Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 17.djvu/136

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fours, l’a en E, sur la face opposée ; au moyen de ce four double, il n’est besoin que du même feu pour faire deux frittes à la fois.

Lorsqu’un four à fritte est achevé de construire, on a toujours le soin de le chauffer par degrés, pour l’attremper & le recuire, avant de le faire travailler.

La vignette de la Planche XII. représente l’opération de la fritte, ou, si vous voulez, les frittiers en action. Ils ont derriere eux des matieres toutes assemblées dans les caisses de bois 1, 2, portées sur des roulettes. Les dimensions de ces caisses n’ont rien qui les décide ; elles doivent seulement contenir au moins ce qu’on met à chaque fois dans le four, c’est-à-dire une fritte, & elles ne doivent pas être assez grandes pour que le frittier seul ne les puisse remuer avec facilité & sans embarras, en s’aidant seulement du levier.

Lorsque le frittier veut enfourner sa fritte, il ôte la barre de son four, approche sa caisse, prend sa matiere avec une pelle représentée en 3, & garnie d’un manche de trois piés, & la jette en tas dans le four, recule sa caisse pour obtenir la place nécessaire à son travail, & replace sa barre dans la position ou elle doit être lorsqu’il travaille. Alors il prend le rable qu’on voit entre les mains du frittier, dans la vignette de la Planche XII. aussi bien qu’en 45, 67.

Le rable est l’instrument le plus intéressant à connoître dans cette partie : c’est l’usage qu’on en fait, qui rend la fritte mieux ou plus mal faite ; il est destiné à la remuer. C’est une longue barre de fer au bout de laquelle on ajoute une patte abcd, faisant angle droit avec la barre qu’on appelle communément manche du rable. On pose le rable sur la barre du devant du four, qui lui sert de point d’appui ; on le place entre deux des chevilles qu’on remarque sur la barre pour l’empêcher de glisser & de changer mal-à-propos de position. Les dimensions du rable sont relatives au four dans lequel on fritte. Si le four a dix piés de diametre, le rable doit avoir environ quinze ou seize piés de manche. Quant à la patte, plus les frittes qu’on enfournera seront fortes, plus elle devra être longue de a en b, pour pouvoir aller jusqu’au pavé ; car c’est bc qui touche le pavé. Il n’est pas besoin que la patte du rable soit fort large de b en c ; il suffit qu’elle le soit assez pour que le rable ait de l’assiette sur le pavé, & qu’il ne change pas de position au moindre obstacle. Un rable à fritte ne me paroîtroit pas mal en proportion, ayant ab = neuf pouces, & bc = six pouces. On met un petit manche de bois au bout du rable pour le tenir avec facilité.

Le rable a deux mouvemens : du devant du four au fond, & réciproquement, & de droite à gauche comme de gauche à droite. Dans le premier, le rable pose sur le côté bc, & le frittier le pousse devant lui jusqu’au fond du four, & trace un sillon dans la matiere qu’il a eu bien soin d’étendre sur tout le pavé du four. Il porte ensuite la patte de son rable deux pouces à côté de l’endroit où elle étoit, & tirant à lui il forme un autre sillon, & ainsi de suite. Cette opération s’appelle labourer la fritte. Elle tend à faire passer au-dessus les parties qui étoient au-dessous, pour leur faire éprouver plus immédiatement l’action du feu ; lorsque les parties que le frittier vient d’exposer au feu, ont été un peu chauffées, il recommence & fait revenir dessus celles qu’il avoit fait passer dessous, & il opere de même jusqu’à la fin de la fritte.

