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considérer dans l’usage des médicamens âcres & des médicamens chauds, savoir, les parties externes qui doivent supporter l’activité des épispastiques, & les internes qui ont besoin de ces remedes ; summæ partes quæ tolerant, & profondæ quæ egent. Vide lib. art. medic. cap. lxxxv. Le même auteur veut encore que lorsqu’il est question d’échauffer promptement, on ait recours aux remedes qui produisent la chaleur au moindre contact du corps, & la répandent avec la même célérité dans toutes les parties ; mais si c’est un membre refroidi qu’il soit besoin de réchauffer, il y faut employer des épispastiques dont l’effet soit plus lent & plus long. » Voy. lib. VI. simpl. cap. de zing. C’en est assez pour le général des vésicatoires, auquel on ne sauroit d’ailleurs rien ajouter sans anticiper sur les détails particuliers où ces matieres nous paroissent plus convenablement placées, & dont nous allons nous occuper tout de suite dans l’ordre déja indiqué.

Des rubéfians. C’est un effet inséparable de l’action des vésicatoires, que d’exciter des rougeurs sur la peau, ou d’être rubéfians ; ainsi d’après cette conformité générale d’effet, il semble qu’ils devroient tous être réduits à une seule & même classe qui seroit celle-ci : mais la plus grande ou la moindre énergie des uns comparés aux autres, mettant, ainsi que nous l’avons déja remarqué, des distinctions réelles dans leurs effets, les auteurs ont cru devoir établir un ordre de progression dans l’énumération de ces remedes, d’après l’estimation graduelle qu’on a faite de leurs vertus. Les rubéfians doivent donc être dans l’ordre pharmaceutique des individus de remedes spécifiés, par cette qualité sensible que nous avons dit être commune à tous les vésicatoires, de rougir la peau, & qui sont capables d’ailleurs des autres effets épispastiques dans un moindre degré ; ensorte que c’est la premiere nuance de la vertu vésicatoire prise en total, par laquelle les remedes sont caractérisés ; les anciens ont appellé ces remedes Φοινιγμὸς, phœnigmi, phœnigmes ; les substances ou les drogues qu’on y emploie sont les mêmes que celles de la plûpart des autres vésicatoires, quoiqu’il y en ait parmi elles qu’on désigne pour être plus particulierement rubéfiantes, telles que la semence de cresson, la fiente de pigeon ramier, le staphisaigre, l’iberis, &c. Dans la composition des rubéfians, les anciens n’employoient pas ces substances pures, mais on observoit d’en émousser la causticité ou l’âcreté par des ingrédiens, comme les huiles, & principalement les graisses parmi lesquelles on avoit grand soin de choisir, d’après les préjugés des tems, celles de lion, de léopard, d’hienne, d’oie, &c. ou par des préparations qui tiennent à des vûes chimiques & qu’on a pratiquées très-anciennement, comme de faire macerer dans du vinaigre la graine de moutarde, qui est une des principales matieres de ces remedes ; ou enfin par la médiocrité des doses & quelques circonstances dans les mélanges. Au moyen de cette correction, l’activité d’un vésicatoire proprement dit étoit réduite à celle de rubéfiant, qui néanmoins par un long séjour sur une partie, pouvoit faire l’office du premier, de même qu’un sinapisme ou tel autre puissant vésicatoire pouvoit n’être que rubéfiant, en abrégeant la durée de son application : d’où il est clair que l’état de rubéfiant dans ces remedes dépendant quelquefois de cette mesure de tems, on pourroit encore les définir, des vésicatoires réduits à la seule vertu de produire des rougeurs, soit par les correctifs dans la composition & dans les doses, soit par le tems qu’on laisse à leur action. Les rubéfians sont des compositions pharmaceutiques particulieres auxquelles on a donné spécialement le nom de rubefians ; ils peuvent être sous plusieurs formes ; les plus ordinai-

res sont l’emplâtre, le cataplasme, le liniment, &c.

