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ment de la partie. On lit dans le chancelier Bacon, si pollex pedis dextri ex oleo ungatur, in quo cantharides sunt dissolutæ, mirabilem facit erectionem. Vide in bibliothec. phurmaceut. medic. Manget, lib. I. Les livres des observateurs sont pleins d’exemples de cette nature.

Les maladies dans lesquelles on a coutume d’emploier les vésicatoires, sont principalement les maladies chroniques ; j’entens celles dont l’art peut entreprendre la guérison ; celles-ci sont fondées 1°. sur des affections purement nerveuses ; 2°. sur de pareilles affections occasionnées par une matiere qu’on peut croire enfoncée bien avant dans la substance même du nerf ou des parties ; 3°. enfin sur une indisposition du tissu cellulaire qui se trouve abreuvé d’humeurs qui détruisent de plus en plus son ressort & celui des organes ; ce dernier cas revient à ce que les anciens appelloient intempérie froide. Voici d’ailleurs comment Galien s’explique sur les indications de ces remedes, au chapitre de evacuantibus ex alto auxiliis, in omnibus diuturnis affictionibus, cum nihil profuerint ulla auxilia, evocantem ex alto curationem metasyncriticam a methodicis appellatam.... facere plerique solent ; ego verò ubi intemperies quædam humida & frigida in affectis partibus est, aut obtusus aut stupidus sensus, adhibeo ipsis pharmaca ex sinapi aut thapsia & similibus confecta : at in siccis & calidis affectionibus non adhibeo ; mais en nous en tenant à notre premiere division des maladies chroniques, on peut dire en général que c’est ici le cas plus que jamais, d’exciter la fievre, suivant le fameux précepte d’Hippocrate, vetustos morbos primùm recentes facere oportet ; de locis in homine, cap. xiij. Dans le premier genre des maladies nerveuses, c’est-à-dire dans celles qui sont sans matiere, les vésicatoires capables de produire les plus fortes & les plus promptes révolutions, doivent être employés ; ainsi la fureur, au rapport d’Hippocrate, emporte l’épilepsie, furor magnum morbum (sic enim comitialem vocant), solvit, de morbis vulgar. sect. v. Ainsi l’on voit des manies, des fievres intermittentes opiniâtres, guéries par une conversion violente & subite dans le ton des nerfs occasionnée par la terreur, l’ivresse, & autres moyens analogues. L’histoire de ce qui arriva aux fameux Boerhaave, dans l’hopital de Harlem, en est une autre preuve. Dans le second genre des maladies, c’est-à-dire lorsque quelque matiere blesse les nerfs ou l’organe, il est bon de recourir aux épispastiques propres à résoudre les spasmes intérieurs causés par le délétere, ou à faire une puissante révulsion de celui-ci au-dehors ; ces remedes conviennent dans la goutte, la sciatique, la surdité, &c. ils s’étendent encore à beaucoup d’accidens qui surviennent dans les maladies aiguës, & dont il sera question au chapitre des vésicatoires proprement dits ; leur succès se manifeste ordinairement par des évacuations copieuses plus ou moins lentes, par des tumeurs, des abscès, &c. Jusqu’ici, l’action des vésicatoires dans ces deux genres, paroît appartenir à l’effet que nous avons appellé actif ; mais il est encore à propos d’observer à l’égard du second, que souvent il arrive qu’une petite portion d’humeurs viciées va & vient du noyau du corps à sa surface, & ne se fixe que pour un tems sur les organes de l’un & de l’autre ; c’est ce qu’on remarque dans quelques dartres, quelques éruptions exanthémateuses, quelques ulceres périodiques, &c. dont la disparition est quelquefois aussi dangereuse pour le malade, que leur retour lui est favorable ; alors on sent que suivant que l’humeur est rentrée dans le corps, ou se trouve rejettée actuellement à sa surface, l’effet des vésicatoires peut être actif ou passif, & qu’on doit en varier le choix d’après ces indications. Baillou parle d’un homme à qui le bras étoit devenu tout noir, par une métastase