Le second mouvement du rable tend, comme le premier, à changer la disposition des parties de fritte dans le four. Le rable ne pose plus sur bc, mais sur son côté a b. Le frittier met le manche de son rable d’abord à la premiere cheville, & il le remue de droite à gauche, & de gauche à droite. Il fait la même manœuvre en plaçant le rable à chaque che-

ville pour atteindre toutes les parties du four. Point

de maniere plus favorable de présenter souvent au feu différentes parties, & point de moyen plus propre à empêcher la fritte de prendre. Cette manœuvre s’appelle rizeler la fritte. C’est par ces deux manutentions souvent répetées, qu’on parvient à faire éprouver à la fritte une calcination égale & uniforme dans toutes ses parties. Le rable sert aussi à abattre la fritte dans le bassin lorsqu’elle est faite.

Il est nécessaire que le frittier ait auprès de lui plusieurs rables, pour en changer lorsque celui dont il se sert, vient à se trop échauffer.

De la préparation du bois propre au tisage, & de la maniere de tiser. Rien de plus desirable pour la bonne fabrication qu’une chauffe violente, soutenue & bien entendue ; rien conséquemment de plus important que le bon tisage. Nous entendons par tisage, l’action de chauffer le four. La bonté du tisage dépend de trous causes : de la qualité du bois qu’on emploie, de la maniere dont s’y prend l’ouvrier, & de sa vigilance. Le fabricateur n’est pas responsable de cette derniere condition ; elle ne dépend pas de lui, mais les deux premieres tiennent immédiatement à sa capacité. De toutes les especes de bois, celles qui, en faisant plus de flamme, produisent le plus de chaleur, sont sans contredit le hêtre & le frêne & particulierement le premier. Dans bien des pays de forêts, ces deux bois font, pour ainsi dire, une espece à part distinguée par le nom de foyard, qu’on donne à l’un & à l’autre. Différens des bois blancs, comme le tremble, le sapin, &c. ils produisent presque aussi peu de braise, & font une flamme active & animée, au lieu de la flamme pâle & languissante des bois blancs. Les chênes, de quelque espece qu’ils soient, ne peuvent entrer en comparaison avec le hêtre pour l’usage des verreries ; ils charbonnent beaucoup & produisent peu de flamme, ainsi que peu de chaleur. Les arbres fruitiers sauvageons qu’on trouve assez communément dans les bois, peuvent encore servir passablement au tisage.

Ces considérations ont déterminé à choisir le hêtre de préférence à tout autre bois, pour le tisage ; on a cherché ensuite la maniere de façonner ce bois, la plus favorable à sa prompte & parfaite combustion. On a regardé comme la meilleure, la méthode de refendre les pieces de hêtre, & d’en faire des morceaux d’environ quatre ou six pouces de tour, ou, si on veut, tels que l’on puisse les embrasser entre le pouce & le doigt du milieu. Voici les observations qui ont engagé à prendre ce parti. 1°. La plupart des morceaux sont privés de l’écorce qui les empêcheroit de s’enflammer aussi promptement que le cœur du bois le fait. 2°. Le bois sans écorce seche bien mieux. 3°. Le tiseur ayant à employer du petit bois, mesure & regle bien mieux la quantité qu’il croit devoir en mettre dans son four. Le hêtre ainsi façonné prend le nom de billete. La longueur de la billette est réglée par la construction du four dans lequel on la brûle. Dans celui que nous avons décrit, le milieu du tisar se trouve à vingt deux pouces au-dessus de l’âtre des tonnelles, & le haut à vingt-quatre. La bonne longueur du bois sera donc d’environ vingt-sept pouces ; par ce moyen une billette jettée dans le four pourra toucher d’un bout à l’âtre des tonnelles, & de l’autre au tisar, & demeurer par-là dans une position presque droite, qui sera plus favorable à la combustion, que si la billette tomboit à plat sur l’âtre des tonnelles.

On a essayé de tiser avec de la charbonnette ou bois de charbonnage, qui est façonné dans les branches des gros arbres ou dans la cime des taillis. La charbonnette quoique de même grosseur que la billette, fait bien moins bon feu, & il y a bien des raisons pour cela. 1°. On sait que le bois des branches