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risque à courir, ayant poussé moins loin le premier attrempage, ils ont perdu moins de tems, & le four a été en un moindre danger. A la vérité leur four est moins bien réparé & à un plus grand feu, il se déclare des gersures qui n’avoient encore pû paroître : mais c’est une croix du métier qui est bien plus aisée à supporter que les maux auxquels s’exposent les premiers. Le second parti est donc le meilleur : il n’est cependant qu’un palliatif, il laisse subsister les mêmes inconvéniens, & ne fait que les diminuer. On éviteroit tous les inconvéniens de la premiere méthode par une troisieme, qui conserveroit à la vérité le desagrément de la seconde. Ce seroit de prendre pour chanvrer le moment de l’attrempage où un ouvrier pourroit encore entrer & se tenir dans le four, & où il ne pourroit souffrir le moindre degré de chaleur de plus. On chanvreroit sans cesser d’attremper, on ne courroit risque ni de deux attrempages, ni de diverses températures, & on ne perdroit aucun tems[1].

J’ai vu des maîtres de verrerie s’aviser de mettre les pots verds dans le four avant la recuisson de celui-ci, & de les attremper & recuire en même tems qu’ils attrempoient & recuisoient leur four. Cette méthode a réussi à quelques-uns ; conséquemment il n’y a pas moyen de douter qu’elle ne soit pratiquable, mais elle expose à des dangers. Lorsque le pot a reçu un certain degré de feu, une diminution de chaleur qui ne feroit rien au four à cause de son épaisseur, causeroit la perte totale du pot. Au reste, quand cette maniere de recuire les pots seroit prouvée être la meilleure, comme on use plus de pots que l’on ne recuit de fours, on seroit forcé d’en mettre une autre en pratique. Voici l’ordinaire. On place les pots dans l’arche, comme on le voit dans la fig. 2. Pl. VI. en faisant attention que les pots soient bien secs, l’arche froide, & la lunette bien bouchée ; la disposition & l’arrangement des pots dans l’arche dépendent de la connoissance qu’on a de la manœuvre usitée, pour tirer les pots de l’arche après leur recuisson. La seule observation que font ceux qui les placent, c’est de ne pas gêner cette manœuvre, & en même tems de ne pas approcher les pots de la clairevoie, de peur que le premier coup de feu sortant de la lunette ne les touche & ne les endommage[2].

Lorsque les pots sont placés dans l’arche, on la laisse quelque tems ouverte ; en cas que sa température ne soit pas semblable à celle de laquelle sortent les pots. On bâtit ensuite le devant de l’arche, ce qu’on appelle en terme de métier, faire l’arche, faire la glaie de l’arche. On laisse seulement un espace ouvert au haut de la gueule de l’arche pour établir le courant d’air, lorsqu’on la chauffera : on dispose le bas de la glaie de l’arche, de maniere qu’on puisse aisément y pratiquer une petite ouverture pour voir l’état des pots, lorsqu’on le desire. Après que les pots ont été quelque tems dans l’arche faite, on démarge la lunette ; mais il faut le faire avec beaucoup de précaution. On se contente de faire tomber par le bonnard, avec l’instrument qu’on appelle grand mere (Pl. XIX. fig. I.) un peu du mortier qui retient l’espece de plateau nommé margeoir, qui bou-

che la lunette ; à une autre occasion, on en fait tomber

une plus grande partie. On opere de même jusqu’à ce que rien ne retienne le margeoir, & l’on donne par ce moyen le feu le plus doucement qu’il est possible ; lorsque le margeoir est tout-à-fait décollé de la lunette, on l’en écarte de maniere, qu’il y ait environ trois lignes entre la lunette & lui, ce qu’on appelle détacher le margeoir. On l’écarte toujours de même, par gradations insensibles, jusqu’à ce qu’il touche la clair-voie ; alors on repousse le margeoir plus loin que la lunette, de devant laquelle on l’ôte, c’est à compter de ce moment que la lunette fait sur les pots, tout l’effet qu’on peut en attendre. Lorsque son feu a commencé à faire changer de couleur à l’arche, on allume le bonnard. D’abord on y jette une buche de gros bois, qu’on y laisse prendre seule ; on augmente le feu peu-à-peu, & enfin on le pousse le plus fort qu’on peut. On doit avoir attention de suivre le bonnard avec régularité, & de ne pas laisser tomber le feu ; encore moins, si par hasard il tombe, doit-on le remonter trop précipitamment.

