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d’Appius, via appia, à Beneventum. Il prit son nom de Tiberius Minutius, consul, qui le fit faire l’an 448 de Rome, sept ans après celui d’Appius. Cicéron parle de la voie minucienne dans la sixieme lettre du IX. livre à Atticus.

La porte Minucia étoit dans le neuvieme quartier de Rome, entre le Tibre & le capitole, & par conséquent fort éloignée de la voie minucienne. Cette porte fut nommée minucienne à cause qu’elle étoit proche de la chapelle & de l’autel du dieu Minucius.

Il y avoit encore à Rome dans le neuvieme quartier une halle au blé, porticus stumentaria, qui fut aussi nommée porticus minucia, parce que Minucius Augurinus, qui exerça le premier l’intendance des vivres, la fit bâtir en 315. (D. J.)

Voie romaine, (Antiq. rom. & Littérat.) via romana ; route, chemin des Romains, qui conduisoit de Rome par toute l’Italie, & ailleurs. Au défaut des connoissances que nous n’en pouvons plus avoir dans les Gaules, recueillons ce que l’histoire nous apprend de ces sortes d’ouvrages élevés par les Romains dans tout l’empire, parce que c’est en ce genre de monumens publics qu’ils ont de bien loin surpassé tous les peuples du monde.

Les voies romaines étoient toutes pavées, c’est-à-dire, revêtues de pierres & des cailloux maçonnés avec du sable. Les lois des douze tables commirent cette intendance au soin des censeurs. censores urbis vias, aquas, ærarium, vectigalia, tueantur. C’étoit en qualité de censeur qu’Appius, surnommé l’aveugle, fit faire ce grand chemin depuis Rome jusqu’à Capoue, qui fut nommé en son honneur la voie appienne. Des consuls ne dédaignerent pas cette fonction ; la voie daminiene & l’émilienne en sont des preuves.

Cette intendance eut les mêmes accroissemens que la république. Plus la domination romaine s’étendit, moins il fut possible aux magistrats du premier rang de suffire à des soins qui se multiplioient de jour en jour. On y pourvut en partageant l’inspection. Celle des rues de la capitale fut affectée d’abord aux édiles. & puis à quatre officiers, nommés viocuri, nous dirions en françois voyers. Leur département étoit renfermé dans l’enceinte de Rome. Il y avoit d’autres officiers publics pour la campagne, curate es viarum. On ne les établissoit d’abord que dans l’occasion ; & lorsque le besoin de quelque voie à construire ou à réparer le demandoit. Ils affermoient les péages ordonnés pour l’entretien des routes & des ponts. Ils faisoient payer les adjudicataires de ces péages, régloient les réparations, adjugeoient au rabais les ouvrages nécessaires, avoient soin que les entrepreneurs exécutassent leurs traités, & rendoient compte au trésor public des recettes & des dépenses. Il est souvent parlé de ces commissaires, & de ces entrepreneurs, mancipes, dans les inscriptions, où ils étoient nommés avec honneur.

Le nombre des commissaires n’est pas aisé à déterminer. Les marbres nous apprennent que les principales voies avoient des commissaires particuliers, & que quelquefois aussi un seul avoit pour départemens trois ou quatre grandes voies. On peut juger du relief que donnoit cette commission par ces mots de l’orateur romain, ad Attic. l. I. epist. 1. Thermus est commissaire de la voie flaminienne ; quand il sortira de charge, je ne ferai nulle difficulté de l’associer à César pour le consulat.

