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Il n’y a qu’un espace qui ne feroit aucune résistance, dans lequel un mouvement parfaitement uniforme pût s’exécuter, de même qu’il n’y a qu’un tel espace dans lequel un mouvement perpétuel fût possible ; car dans cet espace il ne se pourroit rien rencontrer qui put accélérer ou retarder le mouvement des corps. L’inégalité ou la non uniformité de tous les mouvemens que nous connoissons, est une démonstration contre le mouvement perpétuel méchanique, que tant de gens ont cherché ; il est impossible, vû les pertes continuelles de forces que font les corps en mouvement, par la résistance des milieux dans lesquels ils se meuvent, le frottement de leurs parties, &c. Ainsi, afin qu’un mouvement perpétuel méchanique pût s’exécuter, il faudroit trouver un corps qui fût exempt de frottement, ou qui eût reçu du Créateur une force infinie, par laquelle il surmontât des résistances à tous momens répétées. Au reste, quoiqu’à parler exactement, il n’y ait point de mouvement parfaitement uniforme, cependant lorsqu’un corps se meut dans un espace qui ne résiste pas sensiblement, & que ce corps ne reçoit ni accélération ni retardement sensible, on considere son mouvement comme s’il étoit parfaitement uniforme. M. Formey.

La vîtesse est considerée ou comme absolue, ou comme relative ; la définition que nous avons donnée convient à la vîtesse simple ou absolue, celle par laquelle un certain espace est parcouru en un certain tems.

La vîtesse propre ou absolue d’un corps, est le rapport de l’espace qu’il parcourt, & du tems dans lequel il se meut. La vîtesse respective est celle avec laquelle deux corps s’approchent ou s’éloignent l’un de l’autre d’un certain espace dans un tems déterminé, quelles que soient leurs vîtesses absolues. Ainsi la vîtesse absolue est quelque chose de positif ; mais la vîtesse respective n’est qu’une simple comparaison que l’esprit fait de deux corps, selon qu’ils s’approchent ou s’éloignent plus l’un de l’autre. M. Formey.

La vîtesse avec laquelle deux corps s’éloignent ou s’approchent l’un de l’autre, est leur vîtesse relative, ou respective, soit que chacun de ces corps soit en mouvement, soit qu’il n’y en ait qu’un seul. Quoiqu’un corps soit en repos, on peut le regarder comme ayant une vîtesse relative par rapport à un autre corps supposé en mouvement ; si deux corps, en une seconde, se trouvent plus proches qu’ils n’étoient de deux piés, leur vîtesse respective sera double de celle qu’auroient deux corps qui n’auroient fait dans le même tems qu’un pié l’un vers l’autre, le mouvement étant supposé uniforme.

Une vîtesse non uniforme est celle qui reçoit quelque augmentation ou quelque diminution : un corps a une vîtesse accélérée, lorsque quelque nouvelle force agit sur lui, & augmente sa vîtesse. Il faut pour cet effet que la nouvelle force qui agit sur lui, agisse en tout ou en partie dans la direction suivant laquelle le corps se meut déja.

La vîtesse d’un corps est retardée, lorsque quelque force opposée à la sienne lui ôte une partie de sa vîtesse.

La vîtesse d’un corps est également ou inégalement accélérée, selon que la nouvelle force qui agit sur lui, y agit également ou inégalement en tems égal ; & elle est également ou inégalement retardée, selon que les pertes qu’il fait sont égales ou inégales en tems égaux.

Vîtesse des corps parcourans des lignes courbes. Suivant le système de Galilée sur la chute des corps, systême reçu aujourd’hui de tout le monde, la vîtesse d’un corps qui tombe verticalement, est à chaque moment de sa chute, proportionnelle à la racine de la hauteur d’où il est tombé. Après que Galilée eut

découvert cette proposition, il reconnut encore que si le corps tomboit le long d’un plan incliné, la vitesse seroit la même que s’il étoit tombé par la verticale qui mesure sa hauteur, & il étendit la même conclusion jusqu’à l’assemblage de plusieurs plans inclinés qui feroient entre eux des angles quelconques, en prétendant toujours que la vîtesse à la fin de la chûte faite le long de ces différens plans, devoit être la même que s’il étoit tombé verticalement de la même hauteur.

Cette derniere conclusion a été admise par tous les mathématiciens, jusqu’en 1693, que M. Varignon en démontra la fausseté, en faisant remarquer que le corps qui vient de parcourir le premier plan incliné, & qui arrive sur le second, le frappe avec une partie de la vîtesse qui se trouve perdue, & l’empêche par conséquent d’être dans le même cas que s’il étoit tombé par un seul plan incliné, qui n’auroit point eu de pli. M. Varignon après avoir relevé cette erreur, éclaircit la matiere de maniere à empêcher qu’on ne tombât dans l’erreur opposée, & à laquelle on étoit porté tout naturellement, qui étoit de croire que la chûte d’un corps le long d’une ligne courbe, c’est-à-dire le long d’une infinité de plans inclinés, ne pouvoit pas non plus produire des vîtesses égales à celles d’un corps qui seroit tombé verticalement de la même hauteur. Pour montrer la différence de ces deux cas, il fit voir que quand les plans inclinés font ensemble des angles infiniment petits, ainsi qu’il arrive dans les courbes, la vîtesse perdue à chacun de ces angles, est un infiniment petit du second ordre, ensorte qu’après une infinité de ces chûtes, c’est-à-dire après la chûte entiere par la courbe, la vîtesse perdue n’est plus qu’un infiniment petit du premier ordre, qu’on peut négliger, par conséquent auprès d’une vîtesse finie : on peut voir aussi sur ce sujet notre traité de dynamique, premiere partie vers la fin.

De même qu’une équation entre deux variables, peut exprimer une courbe quelconque, dont les coordonnées sont les variables de cette équation : on peut exprimer aussi par les variables d’une équation, les différentes vîtesses que deux forces produiroient séparément dans un même corps ; & si ces forces sont supposées agir parallelement aux deux lignes données de position, sur lesquelles on suppose prises ces variables, la courbe exprimée par l’équation sera alors celle que le corps décrit, en vertu de deux forces combinées ensemble. Si par exemple on suppose que l’une des forces est la gravité, & que l’autre ne soit qu’une premiere impulsion finie à laquelle ne succede aucune accélération, la courbe ayant des ordonnées proportionnelles aux racines des abscises, sera une parabole. Voyez Parabole.

Pour mesurer une vîtesse quelconque, d’une maniere constante qui puisse servir à la comparer à toute autre vîtesse, on prend le quotient de l’espace par le tems, supposant que cet espace soit parcouru, en vertu de cette vîtesse supposée constante. Si par exemple un corps, avec sa vîtesse actuelle, pouvoit parcourir 80 piés en 40 secondes de tems, on auroit , ou 2, pour exprimer sa vîtesse, ensorte que si on comparoît cette vîtesse à celle d’un autre corps qui feroit 90 piés en 3 secondes, comme on trouveroit de la même maniere ou 3, pour cette nouvelle vîtesse, on reconnoîtroit par ce moyen que le rapport de ces vîtesses est celui de 2 à 3.

s étant en général l’espace, & t le tems, st est la vîtesse ; pourvu que le mouvement soit uniforme : on peut faire une objection assez fondée sur cette mesure de la vîtesse : on dira que l’espace & le tems sont deux quantités hétérogenes, qui ne peuvent être comparées, & qu’on n’a point une idée claire du quotient st ; à cela il faut répondre que cette ex-