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voir brûler ; & que plus les cendres des plantes renferment de phlogistique, plus il s’y trouve d’alkali ; comme on voit que le charbon en contient plus que les cendres ordinaires. Ce sont ces observations qui doivent diriger dans la maniere de faire l’incinération des plantes. Brûlons-les mi-seches, & ne les brûlons pas à l’air libre ; le phlogistique se dissiperoit avec trop de facilité ; & d’ailleurs l’acide que l’air ne manqueroit pas d’y apporter, se combineroit avec l’alkali, & formeroit des sels neutres.

Voici comme on s’y prend pour brûler les plantes. On fait dans la terre un trou représentant un cône renversé ; on tapisse le tour du cône de plantes, & on fait du feu au sommet. Celui qui sert cette espece de fourneau, pose des herbes sur le feu & en remet de nouvelles autour du cône. Il en agit toujours de même jusqu’à ce que le trou soit presque plein de cendres. Alors on les remue à-peu-près comme on remue la chaux qu’on éteint ; & les sels qui y sont contenus, fondus par l’action du feu, forment une sorte de pâte. Lorsqu’on en est à ce point, on couvre le trou de terre, & les cendres qu’on y laisse quelque tems refroidir, parviennent à se coaguler & à former un corps solide assez dur pour obliger de le casser avec une masse, lorsqu’il s’agit de le tirer du fourneau.

On pourroit faire ces sortes de fourneaux en briques ou en grès, & on seroit même alors dans le cas de ménager au sommet du cône un courant d’air propre à favoriser l’action du feu. Je préférerois la construction en grès, cette matiere étant plus analogue que la brique à la composition du verre, & les parties qui s’en détacheroient, étant conséquemment moins dangereuses.

La bonne soude contient ordinairement la moitié de sel. Elle n’est jamais parfaitement connue, que par l’expérience de la fusion après son mêlange avec le sable. Voici cependant les marques auxquelles on se rapporte. On regarde comme la meilleure soude, la plus noire, la plus pesante, & celle dont le goût est le plus âcre, le plus caustique, en un mot, le plus alkalin.

On ne fait subir à la soude d’autre préparation, lorsqu’on l’emploie en nature, que de l’écraser au bocart, la tamiser bien fin pour favoriser son mélange avec les autres matieres, & la priver de son principe colorant, par la calcination qu’elle éprouve lors de la fritte ; opération que nous détaillerons dans la suite.

La manganeze se tire de Piémont ou de Suisse. Celle de Piémont est bien meilleure : j’en ai employé de Suisse, qui donnoit au verre un rouge pâle & desagréable. La manganeze forme des masses noires, qui présentent lorsqu’on les casse des grains fins & brillans, comme ceux de l’acier. On regarde comme la meilleure, la plus noire, & celle à laquelle on ne remarque point de taches. Elle ne reçoit d’autre préparation, que celle d’être épluchée avec des marteaux tranchans (à-peu-près comme on épluche la terre), pour la priver de certaines parties ferrugineuses qui se manifestent par la couleur rouge ; on l’écrase ensuite au bocart, & on la tamise au tamis le plus fin, pour la mêler aux autres matieres.

On fait entrer aussi dans les compositions du verre, des morceaux de glace, communément appellés cassons. On doit avoir attention qu’ils soient de belle couleur & analogues, s’il est possible à la composition dont on se sert. Des cassons de mauvaise couleur la communiqueroient aux glaces, dans la fabrication desquelles ils entreroient ; & des cassons de densité différente de celle des glaces qu’on auroit intention de faire, ne pourroient que gâter le mêlange & occasionner un défaut d’union dans les parties. On doit aussi se donner le plus grand soin pour enle-

ver aux cassons les défauts qui seroient susceptibles

de rester les mêmes après la nouvelle fusion (telles sont les larmes & les pierres), & à enlever les saletés qui se trouveroient sur la surface desdits cassons. Un épluchage bien exact sert à bannir les larmes & les pierres, comme aussi à séparer le verre de mauvaise couleur, & la lotion ôte les saletés de la surface. On lave les cassons en les mettant dans un panier, (fig. 4. Planc. X.) dont le fond est fait à-peu-près comme celui des cazerets, où l’on met à égoutter le fromage. On remue le panier plein de cassons, le tenant par l’anse, à-peu-près comme on tourne un tamis. On peut employer les cassons seulement épluchés & lavés ; mais communément on leur fait subir une autre opération : on les calcine, c’est-à-dire qu’on les fait rougir dans un four exprès pour cet usage, fait comme nous décrirons dans la suite les fours à fritte. On les remue avec un rable, outil qu’on trouve représenté en 4, 8, 6, 7 (Pl. XII. vignette), & dont nous donnerons une plus exacte description en parlant des frittes Lorsque les cassons sont bien rouges, on les entasse sur le devant du four avec le rable ; on les prend avec des pelles de tôle, telles que KH (Planc. XVIII.) qui ont un pié de long en MN sur environ huit ou dix pouces de large en LG & quatre pouces de rebord en IM[1] emmanchées d’un manche d’environ sept pieds, dont trois & demi GO en fer, & trois & demi OH en bois ; & on éteint les cassons rouges dans l’eau. Le refroidissement subit qu’ils éprouvent, les fait casser & les réduit en petites parties ; on a par-là l’avantage de pouvoir les mêler plus parfaitement aux autres matieres, dont la combinaison produit le verre. Les cassons calcinés prennent le nom de calcin, & c’est dans cet état qu’on les emploie.

Le mêlange du calcin à la composition du verre, donne des avantages. Comme c’est une matiere qui a déjà été fondue & affinée & qui est déjà verre ; elle dispose les autres à la vitrification ; elle abrege leur affinage, & leur donne plus de consistance & de liaison que n’en auroit du verre neuf ; c’est-à-dire, dans lequel il ne seroit entré aucun calcin. Je dirois, si on me permettoit l’expression, que par le moyen du calcin la composition est plutôt verre, & l’est plus parfaitement. En outre, on met de cette maniere à profit les rognures des glaces qu’on a été obligé de récuire.

Il nous reste à dire un mot d’une autre maniere de composer, qui est moins anciennement en usage que celle dont nous venons de parler.

La soude est composée de sel alkali fixe, vulgairement appellé salin qui est seul le fondant, & d’une base calcaire. On a pris le parti d’extraire le sel de la soude, & au lieu de la terre calcaire qui étoit combinée avec le sel, à laquelle est attachée la plus grande quantité de principe colorant (comme on le remarque à sa couleur noire après l’extraction) ; de la proportion de laquelle le fabriquant n’est jamais le maître ; on emploie de belle chaux, la plus blanche & la plus pure qu’on pût trouver. L’artiste a du moins l’avantage d’être maître de la proportion de sa chaux.

On peut employer la chaux éteinte : dans ce cas on seroit obligé de la laisser sécher pour la passer au tamis fin. On évite cette longueur en n’y jettant que l’eau qu’il faut pour la faire tomber en efflorescence & réduire en poussiere les morceaux un peu gros. On peut même pour moins d’embarras, la laisser fuser à l’air, & en passer la poussiere au travers d’un tamis pour la faire servir aux compositions. Il y auroit peut-être alors des morceaux qui a la vérité ne fuseroient qu’imparfaitement, à-moins d’un très-long tems ; mais on auroit toujours le premier moyen &

  1. On voit en PQSK le géométral de ces pelles.