Pendant toute la recuisson des pots, les ferrasses que nous avons dit s’abaisser sur le devant de l’arche, restent abattues. La recuisson totale dure environ sept jours, on peut même la faire en cinq, mais il faut alors des pots bien secs, & beaucoup d’exactitude. La recuisson est d’autant plus parfaite, que la chaleur de l’arche, lorsqu’on en retire les pots, est plus approchante de celle du four ; ils s’apperçoivent moins du changement de température en entrant dans le four, sur-tout si on a pris la précaution de diminuer un peu le feu de celui-ci. La recuisson se termine en réchauffant le four avec précaution, & le remontant par degrés.

Tous les pots de quelque terre qu’ils soient construits, ont besoin de souffrir un très-grand feu avant qu’on les remplisse de matiere vitrifiable : il est bon qu’ils prennent, sans être genés, la retraite dont ils sont susceptibles. Si on remplissoit le pot, avant qu’il eût pris sa retraite, il ne tendroit pas moins à la prendre, il ne pourroit le faire avec régularité, & également empêché par le verre qu’il contiendroit, & cette retraite gênée occasionneroit sans contredit, dérangement de parties, déchirement, désunion.

Lorsque les pots sont recuits, on ne sait guere leur bon ou mauvais état, que par l’inspection. On cherche cependant à en juger par le son en frappant légerement le haut de la fleche, avec le crochet à tirer les larmes (Pl. XXII. fig. 1.) ce qu’on appelle sonder les pots ; c’est ainsi qu’on juge au son, si une cloche est félée ou non. Rien n’est si équivoque que cette indication ; des mauvais pots sonnent quelquefois très-bien, & il arrive que des bons pots sonnent mal.

Il en est de la recuisson des cuvettes, comme de celle des pots ; on la conduit de même, & elle est sujette aux mêmes inconvéniens. On pratique en farsant la glaie de l’arche à cuvette, une ouverture semblable aux ouvreaux à cuvette, on la tient margée avec une tuile, & c’est par-là qu’on tire les cuvettes de l’arche.

Il faut trois choses pour une bonne recuisson, le ménagement du feu, la sécheresse de l’arche, & la sécheresse des pots.

Le ménagement du feu. On en a déja vû les raisons.

La sécheresse de l’arche. Lorsqu’elle est humide, les vapeurs qui s’élevent du pavé frappant le cul du pot, déja chaud, le détériorent nécessairement, le font gercer, & vont quelquefois même jusqu’à le détacher de la fléche.

La sécheresse des pots. Un pot peu sec peut à toute rigueur se recuire à force de précautions : mais il est

  1. On sera peut être étonné que ce soit de filasse qu’on se serve pour raccommoder l’intérieur d’un four. Il paroit impossible qu’une matiere aussi combustible puisse subsister dans un milieu aussi ardent, mais la terre dont elle est enveloppée se cuisant autour d’elle, elle ne fait que charbonner, ne se consume pas, & on la retrouve dans cet état à la démolition d’un four. Quelques subsistances minérales qu’on mît à cet usage, elles n’y seroient pas à beaucoup-près si propres : il seroit difficile d’en trouver qui ne fussent détruites par la calcination ou par la fusion.
  2. On éleve les pots sur des briquetons, pour que le feu puisse toucher le cul en-dehors, comme la fleche, & d’ailleurs pour pouvoir, en ôtant un des briquetons, faire pencher le pot du côté qu’on le veut.