galanterie ; c’est le langage de l’amour qu’elle tenoit. Bérénice dans Racine ne parle pas si bien à Titus.

Quand Despréaux a voulu railler Quinault, en le qualifiant de doux & de tendre, il n’a fait que donner à cet aimable poëte, une louange qui lui est légitimement acquise. Ce n’est point par-là qu’il devoit attaquer Quinault ; mais il pouvoit lui reprocher qu’il se montroit fréquemment plus galant que tendre, que passionné, qu’amoureux, & qu’il confondoit à tort ces deux choses dans ses écrits.

L’amour est souvent le frein du vice, & s’allie d’ordinaire avec les vertus. La galanterie est un vice, car c’est le libertinage de l’esprit, de l’imagination, & des sens ; c’est pourquoi, suivant la remarque de l’auteur de l’esprit des Lois, les bons législateurs ont toujours banni le commerce de galanterie que produit l’oisiveté, & qui est cause que les femmes corrompent avant même que d’être corrompues, qui donne un prix à tous les riens, rabaisse ce qui est important, & fait que l’on ne se conduit que sur les maximes du ridicule que les femmes entendent si bien à établir. (D. J.)

ANSE, (Orfevre en grosserie.) se dit d’un ornement en forme de console, adhérent à différentes pieces d’argenterie, comme pots-à-l’eau, coquemards, tasses, plats à soupe, & autres vases.

ANTEPAGMENTA, s. pl. n. (Architect. anc.) chambranle qui comprend les trois parties de la porte ; savoir, un assemblage de bois qui s’attache sur la pierre.

M. Saumaise croit que antepagmenta & antæ, different en ce que les antes étoient de pierre, & antepagmenta étoient de bois. Les interprétes disent que c’est un pié droit, ou un jambage ; mais ces termes ne sont pas assez précis pour expliquer antepagmentum, qui ne signifie pas seulement les deux côtés de la porte, mais même le dessus, comme on le voit quand Vitruve parle d’antepagmentum superius. Ce mot se trouve encore dans le ch. vij. du liv. IV. de Vitruve, & M. Perrault le traduit par les ais, selon l’interprétation de Philander, qui ne croit point qu’antepagmenta doive signifier des chambranles en cet endroit, car il ne s’agit point de portes & de fenêtres ; mais de l’entablement composé de l’architrave, & il y a apparence que Vitruve s’en sert pour

signifier, suivant son étymologie, une chose qui est clouée sur une autre. (D. J.)

ANTHOLOGIE, (Littérat.) l’Anthologie manuscrite de la bibliotheque du roi de France, dont on parle dans le Dictionnaire, est un morceau précieux. Saumaise en trouva l’original dans la bibliotheque de Heidelberg. On ne sait comment François Guyet, mort en 1655, âgé de 80 ans, en a eu copie : quoiqu’il en soit, il en laissa une qui tomba après sa mort entre les mains de M. Ménage. Celui-ci étant mort en 1682, laissa ses manuscrits à une personne qui demeuroit chez lui depuis long-tems ; cette personne chercha bien-tôt à s’en défaire. Feu M. Bignon, premier président du grand-conseil, en acheta la plus grande partie, & M. l’abbé de Louvois ayant entendu parler de l’Anthologie pour laquelle M. Rostgaard gentilhomme danois, avoit déjà offert de l’argent, il l’acheta, & en enrichit la bibliotheque du roi. C’est un in-folio en papier de soixante feuillets fort bien écrit, de la main même de Guyet, qui a joint au texte un grand nombre de corrections & de restitutions, avec d’autres notes pour l’intelligence du texte. Le recueil est de plus de sept cens épigrammes ; le tout fait environ trois mille vers : il est divisé en cinq parties.

M. Boivin nous a donné dans les Mémoires de l’académie des Inscriptions, tome II. une liste alphabétique des poëtes auxquels les épigrammes sont attribuées. Cette liste est d’environ six vingt auteurs, parmi lesquels il y en a pour le moins trente dont nous n’avons rien dans l’Anthologie imprimée ; & à ce sujet pour nous faire connoître par quelque échantillon ce manuscrit précieux, il en donne trois épigrammes choisies avec des traductions en latin & en françois, indépendamment de plusieurs remarques savantes sur ces trois épigrammes. (D. J.)

APOSTROPHE, (Rhétor.) nous avons un exemple bien placé de cette figure dans un procès, entre le sieur de Lalande, & le sieur de Villiers & son épouse, plaidé en 1705 à la grand’chambre du parlement de Paris ; où l’avoc t de ces derniers opposoit l’inégalité des biens. M. de Blaru qui plaidoit pour le sieur de Lalande, ayant dit que le sieur de Lalande offroit de donner à sa fille autant de biens que le sieur de Villiers & la dame sa femme en donneroient à leur fils, il apperçut en même-tems la dame de Villiers qui étoit à l’audience : « Entendez-vous, lui dit il, madame, l’offre que je vous fais, je suis prêt à la réaliser ». Il éleva encore sa voix, & répéta la même apostrophe ; & comme la dame de Villiers n’y répondit rien, il ajouta : « Je vois bien que la nature est sourde, & je tire du silence de la dame de Villiers l’avantage de conclure, que s’il y a quelque inégalité de biens à opposer, le sieur de Villiers pere n’est pas en droit de se servir de ce moyen, & que c’est le sieur de Lalande qui pourroit l’employer ». Cette figure de rhétorique qu’employa M. de Blaru, & la conséquence qu’il tira du silence de cette dame lui firent d’autant plus d’honneur, qu’il gagna sa cause. (D. J.)

ARCHAGETES, s. m. plur. (Littérat. grecq.) les Spartiates appelloient ainsi leurs rois d’un nom différent de celui que prenoient les autres rois de la Grece, comme pour leur montrer qu’ils n’étoient que les premiers magistrats de la république, semblables aux deux consuls de Rome : car un des deux rois servoit de contrepoids à la puissance de l’autre, & les éphores balançoient l’autorité de tous les deux. (D. J.)

ARRACHEMENT, s. m. (Chirurgie.) l’arrachement est une division que l’on fait sur les parties molles & sur les parties dures, lorsqu’il faut en retrancher quelque portion : c’est par elle qu’on ôte, par