Tous les anciens depuis Hippocrate ont fait beaucoup d’usage de ces remedes : on trouve dans Myrepsus, ind. medec. c. vij. la formule d’un emplâtre rubéfiant appelle anthemeron de l’invention d’Asclepiade, donné pour un remede souverain dans les hydropisies ; les myrobolans, la litharge, le nitre, le vinaigre, la résine, &c. entrent dans la composition de ce remede. Aëtius donne encore l’iberis ou le cardamum mêlé avec du sain doux, comme un rubéfiant très-utile recommandé par Archigene, Voyez Tetr. 1. serm. 3. c. clxxxiv. les médicamens appellés acopes fournissent encore des rubefians dans plusieurs maladies chroniques. Voyez Galien, de comp. medic. lib. VII. les cataplasmes en donnent également de très bons ; voyez sur-tout dans G. ibid. p. 927. le cataplasme pour les pleuretiques intitulé Pharmianum ; dans Arætée, liv. II. c. v. de curat. profluv. serm. un cataplasme rubéfiane, qui en rougissant la peau, y produisoit encore des tacnes appellées jonthos ; ce dernier remede est une composition de bois de laurier. Paul-d’Ægine, de re med. l. VIII. c. xix. donne d’après Alexandre, la formule d’un liniment rubéfiant où entre l’encre à écrire, ex ait amento scriptorio, & qui est très-vanté dans les migraines. Quelques modernes ont employe les cantharides, le saindoux, le savon, le sel, &c. dans les rubéfians ; voyez J. Heurnius, method. ad prax. Wepfer propose contre la migraine, à titre de rubéfiant très-léger, un morceau de veau rôti & trempé dans l’esprit-de-vin, où l’on aura fait macérer de la graine de moutarde. l. V. observ. 53. V. Musgraw. de arthritide pour des rubefians employés dans la goutte On pourroit compter parmi ces remedes l’emplâtre de caranna que Sydenham a fait appliquer avec succès à la plante des piés, dans le chorea sancti Viti, voyez Sydenh. op. p. 180. quelques onguens, quelques huiles odorantes, & quelqûes poudres, le même que le diacopregias de Coelius Aurelianus, qui n’est que la poudre de crotin de chevre, délayée dans du vinaigre ou du posca, peuvent passer pour rubéfians.

Les rubéfians conviennent, outre les maladies dont nous avons déja parlé dans les ophtalmies, les vertiges, la léthargie, les angines & dans quelques affections des reins, voyez dans Oribase. Duret observe néanmoins qu’on ne doit faire usage des phœnigmes dans la léthargie, qu’autant que le malade se trouve enseveli dans un sommeil profond & continu, ou qu’il est assoupi au point de ne pouvoir être autrement excité ; car, dit-il, ubi vigiliarum vicissitudo est per ἔκλαμψιν, id est micationem caloris febrilis, tutus non est phœnigmorum & sinapismorum usus. Voyez dans Hollier, p. 61. de morb. intern. lib. I. cap. de letharg. On peut inférer de ce passage qu’en général dans le cas de chaleur febrile, il n’est pas prudent de faire usage de ces remedes.

Les rubéfians sont ordinairement avec les dropaces, les précurseurs des sinapismes, c’est-à-dire qu’avant d’en venir aux sinapismes, on emploie d’abord les premiers pour préparer la partie. Par cette derniere raison, ces remedes entrent encore dans la méthode ancienne de traiter certaines plaies.

Les rubéfians peuvent s’appliquer sur presque toutes les parties du corps, ce qui est un privilege commun à tous les topiques d’une vertu foible. Leur effet consiste à mordre légerement sur la peau, à y exciter de l’irritation, de la chaleur, & à produite quelques petites révulsions. Les anciens avoient coutume après l’administration de ces remedes, de laver le malade, ou de le mettre dans le bain, ou enfin de frotter la partie avec des huiles chaudes.

Les fomentations, (voyez l’article Fomentations, Médecine thérapeutique, &c.) tant seches qu’humimides, sont de bons épispastiques rubéfians, en re-