Le peuple romain crut faire honneur à Auguste en l’établissant curateur & commissaire des grandes voies aux environs de Rome. Suétone dit qu’il s’en réserva la dignité, & qu’il choisit pour substituts des hommes de distinction qui avoient déjà été préteurs. Tiberc se fit gloire de lui succéder pour cette charge ; & afin de la remplir avec éclat, il fit aussi travailler

à ses propres frais, quoiqu’il y eût des fonds destinés à cette sorte de dépense. Caligula s’y appliqua à son tour, mais il s’y prit d’une maniere extravagante & digne de lui. L’imbécille Claudius entreprit & exécuta un projet que le politique Auguste avoit cru impossible ; je veux dire de creuser à-travers une montagne un canal pour servir de décharge au lac Fucin, aujourd’hui lac de Celano. Aussi l’exécution lui couta-t-elle des sommes immenses. Néron ne fit presque rien faire aux grandes voies de dehors, mais il embellit beaucoup les rues de Rome. Les regnes d’Othon, de Galba & de Vitellius furent trop courts & trop agités. C’étoit des empereurs qu’on ne faisoit que montrer, & qui disparoissoient aussi-tôt. Vespasien, sous qui Rome commença d’être tranquille, reprit le soin des grandes voies. On lui doit en Italie la voie intercica. Son attention s’étendit jusqu’à l’Espagne. Ses deux fils Titus & Domitien l’imiterent en cela ; mais ils furent sur passés par Trajan. On voit encore en Italie, en Espagne, sur le Danube, & ailleurs les restes des nouvelles voies & ponts qu’il avoit fait construire en tous ces lieux-là. Ses successeurs eurent la même passion jusqu’à la décadence de l’empire, & les inscriptions qui restent suppléent aux omissions de l’histoire.

Il faut d’abord distinguer les voies militaires, viæ militares, consulares, prætoriæ, de celles qui ne l’étoient pas, & que l’on nommoit viæ vicinales. Ces dernieres étoient des voies de traverse qui aboutissoient à quelque ville située à droite ou à gauche hors de la grande voie, ou à quelque bourg, ou à quelque village, ou même qui communiquoient d’une voie militaire à l’autre.

Les voies militaires se faisoient aux dépens de l’état, & les frais se prenoient du trésor public, ou sur les libéralités de quelques citoyens zélés & magnifiques, ou sur le produit du butin enlevé aux ennemis. C’étoient les intendans des voies, viarum curatores, & les commissaires publics qui en dirigeoient la construction ; mais les voies de traverse, viæ vicinales, se faisoient par les communautés intéressées, dont les magistrats régloient les contributions & les corvées. Comme ces voies de la seconde classe fatiguoient moins que les voies militaires, on n’y faisoit point tant de façons : cependant elles devoient être bien entretenues. Personne n’étoit exempt d’y contribuer, pas même les domaines des empereurs.

Des particuliers employoient eux-mêmes, ou léguoient par leur testament une partie de leurs biens pour cet usage. On avoit soin de les y encourager ; le caractere distinctif du romain étoit d’aimer passionnément la gloire. Quel attrait pouvoit-on imaginer qui eût plus de force pour l’animer, que le plaisir de voir son nom honorablement placé sur des monumens publics, & sur les médailles qu’on en frappoit. L’émulation s’en mêloit, c’étoit assez.

La matiere des voies n’étoit point partout la même. On se servoit sagement de ce que la nature présentoit de plus commode & de plus solide ; sinon, on apportoit ou par charrois, ou par les rivieres, ce qui étoit absolument nécessaire, quand les lieux voisins ne l’avoient pas. Dans un lieu c’étoit simplement la roche qu’on avoit coupée ; c’est ainsi que dans l’Asie mineure on voit encore des voies naturellement pavées de marbre. En d’autres lieux, c’étoit des couches de terres, de gravois, de ciment, de briques, de cailloux, de pierres quarrées. En Espagne la voie de Salamanque étoit revêtue de pierre blanche : de là son nom via argentea, la voie d’argent. Dans les Pays-bas les voies étoient revètues de pierres grises de couleur de fer. Le nom de voies ferrées que le peuple leur a donné, peut aussi bien venir de la couleur de ces pierres, que de leur solidité.

Il y avoit des voies pavées, & d’autres qui ne l’é-