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continuellement en danger. J’en ai vû qui paroissoient très-bien recuits, & dont l’intérieur n’avoit seulement pas changé de couleur. Les surfaces étoient recuites, & l’humidité s’étoit trouvée retenue dans le milieu & comme concentrée. Or, qu’arrive-t-il ? A quelque coup de feu un peu plus violent, elle cherche à forcer les barrieres qui la retiennent, & le pot périt.

Lorsqu’un pot est manqué à la recuisson, je ne lui connois que deux sortes de défauts, les gerçures & les calcinures, à-moins que par un coup de feu trop subit, il n’ait éclatté en nombre de morceaux. Les gerçures sont de deux sortes ; les unes vont de haut en-bas, & les autres parallelement au cul du pot. Elles sont toutes les effets d’une humidité trop promptement dissipée : mais les secondes, qui se trouvent dans le sens des patons, joignent à cette raison celle de la mal-façon dans la construction du pot ; c’est une preuve que le potier n’a pas fait tout ce qu’il auroit dû, pour joindre bien parfaitement ses patons. Les gerçures sont quelquefois occasionnées par l’air, qui est resté entre les patons & que l’ouvrier a négligé d’en faire sortir.

Les gerçures attaquent toute l’épaisseur du pot, & conséquenment un pot gercé est absolument hors de service. Il n’en est pas de même de ce que j’appelle calcinures ; elles n’ont point de route fixe sur la surface du pot ; elles ont l’air, si l’on me permet la comparaison, des lignes qui désignent une carte géographique. Elles ne touchent ordinairement que la superficie, & ne pénétrent que très-rarement l’intérieur.

Il est imprudent de s’exposer au service de pareils pots ; mais dans de grands besoins j’ai vû des pots attaqués de calcinures durer long-tems.

Je regarde les calcinures comme l’effet d’un corps froid, qui a touché le pot lorsqu’il étoit chaud, mais qui ne l’a pas touché assez long-tems pour nuire aux parties du milieu.

On conserve des pots ou des cuvettes tous recuits dans les arches, mais on s’expose à un nouveau danger en ramenant l’arche par degrés, de sa grande chaleur au simple feu de la lunette. On pourroit s’en garantir en laissant toujours le bonnard allumé, ce qui seroit une dépense de bois trop considérable, si l’on étoit obligé de l’entretenir long-tems.

Choix des matieres vitrifiables, & leur préparation. A l’exception des chaux métalliques, aucune substance ne se vitrifie seule & sans mésange, par la simple action du feu. Le sable lui-même qu’on regarde communément comme la base du verre, ne change point de nature par l’action du feu le plus violent, lorsqu’il est pur. Des expériences occasionnées par le hasard ont appris, que le sable mêlé à des substances alkalines fondoit, & faisoit du verre. Les cendres des végétaux, qui contiennent beaucoup d’alkali fixe, ont servi de fondans ; la soude a été employée de préférence, comme la cendre qui contient le meilleur alkali, & elle a été la seule en usage dans les glaceries. Le mélange du sable & de la soude faisant un verre verd qui colore de même les objets qu’on regarde au-travers ; on y a additionné de la manganeze, substance minérale, dont la propriété est de colorer le verre en rouge & d’être volatile. Elle aide par son évaporation à la dissipation du principe colorant, & lorsque la dose n’en est pas assez forte pour qu’il en reste trop, après la fusion & l’affinage, elle donne au verre un œil diaphane & animé, fort agréable.

Ayant une fois déterminé quelle substance devoit entrer dans la confection du verre, il a fallu se décider par les observations des phénomenes, sur les meilleures especes de ces substances.

On a remarqué que le sable coloré donnoit au verre

une couleur désagréable : on a observé, que le sable fin fondoit avec plus de facilité que le gros. Par ces considérations, on s’est déterminé pour le sable fin & blanc. Celui qui en un certain volume présente un œil azuré, n’est pas moins bon.

Lorsqu’on a été déterminé pour les qualités du sable, on a cherché les moyens de lui donner ces qualités, ou du-moins de les lui procurer à un degré plus éminent. Le sable ne peut être coloré que de deux manieres, ou par le mélange d’argille impure, ou dans les parties propres qui le constituent. Les parties argilleuses sont assez bien emportées par la lotion : voici comme on s’y prend pour laver le sable ; on remplit un baquet d’eau, & on passe du sable dans l’eau avec le tamis[1] fig. 3. Pl. X. garnie de poignées de fer. Par ce moyen le sable reçoit en tombant dans l’eau une agitation assez considérable, & très-propre à en favoriser la lotion. Lorsqu’il y a une certaine quantité de sable dans le baquet, on l’agite & on la retourne avec une palette, exprimée (fig. 1. Pl. X.) & emmanchée d’un manche de bois. L’eau se colore en se chargeant des parties argilleuses, qui étoient auparavant combinées avec le sable ; on la verse & on la renouvelle ; on remue de même le sable dans la nouvelle eau, qu’on renouvelle encore, lorsqu’elle est salie, & on en agit de la sorte jusqu’à ce que l’eau reste claire. Alors le sable est suffisamment lavé. Les dimensions des outils propres à cette opération n’ont rien qui les décide exactement ; il faut seulement qu’ils soient d’une longueur commode pour le service. Quant à la palette, elle ressemble fort à une petite bèche de jardin, & n’est pas mal dans les proportions de la figure.

Lorsque le sable est coloré dans ses propres parties, la lotion n’y remédie pas. Alors on dissipe le principe colorant, en exposant le sable à l’action d’un feu capable de l’évaporer. Communément on ne sait subir cette opération au sable, que quand il est mélangé avec la soude ; nous en dirons un mot en parlant des frites.

Les soudes n’ont d’autre qualité désirable, que celle de contenir beaucoup d’alkali, & de le contenir d’une bonne nature. Celles d’alicante sont les meilleures qu’on connoisse, & les plus en réputation. Celles de Sicile en approchent beaucoup ; celles de Carthagène sont moins bonnes, en ce qu’elles contiennent des sels neutres, non-seulement inutiles, mais même nuisibles à la fusion, & à l’affinage. Celles de Languedoc qu’on cultive aux îles Sainte-Marie, & dans le diocèse de Narbonne, sont assez bonnes. Elles sont connues dans ce pays sous le nom de salicor. Le verre qui en résulte parvient rarement à un affinage bien parfait ; il est cependant marchand.

On entend communément par soude, la cendre du kali majus cochleato, plante marine la plus propre à être brulée pour l’usage des verreries. On cultive cette plante avec grand soin dans les pays de bonne soude, & on lui fait recevoir autant de façons qu’au froment.

Il est inutile d’entrer dans la description de la plante ; elle ne peut servir au maître de verrerie, que lorsqu’elle est brulée, & il lui suffit d’en connoître la bonne qualité dans cet état. Nous dirons cependant un mot de la maniere dont on fait l’incinération des plantes.

On a observé que les cendres des plantes seches ne contiennent pas autant d’alkali, que celles des plantes qui ne le sont qu’autant qu’il le faut pour pou-

  1. Le tamis peut être de crin ou de fils d’archal très-serrés. Il est intéressant qu’il soit assez fin, pour que les parties hétérogenes, qui pourroient être mêlées au sable, restent dans le tamis, ayant moins de disposition que le sable, à passer au-travers.