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l’aloës, le bdellium, la gomme de lierre, la gomme ammoniaque, l’oliban, le sagapenum, l’opopanax, l’assa fœtida ; entre les minéraux le soufre stalactite, la limaille de fer, toutes les préparations de ce métal ; & différentes préparations de chimie, comme les sels tirés par la calcination, l’arcanum & la terre foliée de tartre, sa crême, le sel polichreste, le nitre antimonié, l’esprit de sel ammoniac, la teinture de mars tirée avec l’esprit-de-vin, des fleurs martiales produites par la sublimation de la pierre hématite au moyen du sel ammoniac, la teinture de tartre, celle d’antimoine alkaline ; l’antimoine martial céphalique, les pilules de Becher, & autres semblables.

Il faut encore rapporter ici les fontaines médicinales, appellées ordinairement minérales, sur tout celles qui contiennent un principe ferrugineux, délié, comme les eaux de Pyrmons, de Spa, de Schwalbac, & plus encore celles qui sont plus abondamment empreintes d’un ochre martial, telles que celles de Lauchstadt, de Radeberg, d’Egra & de Freyenwald.

Ces balsamiques viscéraux agissent sur les visceres dont les vaisseaux sont engorgés & obstrués d’humeurs tenaces, au moyen d’un principe sulphureux, balsamique, terreux, d’une nature assez fixe ou d’un sel alkali sulphureux ou savonneux, & d’un goût amer, en incisant les liqueurs épaisses, & rendant du ressort aux vaisseaux qui ont perdu leur ton. Ce sont donc des remedes d’un effet assez universel dans les maladies longues que produit le vice de ces visceres, soit pour les guérir, soit pour s’en garantir.

Quoique tous les remedes viscéraux en général se rapportent en ce qu’ils fortifient le ton des visceres, & qu’ils débarrassent les obstructions, il est cependant nécessaire d’en faire une distinction & un choix exact, suivant la nature des visceres & des maladies.

Par exemple, lorsque le foie est attaqué d’obstruction, & que cette disposition produit la jaunisse, la cachexie, le scorbut, les remedes de vertu savonneuse & détersive sont les plus efficaces ; tels sont en particulier les racines apéritives, la rhubarbe, le safran bâtard, l’opopanax, le bdellium, le savon de Venise, l’élixir de propriété sans acide, l’essence de rhubarbe préparée avec le sel de tartre, & tous les remedes martiaux bien préparés.

Quand le poumon est trop relâché & engorgé, & que l’on est par cette raison menacé de phthisie, l’on emploie avec succès la myrrhe, la gomme ammoniaque, le soufre en stalactite, la véronique, la scabieuse, le cerfeuil, la piloselle, le marrube, le capillaire.

Lorsque le gonflement & l’engorgement de la rate engendrent l’impureté du sang, & sur-tout la cachexie, il faut donner la préférence sur les autres remedes aux écorces de tamarisc & de caprier, à la fumeterre, la scolopendre, l’épithyme, l’arrête-bœuf, &c.

Quand la foiblesse & le trop grand relâchement du ton des reins produit la néphrétique, l’écorce des racines d’acacia & son infusion, le rob de fruits d’églantier & de baies de genievre ont une espece de vertu un peu spécifique.

L’affoiblissement de la tension de l’utérus & de ses vaisseaux, & le ralentissement du mouvement progressif du sang & des liqueurs dans ces parties produit, sur-tout après l’avortement, beaucoup d’indispositions auxquelles remédient l’aristoloche, tant longue que ronde, l’armoise, la myrrhe, la matricaire, le galbanum, le bdellium, l’opopanax, le succin, les pilules de Becher, & les autres faites sur le même modele.

Si les intestins & les parties qui ont du rapport

avec eux, comme les glandes, les canaux secrétoires & excrétoires, biliaires, pancréatiques, lactés, ont perdu leur tension naturelle ; de sorte que le trop grand abord des humeurs cause des flux excessifs, ou que leur stagnation dans les vaisseaux devienne le foyer, & l’occasion de mouvemens de fievres, la rhubarbe, l’écorce de quinquina, de winter, de cascarille, les safrans très-divisés & les teintures de mars feront un effet qu’on attendroit vainement de tous les autres remedes.

Il faut observer sur l’usage des viscéraux fortifians en général qu’ils sont bien plus avantageux quand, avant que d’y avoir recours, on diminue la surabondance du sang, & qu’on balaie par des purgatifs appropriés les récrémens des premieres voies, sur-tout si, dans le dessein de donner plus de fluidité & de mobilité aux liqueurs, on les donne en décoction ou en infusion ; & mieux encore, lorsqu’on les joint à la boisson des eaux acidules ou thermales, ou à celle du petit-lait, qui certainement aide beaucoup l’opération de ces viscéraux qui sont de nature astringente, & leur donne une plus grande force pour dompter les maladies chroniques, sur-tout lorsqu’on en continue long-tems l’usage ; mais en même tems il est essentiel d’exercer suffisamment le corps, soit à cheval, soit en voiture, soit à pié, & de joindre les frictions journalieres à cet exercice. Telles sont les observations d’Hoffman sur les remedes viscéraux, & sur le choix qu’on en doit faire dans les diverses maladies. (D. J.)

VISCERE, s. m. (Physiolog.) on définit ordinairement le viscere, un organe qui par sa constitution change en grande partie les humeurs qui y sont apportées, en sorte que ce changement soit utile à la vie & à la santé du corps. Ainsi le poumon est un viscere qui reçoit tout le sang, & le change de façon qu’il devient propre à couler par tous les vaisseaux. De même le cœur est un viscere qui reçoit tout le sang, & le change par le nouveau mélange, & la nouvelle direction de mouvement qu’il y introduit.

Il est constant, ainsi que le démontrent les injections anatomiques, que tous les visceres sont formés d’un nombre infini de vaisseaux différemment rangés dans les différens visceres, & que l’action par laquelle ils changent les humeurs qui y sont apportées, dépend de ces vaisseaux des visceres. Si donc ces vaisseaux sont plus foibles qu’il n’est besoin pour la santé, ils agiront moins sur les fluides contenus ; ils les changeront moins. Ainsi le poumon trop débile, ne pourra convertir le chyle en bon sang ; si le foie est très-relâché dans ses vaisseaux, le sang fluera & refluera dans ce viscere sans que la bile s’en sépare, & l’hydropisie s’ensuivra. Tant que le ventricule sera dans un état languissant, il troublera l’ouvrage de la chylification.

Les fonctions des visceres different encore, suivant l’âge & le sexe, je dis l’âge, tous les visceres reçoivent une force qui s’augmente peu à peu, selon que les forces de la vie ont agi plus long-tems en eux. Delà vient que dans notre premiere origine, toutes nos parties étant très-débiles, elles sont presque fluentes ; mais elles acquierent peu à peu une plus grande fermeté, jusqu’à ce qu’elles soient presque endurcies dans la derniere vieillesse. Or il y a pendant le cours de notre vie, une gradation infinie, depuis cette débilité originaire jusqu’à l’extrême fermeté.

J’ai ajouté le sexe, les hommes ont les visceres plus forts ; les femmes nées pour concevoir, enfanter & nourrir des enfans, les ont plus lâches, plus flexibles. La même chose se trouve en tous lieux chez les peuples policés, comme chez les nations qui se conduisent par l’instinct de la nature, plutôt que par les lois.