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qui commencent par un mot monosyllabe, & continue graduellement par des mots toujours plus grands les uns que les autres, jusqu’au dernier qui est le plus grand de tous, de même qu’une massue commence par une queue assez foible, & va en augmentant jusqu’à la tête qui est le plus gros bout. Ce n’est que par hasard qu’on trouve dans les Poëtes quelques exemples de vers rhopaliques ; on cite seulement ce vers d’Homere, & le suivant qui est latin.

Ὦ μάκαρ Ἀτρεΐδη μοιρηγενὲς ὀλβιόδαιμον.
Spes Deus æterne est stationis conciliator.

(D. J.)

Vers, Poésie du, (Art poëtique.) la poésie du vers est la couleur, le ton, la teinte, qui constituent la différence essentielle du vers d’avec la poésie.

On voit des vers qui ont la mesure & le nombre des piés, qui ont les figures & les tours poétiques, outre cela de la noblesse, de la force, de la grace, de l’élévation, & qui cependant n’ont point ce goût, cette saveur qu’on trouve dans ce qui est réellement vers. Nous le sentons sur tout dans la poésie françoise, dont nous sommes plus en état de juger que de toute autre. Qu’on attache des rimes & la mesure à la prose toute poétique de Télémaque, on n’a point pour cela des vers : on sent le ton prosaïque qui perce à-travers les atours de la Poésie. Il y a plus : un vers de Moliere est vers chez lui, & il sera prose dans Corneille ; celui de Corneille sera vers dans le dramatique, & cessera de l’être dans l’épique.

Ce n’est point l’inversion qui constitue l’essence du vers, comme le prétend le pere du Cerceau ; car si cela étoit, de trente vers de nos meilleurs poëtes, il s’en trouveroit à peine cinq qui eussent ce caractere prétendu essentiel. L’inversion n’est qu’un sel du style poétique, qui doit être jetté avec discrétion de tems-en-tems pour soutenir l’attention de l’esprit, & prévenir le dégoût. Disons donc qu’un vers est poétique, quand l’expression mesurée a une élévation, une force, un agrément dans les mots, les tours, les nombres, qu’on ne trouve point dans le même genre lorsqu’il est traité en prose ; en un mot, quand elle montre la nature annoblie, enrichie, parée, élevée au-dessus d’elle-même.

La prose a des mots, des tours, de l’harmonie ; la poésie du vers a tout cela, mais elle l’a dans un degré beaucoup plus parfait, toutes les fois qu’elle le peut. Dans la langue grecque, elle se fabriquoit à elle-même des mots nouveaux : elle changeoit, transformoit, étendoit, resserroit à son gré les mots d’usage : elle alloit jusqu’à dire, « les mortels parlent ainsi ; mais voici comme disent les dieux ». Chez les Latins, elle oublie l’ordre & la marche de la prose ; elle emprunte des tours étrangers ; elle fait un composé singulier des choses qui sont communes, afin de s’élever au-dessus du ton vulgaire. Dans l’une & dans l’autre langue, elle se forge des chaînes, au milieu desquelles elle fait gloire de conserver tant d’aisance & de liberté, qu’on y reconnoît plutôt la puissance d’une divinité que les efforts de quelque mortel.

Enfin, c’est pour s’élever à cette sphere qui est au-dessus de l’humanité, que dans la langue françoise, elle s’est assujettie à des symmétries, des consonnances concertées entre l’esprit & l’oreille, qu’elle employe des mots qui ne sont qu’à elle seule, qu’elle brusque les constructions, &c. Cours de Belles-Lettres. (D. J.)

Vers, envers, (Gramm. franç.) vers est pour le lieu, versùs ; envers, pour les personnes, ergà ; vers Paris, envers Dieu. On dit se tourner vers Dieu, pour dire, avoir son recours à lui : on dit aussi, envoyer un ambassadeur vers quelqu’un.