qui se portoit de tems-en-tems à cette partie ; lorsque cette noirceur disparoissoit, l’homme tomboit dans la démence ; on fut d’avis de sacrifier la partie affectée de cette noirceur ; ce qui ayant été fait, l’homme fut entierement guéri, l. V. tom. III. lib. paradicm. Dans le troisieme genre de maladies chroniques, comme dans les œdemes, les leucophlegmaties, les hydropisies, les chloroses, &c. les vésicatoires doivent être plus doux ; & quant à leur effet, il paroît mêlé de l’actif & du méchanique : car il est vraissemblable que le seul poids de la masse du liquide épanché ne suffit pas toujours pour l’évacuer par l’ouverture faite ; on en trouve un exemple dans les journaux des maladies qui ont regné à Breslaw en 1700. Vesicatoria in corporibus succi plenis, plethoricis & nimià humorum copiâ repletis, interdùm ferè nulla evacuatio fuit secuta ; cujus rei ratio in nimia fluidi copia quæritur ; cum certum sit ad excretionem præter apertos poros, debitam fibrarum resistentiam, motum proportionatum, insimul debitam requiri fluidi copiam. Vide in actis erudit. anno 1701.

Il se présente ici maintenant une question assez intéressante, savoir s’il est indifférent pour ces effets que nous avons appellés actifs, de se passer ou non avec solution de continuité dans la partie. Nous croyons que dans bien des cas, dans tous ceux même où il ne s’agit que de corriger une inversion du ton du système nerveux, l’intégrité de la peau, sa réaction sur les autres organes, nous paroît nécessaire pour la marche réguliere des oscillations nerveuses : ainsi, par exemple, dans les amputations on voit que l’équilibre entre les organes, ne se rétablit qu’après la formation d’une cicatrice épaisse qui supplée toute la portion de la peau emportée avec le membre ; ainsi l’escarre peut suppléer avantageusement la peau dans les ustions, sans compter que l’effet de ces derniers remedes est principalement estimé par sa violence & sa promptitude ; il faut en dire autant de tous les autres effets prompts & momentanés. On ne sauroit donc trop s’attacher à reconnoître le genre de la maladie, avant de prononcer sur le choix des épispastiques, ne fût-ce que pour éviter au malade le désagrément d’une plaie ou d’une cicatrice, qui paroissent tout-au-moins inutiles dans les maladies sans matiere.

Tout ce qu’on peut noter des autres précautions à prendre en général dans l’administration des vésicatoires, se réduit 1°. à saigner ou à purger auparavant le malade, si le cas l’exige : car les épispastiques étant récorporatifs, c’est-à-dire propres à faire circuler la limphe nutritive, il pourroit en résulter des accidens fâcheux ; plus vous remplirez, dit Hippocrate, les corps impurs, & plus vous vous exposerez à leur nuire. 2°. Il ne faut pas appliquer ces remedes sur les organes délicats. 3°. Les doses en doivent être proportionnées à l’âge & au tempérament du malade, à la nature de la maladie, &c. 4°. Il convient de ne pas les employer au commencement des maladies aiguës, si vous en exceptez quelques-unes, comme l’apoplexie qui même à la rigueur, pourroit n’être pas comptée parmi ces dernieres.

Galien nous a encore laissé là-dessus des préceptes généraux qui paroissent confirmer en partie ce que nous disions au sujet du choix des vésicatoires. « C’est, dit cet auteur, lorsque les parties les plus extérieures se trouvent dans un état sain, & que ce qui doit être évacué est profondément caché dans les organes les plus internes, il convient d’augmenter ou de donner plus d’intensité à la chaleur du médicament épispastique, crainte que cette chaleur, avant de parvenir à ces organes, n’ait trop perdu de sa force, & il n’y a aucun risque que cela cause aucun dommage aux parties externes, puisqu’elles sont supposées saines. Deux choses sont donc à