Quand est pronom relatif, il est mal de le join-

dre à vers, comme le lieu vers où il alloit, il faut

dire vers lequel il alloit. (D. J.)

VERSAILLES, (Géog. mod.) ville de l’île de France, à quatre lieues au couchant de Paris. Ce n’étoit autrefois qu’un prieuré, dépendant de S. Magloire ; c’est à présent une ville assez considérable, où l’on arrive de Paris, de Sceaux & de Saint Cloud par trois longues avenues, & où la plûpart des seigneurs de la cour ont fait bâtir des hotels. Il y a dans cette ville deux paroisses, dont les peres de la mission sont curés. Long. 19. 50. 38. lat. 48. 48.16. Parlons du château.

En 1630, Louis XIII. acheta pour 20 mille écus la terre de Versailles, & y fit bâtir un petit château pour loger ses équipages de chasse. Ce n’étoit encore proprement qu’une maison de campagne, que Bassompierre appelle le chétif château de Versailles. Louis XIV. trouva la maison de campagne à son gré ; il fit de la terre une ville, & du petit château un celebre palais, un abîme de dépense, de magnificence, de grand & de mauvais goût ; préférant une situation des plus ingrates, basse, & couverte de brouillards, à celle qu’offre S. Cloud sur la Seine ou Charenton au confluent des deux rivieres.

Mais il eut encore été plus désirable, dit un historien moderne, que ce monarque eut préféré son Louvre & sa capitale à son nouveau palais, que le duc de Créqui nommoit plaisamment un favori sans mérite. Si la postérité admire avec reconnoissance ce qu’on a fait de grand pour le public, la critique se joint à l’étonnement quand on voit ce que Louis XIV. a fait de superbe, & de défectueux pour son habitation. La description de cette habitation remplit cinquante-six colonnes in-folio dans la Martiniere, & un volume in-12. dans Piganiol de la Force.

On ne peut que regretter les 8 millions de rente qui formerent en trois reprises, un emprunt de 160 millions perdus à la construction de Versailles, & qui pouvoient être si sagement employés à plusieurs ouvrages utiles & nécessaires au royaume. On connoît ce qu’un de nos poëtes lyriques a dit de cette entreprise de Louis XIV. lorsqu’on y travailloit encore :

Pour la troisieme fois du superbe Versailles
Il faisoit aggrandir le parc délicieux :
Un peuple malheureux de ses vastes murailles
Creusoit le contour spacieux.
Un seul contre un vieux chène appuyé sans mot dire,
Sembloit à ce travail ne prendre aucune part.
A quoi rêves-tu-là, dit le prince ? Hélas, sire,
Répond le champêtre vieillard :
Pardonnez, je songeois que de votre héritage
Vous avez beau vouloir élargir les confins :
Quand vous l’agrandiriez trente fois davantage,
Vous aurez toujours des voisins.

(Le chevalier de Jaucourt.)

VERSASCHA, (Géog. mod.) vallée d’Italie, au bailliage de Locarno ; elle fait une communauté qui a son gouvernement à part. (D. J.)

VERCHE-REVIER, (Géog. mod.) c’est-à-dire riviere-fraiche ; nom d’une riviere de la Laponie suédoise. Elle entre dans la Laponie moscovite, & se jette enfin dans la mer Blanche. (D. J.)

VERSE, adj. (Géometr.) le sinus verse d’un arc en trigonométrie, est un segment du diametre d’un cercle, compris entre l’extrémité inférieure d’un sinus droit, & l’extrémité inférieure de l’arc. Voyez Sinus & Converse. Ainsi le segment D E, Pl. de Trig. fig. 1. est le sinus verse de l’arc A E. (E)

Le sinus verse d’un angle est donc l’excès du rayon ou sinus total sur le cosinus. Voyez Cosinus.

VERSÉ, en terme de Blason, se dit des glands, pommes de pin, croissans.